Jean-Pierre Bobichon est une des bonnes marraines de Sauvons l’Europe. Aussi, quand la Cfdt lui rend hommage, nous saisissons l’occasion pour rappeler que l’action citoyenne est l’affaire de tous et que Bruxelles n’est pas inaccessible, juste un peu plus loin. Itinéraire d’un gars de la Bastille.
De son soutien actif à Solidarnosc à ses années aux côtés de Jacques Delors, Jean-Pierre Bobichon, ancien secrétaire général de l’Union régionale parisienne, nous livre quelques morceaux choisis de son engagement européen. Un engagement parmi d’autres. Où les petites histoires s’entremêlent avec la grande.
« Je suis un mec de la Bastoche », accroche le Titi parisien, né en 1947. Fils d’une plumassière et d’un employé de la Compagnie des wagons-lits, Jean-Pierre se décrit comme un authentique autodidacte. Jeune, il doit arrêter son apprentissage de la typographie pour commencer à travailler comme magasinier, puis chauffeur-livreur. Il découvre la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) en 1967, avant d’adhérer à la CFDT.
En 1974, un 1er mai, son engagement prend un nouveau virage quand Jean Boussemart, alors secrétaire général de l’Union départementale (UD) de Paris, l’embauche. Deux ans seulement après, le jeune syndicaliste prend la tête de l’UD (1976-78) puis est élu secrétaire général de l’Union régionale parisienne (1978-86), future Union régionale Île-de-France. Membre du Bureau national, Jean-Pierre commence à nouer des liens en Europe. D’abord, à travers la conférence syndicale des régions capitales, organisée pour la première fois en 1979 à Bobigny. « Nous travaillions à créer des passerelles entre organisations, en menant des réflexions communes sur les transports, le logement ou encore l’environnement », se souvient-il.
Soutien à Solidarnosc
Une aspiration ambitieuse dans une Europe coupée en deux par le « rideau de fer » qui commence toutefois à se fissurer. En Pologne, naît à l’été 1980 le puissant syndicat Solidarnosc qui va devenir le principal contre-pouvoir au régime communiste. Alors que la CGT refuse de reconnaître ce syndicat non officiel, la CFDT lui apporte très vite un appui total. « Personne n’avait mieux saisi l’enjeu des libertés qu’Edmond Maire », souffle Jean-Pierre. Conviés au congrès de l’URP à Bobigny en novembre 1980, les représentants de Solidarnosc de la région de Varsovie invitent en décembre une délégation de la CFDT régionale à leur congrès. Avec 4 militants, Jean-Pierre s’envole pour la Pologne quasi clandestinement, sans visa. Et reste coincé à l’aéroport de Varsovie… La situation se débloquera finalement, suite à un ultimatum de Solidarnosc au ministre de l’Intérieur. « Ce soutien a été très important pour eux. Mais on voyait bien que quelque chose se tramait », observe Jean-Pierre. La nuit même de leur retour, le 12 décembre à 2h du matin – Jean-Pierre a une mémoire d’éléphant –, une vague d’arrestations est engagée contre les responsables du syndicat, dont Lech Walesa.
Avec FO, la CFTC, la CGC et la FEN, la CFDT décide de réagir et organise une série d’actions, dont un mémorable meeting, le 23 décembre, à la Mutualité. Avec la participation de nombreux artistes et intellectuels. « Un souvenir inoubliable, lâche Jean-Pierre, des trémolos dans la voix. Un formidable élan de solidarité de toute la CFDT était né ».
Aux côtés de Delors
Jean-Pierre est recruté à la Commission européenne en 1986. Il est chargé de l’information syndicale et sociale auprès du cabinet de Jacques Delors, président de la Commission. « Nous nous sommes rencontrés en 1979 lors d’une formation économique, raconte Jean-Pierre. Et le lien perdure toujours. Il a bataillé pour jeter les bases d’un dialogue social européen », relate-t-il, évoquant le dialogue de Val Duchesse – réunions lancées en 1985 avec les partenaires sociaux européens – qui aboutira au protocole social signé en 1992 par 12 pays et annexé au Traité de Maastricht.
Jean-Pierre quitte finalement la Commission en 2003 et rejoint l’Institut Notre Europe l’année suivante où il devient conseiller de Jacques Delors. En observateur bien placé de la vie européenne, il pose un regard lucide sur la situation actuelle : « C’est compliqué de trouver des compromis qui respectent les histoires et les cultures de chacun. On a tendance à renvoyer la faute sur Bruxelles car on ne sait pas comment fonctionnent les institutions. C’est pourquoi il est indispensable de sensibiliser les militants sur l’enjeu européen ». Avant d’avertir celles et ceux tentés par un repli nationaliste : « Les murs et barbelés sont un frein au rapprochement des peuples et un danger pour la paix. Face aux enjeux climatiques, migratoires et numériques, nous devons plus que jamais renforcer la coopération européenne ». À bon entendeur.
Dialogue social européen ?! On en voit le résultat exemplaire aujourd’hui !
Des chômeurs mis en concurrence (déloyale) avec des « travailleurs détachés » venus de toute l’Europe et même de plus loin (directive Bolkenstein),dans un pays qui en compte des millions, résultat de la destruction programmée et méthodique de leurs droits, par une UE (qui protège) qui interdit entre autres le « contrôle des mouvements de personnes ».
Un CDI dégradé sur le moins disant, qui n’a plus de la « durée indéterminée » que le nom et que les autres (à durée déterminée, contrats de mission, contrats intérim, intermittents et autres précaires) n’ont plus rien à envier.
Des syndicats, plus jaunes que rouges, subventionnés par l’UE avec l’argent des contribuables français, qui ont perdu la plupart de leurs adhérents et mobilisent les salariés dans des manifestations vaines, stériles, qui n’ont plus d’autre but que d’exprimer leur colère, autrement dit de permettre aux mécontents de se défouler, en évitant scrupuleusement d’aborder la responsabilité de l’UE dans cette précarisation.
Des ICE (initiative citoyenne européenne) qui ne peuvent pas proposer de projets de loi (pas de droit d’initiative) et dont les objectifs doivent respecter les traités !
Un parlement impuissant, dépouillé de son droit d’initiative (lui aussi), qui parvient rarement à un consensus du fait de ses règles de fonctionnement, qui laisse le plus souvent la décision à la commission, quand celle-ci ne dédouane pas du problème en déléguant la décision aux États-membres, lesquels ne sont jamais unanimes pour satisfaire les attentes de leur population.
Que vaut, en effet, la position de l’UE sur le glyphosate, par exemple, lorsque certains pays maintiennent l’autorisation, au mépris de ceux qui l’interdisent ?
J’entends déjà les chantres de l’UE expliquer qu’on va dans le bon sens ou que, si on en est là, c’est à cause des gouvernements des pays, que l’UE n’est que leur exécutant…
Bref ! Europe sociale, c’est un oxymore.
Non, cher ami, le patronyme de l’ancien commissaire ne s’orthographie pas « Bolke-N-stein », mais simplement Bolkestein. Je sais bien que, lorsqu’on affiche une certaine hostilité à l’UE, on n’échappe pas à la tentation d’en appeler – plus ou moins consciemment – aux mânes de Frankenstein… mais de là à faire » du Mary Shelley », même l’année où l’on célèbre le centenaire du bon docteur, il y a peut-être une marge.
Passons sur les ritournelles habituelles qui font partie d’une obstination à refuser de voir les réalités en face quant aux responsabilités de l’UE et de ses Etats membres dans leurs pouvoirs respectifs – mais qu’il conviendrait sans doute de rappeler, à l’occasion, pour donner enfin un aperçu correct de la manière dont, EN DROIT et EN FAIT, sont distribuées les compétences de l’une et des autres.
A ce stade, l’humble observateur qui vous répond se contentera de trois brèves observations (puisqu’il est observateur):
– le domaine social (comme celui de la fiscalité) reste du ressort éminent des Etats membres
– lorsque l’ « exécutif » communautaire – en l’occurrence, la Haute Autorité de la CECA – a néanmoins disposé de quelques compétences réelles et autonomes en la matière, ni les mineurs ni les sidérurgistes des années 50 n’ont eu à s’en plaindre… ne serait-ce que par le financement de maisons ouvrières et les premiers pas d’une politique européenne de sécurité et de santé au travail qui ont vu le jour à cette époque
– quant au droit d’initiative législative, si, formellement, la Commission en a en principe la maîtrise, on assiste de plus en plus à l’éclosion de formes d’ « impulsions » ou d’ « invitations » qui lui sont adressées par le Conseil européen, le Conseil (des ministres) ou le Parlement européen afin qu’elle prenne telle ou telle initiative. On pourrait afficher des kyrielles d’exemples en ce sens.
Même si je veux bien admettre que je ne fais pas la distinction dans la responsabilité de chacune des institutions, il n’en demeure pas moins que…
Après 60 ans de construction européenne, le résultat est lamentable.
Nos médias et nos dirigeants (et accessoirement Sauvons l’Europe) continuent imperturbablement à tenter de nous convaincre du contraire en évitant soigneusement de tirer le moindre bilan.
Résultat lamentable: c’est une opinion. Pas sûr qu’elle soit largement partagée. Je pencherais plutôt pour « résultats mitigés », en dosant soigneusement eau chaude et eau froide. Des exemples peuvent être invoqués sur l’ensemble du parcours de la robinetterie… avec ou sans plombier polonais.
Quant aux médias, si seulement ils pouvaient accorder un peu plus de place aux questions européennes… y compris par le biais de débats contradictoires en-dehors des périodes électorales ! Ce serait tout bénéfice pour l’information des citoyens. Permettez-moi de bien souligner: « information », pas « propagande » de type UPR.
Nous ne portons décidément pas les mêmes lunettes…
Dans ce parcours que vous imaginez, nous trouverions de nombreux motifs de dépit, frustration, colère, et j’attends toujours de connaître quelques raisons d’être réellement satisfaits, autre que les sempiternels « exemples » que les partisans de l’UE nous citent continuellement et qui relèvent en réalité la plupart du temps, d’accords multilatéraux de coopération, sans lien avec l’UE.
On nous citera inévitablement la possibilité d’aller dans un pays membre de la zone euro sans avoir à changer son argent. La belle affaire, quand cet argent nous appauvrit d’années en années.
On nous citera inévitablement « Erasmus », dont certains de mes enfants ont « bénéficié », sachant que leurs parents étaient là pour compléter le financement.
Ou l’harmonisation des chargeurs de mobiles…
Par contre, outre le fait que l’UE nous a été imposée, je ne me livrerai pas à dresser l’inventaire des multiples raisons de se plaindre et de vouloir s’en libérer.
Dernière en date, la création de la collectivité européenne d’Alsace au mépris du référendum qui la refusait, et dans le but évidemment occulté de la fusionner ensuite avec la région adjacente d’Allemagne et ainsi la détacher enfin de la France.
Bien sûr, lorsque les exemples cités gênent, il est toujours facile de dédouaner l’UE et de faire « porter le chapeau » au gouvernement du pays concerné.
Il n’y a guère que les financiers, les banques, les fonds de pension, les lobbyistes et les multinationales qui se réjouissent de ce grand « marché » libre, ouvert, où la concurrence « non faussée » les avantage, au détriment des PME, des artisans.
Les autres, c’est à dire les populations, à l’exception de celles dont les économies sont favorisées par l’UE, et encore, peuvent toujours rêver de lendemains qui chantent…
Les Grecs sont l’exemple parfait de la réussite de cette « union ». Eux chantent… leur malheur.
Maintenant, je vous rassure pour ce qui est de la « propagande de l’UPR », il se trouve que des personnalités de plus en plus nombreuses approuvent ses analyses et confirment la nécessité que la France sorte de l’UE et de l’euro.
Bon week-end !
« …nous devons plus que jamais renforcer la coopération européenne ».
Nous sommes d’accord. Mais surtout pour quoi faire ensemble ?
C’est là que se trouve le flou voire le vide actuel : faire ce que nous disent les sbires de GS qui sont aux manettes ?
Ou « what else » ?