Intégration-dislocation-recentrage : le pacte pour l’euro plus, la Libye et la gouvernance européenne

Le « Pacte pour l’euro plus » sur lequel vingt-trois pays (les dix-sept membres de l’euro-groupe et les six pays hors zone euro qui ont décidé de le rejoindre : Bulgarie, Danemark, Lettonie, Lituanie, Pologne et Roumanie) viennent de s’entendre et l’intervention militaire en Libye peuvent se lire chacun et dans un sens complètement opposé comme un tournant majeur de la construction européenne.

D’un côté, avec le Pacte, ce sont tous les rêves français d’un gouvernement économique qui commencent à prendre forme, même si cela se fait sur un mode tout allemand et en continuant à occulter le problème central de la crise financière que traverse l’Europe (c’est à dire l’imbrication de la crise des dettes souveraines et de celle, latente, des banques privées européennes, qui est amené à perdurer si les autorités nationales et européennes continuent de refuser un traitement de choc pour les banques, celui-ci pouvant notamment passer par l’arrêt des soins palliatifs prodigués par la BCE et les Etats Membres et par une mise à contribution des banques aux plans de sauvetage des Etats trop endettés).

De l’autre, en Libye, c’est là aussi un travail de longue haleine – celui de la lente construction d’une capacité européenne de défense et de politique étrangère indépendante de l’OTAN et forgeant du consensus pour rendre l’Europe plus audible sur la scène mondiale, qui trouve sa conclusion, dans l’échec cette fois, avec les différences qui se sont fait jour au moment du vote des résolutions à l’ONU (abstention allemande) et le constat que seuls onze pays européens participent finalement à l’opération (Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, France, Grèce, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Roumanie, Suède) dans une zone pourtant stratégique et proche de l’Europe.

Ainsi donc, alors que d’un côté l’Europe continue de s’intégrer et essaie de trouver dans une approche collective, quoique partielle, des solutions à ses problèmes économiques, elle se disloque sur la scène internationale en s’avouant à elle-même que les diplomaties nationales restent prépondérantes et que le nouveau service européen d’action extérieure n’aura jamais d’action que le nom (et qu’il vient même peut être d’être définitivement enterré, quelque part sur la route de Benghazi ?).

Derrière cette première ligne de fracture s’en dessine une autre, qui touche elle le volet économique des regroupements en cours. A moyen terme en effet, les évolutions de la gouvernance européenne pourraient déboucher sur un recentrage de l’Union européenne sur un noyau dur (mais à gros effet de masse, l’euro-gorupe représentant à lui seul 75 % du PIB de l’Union) qui irait de l’avant dans la coordination des politiques économiques en tolérant de moins en moins les stratégies flibustières des « six », restés en marge du Pacte pour l’euro plus pour profiter des avantages du marché intérieur en gardant les mains libres sur leur policy mix.

Dans cette optique « insiders/outsiders » il serait concevable, voir raisonnable (sinon moral), que ces six pays mettent en adéquation leurs ambitions européennes revues notablement à la baisse avec les cadres institutionnels existants. Ils pourraient être alors amenés à quitter l’Union européenne pour rejoindre les trois pays de l’Association Européenne de Libre Echange (Islande, Liechtenstein, Norvège) qui bénéficient des facilités du marché intérieur européen au sein de l’Espace Economique Européen (EEE).

Ceci mettrait fin à la pernicieuse stratégie d’entrisme du Royaume-Uni en lui offrant ce qu’il a toujours recherché (une Europe-marché) mais en court-circuitant une fois pour toutes sa capacité de nuisance au sein des instances communautaires par une rétrogradation en deuxième division. Sans pour cela rendre impossible au coup par coup, comme dans le cas libyen, la possibilité pour nos frères d’armes anglais de se joindre à des démarches intergouvernementales avec les pays européens les plus volontaristes en matière militaire et de politique étrangère.

Le printemps 2011, annonciateur d’une Union plus ramassée, recentrée sur une nouvelle gouvernance et débarrassée des illusions d’une politique extérieure et de sécurité commune ? Tout n’est peut être pas perdu après tout.

Francois Schwartz

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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1 COMMENTAIRE

  1. Bonjour, je n’ai pas compris ce que vous écrivez sur les banques.
    Vous préconisez à la fois « un traitement de choc » par « l’arrêt des soins palliatifs » – ce qui veut dire que nos banques sont en faillite, appelons un chat un chat- et en même temps, vous leur demandez de contribuer « aux plans de sauvetage des états trop endettés « .
    Comment une banque en faillite peut-elle « contribuer  » à quoique ce soit et notamment venir sauver un état lui-même en faillite ? La banque qui ne bénéficie plus « des soins palliatifs » ce qui veut dire moribonde ou quasi-cadavre , met la clé sous la porte en ruinant ses déposants . Je ne vois pas trop ce qu’elle va faire d’autre. La garantie de l’état ne jouera pas puisque l’état est lui-même en faillite. J’ai eu l’impression que vous demandiez tout et son contraire. Pour nos banques, nous savons lesquelles sont à risque : CA, BNP, SG, HSBC semble également être dans le collimateur, Deutsch Bank à coup sûr, il y en a bien d’autres.

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