La « fraude sociale » est l’un des thèmes récurrents et même, sans aucun doute, un marqueur fort de la droite : boucs émissaires faciles, les pauvres, n’est-ce pas, sont forcément paresseux, voleurs et tricheurs et ils font même semblant, peut-être par pur plaisir, d’être malades ou accidentés au travail.
Une telle assertion « de bon sens » a été répétée en boucle dès les toutes premières et timides ébauches, en France, d’aides sociales ou médicales à la fin du XIXe siècle (loi du 15 juillet 1893 sur l’assistance médicale gratuite, par exemple). Tous les prétextes étant bons, petit à petit, la droite d’aujourd’hui, mais aussi ses concurrents sous pression électorale, risquent de parvenir, si l’on n’y prend garde, à raboter nos libertés à tous.
Dans les années 1990, après la mise en circulation de la carte Vitale, la question de son utilisation frauduleuse avait déjà tout de suite été posée. On en avait débattu très vivement au ministère de la santé, deux idées étant mises en avant : faire figurer une photo de l’assuré maladie au recto de la carte, d’une part, et utiliser le Numéro d’Inscription au Répertoire des personnes physiques (NIR) comme identifiant généralisé dans toutes les démarches en santé, y compris pour accéder à toutes les données personnelles de santé, d’autre part. Cette dernière idée était tentante puisque ce NIR est utilisé depuis son origine par la Sécurité sociale (c’est le fameux « numéro de Sécurité sociale ») et, aujourd’hui, par de très nombreuses autres administrations ou organismes.
Cette deuxième idée a cependant alors été écartée, par respect pour le caractère absolument confidentiel des données personnelles de santé, caractère fondamental et justifié au regard des manœuvres opérées par de nombreux employeurs et assureurs, notamment. Notons que ce renoncement s’est produit en dépit de l’exemple contraire des pays nordiques européens dans lesquels un même numéro individuel universel est utilisé pour absolument toutes les démarches, quelles qu’elles soient.
La question de la photo, comme celle, aujourd’hui, de la carte nationale d’identité, est plus significative de la déconnexion de nombreux décideurs de la vie réelle des citoyens : lorsque les patients sont alités ou dans l’incapacité de se déplacer eux-mêmes, ce ne sont jamais eux qui, par exemple, se rendent à la pharmacie avec leur carte Vitale : quel contrôle peut-on alors effectuer ? Sans compter que d’autres ayant-droits peuvent aussi bénéficier des droits ouverts à un assuré donné, même si, depuis quelques années, s’ils sont majeurs, ils se voient attribuer une carte personnelle revêtue de leur propre NIR, ils ne bénéficient pas de droits en propre. Malgré cela, à l’époque la présence d’une photo d’identité avait néanmoins été décidée pour les nouvelles cartes, ce qui n’a pas empêché quelques abus qu’il est extrêmement difficile de quantifier.
Associer la carte Vitale à la carte nationale d’identité ? Souvenons nous que lorsque la loi « Informatique et libertés » avait été votée en 1978 (instaurant la CNIL), c’était, principalement, afin d’interdire le croisement des fichiers par les administrations publiques ou privées. Mais, aujourd’hui, les esprits, en quête à court terme d’une illusoire sécurité de tous les instants, s’étant engourdis, on paraît avoir oublié cette préoccupation née, il est vrai, des tragiques souvenirs des usages introduits par les pouvoirs totalitaires, il y a, pense-t-on, si longtemps. Il est des questions qu’il ne faut jamais renoncer à mettre sur la place publique. En outre, les professionnels de santé ont-ils vocation à devenir des auxiliaires de police (comme le sont, d’ailleurs, déjà devenus les contrôleurs de la SNCF) ?
Un rapport très détaillé sur le sujet a été présenté le 26 avril 2023 par l’inspection générale des finances avec le concours de l’inspection générale des affaires sociales et de l’Assurance maladie. S’appuyant sur des données factuelles et un nombre considérable de consultations pendant plusieurs mois, il manifeste clairement son opposition au concept de carte Vitale biométrique, à la base du projet de fusion de celle-ci avec la carte nationale d’identité.
Il est, dès lors, permis de s’interroger : sur fond de statistiques hasardeuses, sur quelles valeurs le gouvernement s’appuie-t-il pour persister à soupçonner de fraude à grande échelle les bénéficiaires de prestations sociales ? Quelles fraudes, précisément, cherche-t-il à débusquer et quelles sont ses véritables motivations ?
Plutôt qu’à la carte nationale d’identité, tant qu’à associer la carte Vitale à quelque autre document, ne serait-il pas plus utile de lui adjoindre plutôt la carte européenne d’assurance maladie (CEAM), ce qu’ont déjà fait plusieurs États européens ? Cela aiderait sans doute un peu plus l’ensemble des Français à prendre conscience d’un bénéfice concret de leur citoyenneté européenne.
[author title= »François Mennerat » image= »https://www.sauvonsleurope.eu/wp-content/uploads/2019/05/François-Mennerat-1.jpg »]François Mennerat est membre du bureau de Sauvons l’Europe.[/author]
La fusion carte identité et carte d’assurance maladie (donc en format ecletronique) est pourtant la réalité pratiquée dans plusieurs pays européens (dont certains très proches de la Frane comme la Belgique) et ce depuis de tres nombreuses années et cela sans qu’aucun des problèmes exposés dans l’article ne s’y soient manifestés.
C’est tout de même assez incroyable cette absence de perspective européenne sur le sujet dans un article publié sur un site de reflexion européenne. Amener le sujet de la fusion par la seule résorbsion de la fraude c’est par ailleurs manque une partie importante du sujet qui consiste en la facilitation des démarches et l’initeropérabilité via la centralisation en un seul instrument. A quand une perspective européene incluant les exemples probants de fusion réussie en Europe?
Pourquoi pas une seule carte européenne pour la santé au lieu de plusieurs cartes ?
Quel est l’étendue de la fraude dont on nous rabâche les oreilles sans nous nous en présenter aucun élément pouvant nous permettre d’en juger ?
Et en quoi faire une fusion entre la carte nationale d’identité et la carte d’assurance maladie réglera la question des fraudes ?
les billets de sauvons l’Europe devraient avoir une dimension européenne sinon Sauvons l’Europe ne respecte pas son ADN . Quand à oser écrire que « La « fraude sociale » est l’un des thèmes récurrents et même, sans aucun doute, un marqueur fort de la droite » c’est un aveu bien triste car si la gauche n’a rien à dire aux couches populaires qui basculent sur le RN on comprend mieux ses scores électoraux hélas !
Je vois pas clairement le rapport entre ce qu’on peut dire de la fraude sociale vue par la droite et le « basculement populaire vers le RN »…
Cher crocodile,
Il est à craindre que vous ignoriez le contexte de cet article. Car c’est ni plus ni moins que le gouvernement français qui a délibérément placer l’hypothèse de la fusion de la carte Vitale avec la carte nationale d’identité (CNI) sur ce terrain de la fraude sociale et de la fraude à l’usurpation d’identité. C’est ce qui a motivé le rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires sociales (https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/carte_vitale_biometrique.pdf) rendu le 15 avril dernier.
L’utilisation de la CNI pour « faciliter les démarches et l’interopérabilité » est d’une autre nature. La Belgique a décidé de privilégier cette approche qui, pour certains usages, peut tout de même soulever certaines craintes. La carte d’identité belge comprend, par exemple, une fonction très commode de signature électronique. Cette éventualité a été débattue en France pour être « démocratiquement » écartée. On peut ouvrir ce débat, important, à une échelle plus large. Mais il n’a rien à voir avec la fraude sociale.
Cher François Mennerat,
Merci de votre réponse. Je suis bien au fait de l’angle de présentation du sujet par le gouvernement Français. Pour autant, je ne vois pas en quoi cela disqualifierait par principe une telle fusion, sauf à considèrer que l’auteur d’une proposition compte plus que le fond du sujet, et si le gouvernement Français n’a présenté publiquement cette proposition que sous un seul angle, je ne vois pas en quoi il existerait une contrainte existentielle obligeant à rester enfemer sous ce seul angle. Quelque part, c’est même un devoir de prendre en considération toutes les facettes du sujet sans rester dans l’étroit corridor des communnications gouvernementales.
D’ou la pertinence de comparer avec ce qui se fait ailleurs en Europe – où les exemples de fusions réussies existent depuis plusieurs années. La question de la fusion prend par ailleurs une dimension toute particulière à la lumière des développements législatifs européens et la future arrivée d’une identité numérique sécurisée qui permettra à chaque citoyen de procèder à une signature electronique sécurisée et organisée/reconnue par les pouvoirs publics (et qui necessitera probablement un support matériel qui ne pourra se réduire au seul smartphone – par exemple cette carte ID/vital unifiée – comme ce qui se fait déja ailleurs).
Bref, ce projet de fusion n’est probablement que le point de départ d’une évolution inévitable – déja en cours ailleurs en Europe, qui incluera probablement dans un deuxieme temps cette signature eletronique (les pouvoirs publics ont beau l’avoir mis de coté en France pour le moment, le sujet reviendra inévitablement à brève échéance du fait des développements législatifs europeen en matière d’eID). Il me semble dès lors beaucoup plus pertinent de s’attacher à regarder les conditions mises en place ailleurs en Europe pour garantir que ce genre de fusion garantisse un haut niveau de securité et de préservation des données personnelles (contre tout accès non-autorisé ou toute tentative d’exploitation non-conformes avec la préservation des libertés individuelles) et vérifier ainsi si le projet français s’inscrit dans les pas des bons élèves européens ou non. Sans quoi, nous en restons à une vision franco-française du sujet (et unidimensionelle)…sur un site de reflexion européenne.
Un peu trop facile, cher croco-dile votre moulage dans les ‘évolutions inévitables’.. coucou l ‘AI !!
D’accord avec ce que vous dites au sujet des pauvres que l’on stigmatise.
S’il est prioritaire déjà de faire participer les plus riches de façon plus juste à l’effort général, il me semble quand même également normal de vérifier aussi la validité des cartes vitales en circulation et de ne pas verser de pensions à des morts. Les dépenses sociales sont très importantes et à contrôler également. De grâce pas d’idéologie dans le domaine des finances publiques.
D’accord avec François Mennerat et crocodile, en partie. Mon grain de poivre!
Un : la sécurité absolue n’existe pas. La fraude a été, est et sera comme le vol de millions de données par des hackers, revendues au plus offrant! Il y a des lois qui ne sont pas appliquées et souvent laxistes, peu dissuasives, vu qu’on ne veut pas construire de prisons. On profite de l’exemple marginal de quelques délinquants pour traiter tous les français en délinquants potentiels. Attal l’a bien dit : « il faut que les français s’habituent à avoir plus de devoirs que de droits ! » donc à la restriction des libertés individuelles, le droit au secret médical par exemple !
Le rêve des prétendues « démocraties » est d’obtenir de leurs citoyens, par le chantage à la peur (la santé, la sécurité, l’énergie, l’eau, la guerre…), leur consentement sous un prétexte pratique, pour leur bien… un « crédit social » à la chinoise : pouvoir posséder toutes les données d’un citoyen accessibles à la police, la justice, au privé (assurances, mutelles, banques, fonds de pension…) pour mieux les contrôler !
Deux : perdre une carte c’est déjà un parcours du combattant surtout pour ceux qui sont hermétiques au net mais perdre les 2 en une merci pour les voleurs, les nouveaux fraudeurs ! Bientôt pucés comme des veaux? Comme on traite les animaux, on traite les masses, comme un troupeau, en batterie ! De plus en plus difficile de contrôler ses impôts, ses factures, ses dépenses et de plus en plus difficile d’en faire corriger les erreurs ! Produisez, consommez et fermez là, on s’occupe de tout pour votre bien!
Bravo Zorro et François Mennerat !
Bonjour.
Toutes les formes de fraudes sont à combattre, je dis bien toutes.
Que ce soit celui qui fraude aux allocations familiales, aux retraites, à l’assurance maladie mais aussi ceux qui ne paient pas d’impôts grâce à de savant montage financiers, ceux qui reçoivent des fonds pour maintenir l’emploi et qui ne tiennent pas leur engagement, la scandaleuse fraude toléré par l’état sur les super profits, sur nos gouvernants et nos élus nationaux et européens qui se servent dans les caisses de diverses façons, etc, etc….
Volontairement, la culture du contrôle et de la vrai sanction ont disparu, nous perdons des milliards à cause de ces fraudes et incroyable, on ose nous dire qu’il faut travailler plus longtemps pour équilibrer les comptes de la nation ?
A cause d’eux, de leurs incompétences, nous nous appauvrissons d’où la montée de l’insécurité, de l’alcoolisme, de la consommation de drogue, du développement tout azimuts d’une économie souterraine.
Nous sommes gouverner par des menteurs, des voleurs, nous sommes en démocrature,
Monsieur MACRON prend des leçons chez POUTINE, par son comportement, il insulte nos élus à l’assemblée nationale, il nous insulte nous qui n’avons pas été dupe lors de la dernière présidentielle, nous lui avons montré que nous n’étions pas un peuple de moutons comme il le pensait en ne lui donnant pas de majorité lors de l’élection de nos députés, il l’a amère, du coup, il fait n’importe quoi, il ne cesse de se discréditer.
Lui, ancien ministre des finances, il n’a même pas vu venir le risque de dégradation de notre notation au niveau des agences de notation ou pire, il le savait et il s’en moque, ce qui est encore plus grave, personne n’en parle dans Sauvons l’Europe, étrange ?
Les agences de notation sont-elles vraiment au service des états et des peuples? Doit-on se gouverner en fonction de leurs jugements et au nom de quoi?
Tout à fait d’accord avec ces interrogations fort judicieuses.
A trop s’en remettre à l’ arbitraire de ces officines, faudra-t-il un jour parler d’ « allégeance de notation » ?
Bonjour Monsieur PODEVIN.
Si vous relisez la fin de mon commentaire, je ne vous dis pas que les agences de notation sont la panacées comme d’ailleurs le FMI, elles ont malheureuse un rôle d’arbitre pour sanctionner les états qui s’écartent d’une certaine orthodoxie budgétaire, il suffit de regarder derrière nous pour voir le rôle qu’elles ont jouées sur la crise de la dette grecque, sur l’Argentine entre 1998 et 2002.
Dernièrement, fin 2022, le Royaume uni a subi un désaveu du FMI contribuant au départ de la première ministre Liz TRUSS.
Si la notation actuelle change pour la France, automatiquement nous aurons une remontée des taux, plus ils monteront, plus les intérêts de la dette deviendront insupportables pour le budget avec un risque de faillite.
Vous poser la question doit ‘on gouverner en fonction de leurs jugements et au nom de quoi, je vous pose la question comment faire différemment, avez vous la recette magique pour fabriquer de l’argent, pour effacer la dette, pour s’isoler, pour rompre l’interdépendance financière ?
J’attends votre réponse ?
Bonjour Monsieur VERNIER.
Lisez la réponse que je fais à Monsieur PODEVIN, idem pou vous, vous écrivez « à trop s’en remettre à l’arbitraire de ses officines (vous oubliez de parler du FMI qui intervient également), vous parlez même d’allégeance », que proposez vous ?
Doit ‘on laisser un état s’endetter en dépit du bon sens ?
Ne pensez vous pas que cette manière de gérer une grande nation ne prépare t’elle pas de nouvelle grande crise économique et financière avec son lot de catastrophes et de malheurs ?
Quelque soit le parti politique, pensez vous que l’on puisse éternellement financer des
promesses par la dette au vu de notre situation, qui va continuer à nous prêter ?
Désolé de répondre avec retard à des questions que vous posez successivement… et sans doute avec pertinence.
En fait, pour ma part, je crains de n’être pas un destinataire idéal pour ce genre d’interrogations qui méritent d’être soumises à des économistes… et non à l’ « institutionnaliste » que j’aspire à être de façon privilégiée en regard de thèmes européens que j’observe et je vis depuis plusieurs décennies..
J’espère que vous comprendrez qu’en brandissant ce « drapeau blanc » je ne cherche pas à esquiver un dialogue approfondi avec vous, comme nous l’avons engagé à plusieurs reprises. C’est une certaine « honnêteté intellectuelle » qui me dicte de renvoyer à plus compétent(s) que moi sur le terrain économique.
Quant au FMI, je me contenterai – pirouette ? – de faire observer que ces trois lettres sont incluses dans le mot « FuMIste »…
Bonjour Monsieur VERNIER.
Merci pour votre réponse ci-dessus.
Nos échanges, comme d’habitude, sont placés sous les signes du respect et de la courtoisie.
Il doit bien y avoir dans Sauvons l’Europe des personnes qui ont des compétences économiques et financières, pourquoi n’apportent ‘elles pas leur point de vue sur les questions que j’ai posé ?
Elles clarifieraient certains écrits qui peuvent créer involontairement la confusion, moi même, je suis faillible comme tous mortels, elles participeraient à mon enrichissement intellectuel.