Sauvons l’Europe s’associe à la démarche du film jour de paye, sortant aujourd’hui sur les écrans. Le revenu universel semble faire partie des pistes d’avenir d’un renouveau de notre système de sécurité sociale, et si nous sommes tenants d’un chemin prudent vers cet objectif il nous semble utile de faire vivre le débat.
Henri Lastenouse a donc interrogé Robert Cibis, d’OVALmedia
Pourquoi avez-vous choisi de filmer sur le sujet du revenu de base ?
L’initiative du projet vient du réalisateur Christian Tod. Il a fait des études d’économie, et, depuis 2006, il s’est entièrement consacré à la défense du revenu universel – d’abord comme scientifique, puis comme cinéaste. Il m’a convaincu que notre modèle de société n’est pas adapté à une réalité où le capital (les machines en font partie) produit plus de valeur ajoutée que le travail. Le concept de revenu universel prouve que la réalité économique n’est pas figée et que nous pouvons la changer.
Qu’apporte de spécifique de poser le débat avec des images et non au travers d’un discours politique ?
“Le film rend visible ce que nous n’avions pas vu” disait Siegfried Kracauer au sujet du pouvoir révélateur des images. Le concept du revenu de base, par l’intermédiaire du média film, devient plus accessible à l’ensemble des publics. Mais le film n’est pas qu’un simple média de divertissement. C’est aussi un véritable outil de réflexion et d’analyse de sa propre situation. Chez OVALmedia, nous nous prenons d’affection pour des sujets proches de la réalité et qui permettent à chacun de réfléchir sur le monde actuel. Le film détient un côté à la fois instructif et ludique qui manque cruellement au discours politique. On voit bien qu’en France, comme ailleurs, les politiciens ont tendance à s’approprier l’idée du revenu universel selon leurs propres conceptions. Avec « Jour de Paye ! » Christian Tod s’attache à retracer la genèse du revenu de base et à observer les différentes expériences liées à sa mise en place dans le monde. Il permet ainsi aux spectateurs de se forger leur propre opinion, tout en proposant une alternative à notre modèle de société industrielle et aux problèmes qu’elle engendre aujourd’hui.
Comment voyez vous le débat en Allemagne sur la question du revenu de base et comment se positionnent les syndicats ?
Les syndicats en Allemagne défendent « le droit au travail ». Ils sont pour cette raison très opposés au revenu universel. Ils estiment que cela donnera un prétexte aux entreprises pour licencier les salariés à leur gré. Ils relèvent aussi que l’identification par le travail est très importante. Avec un chômage encore plus élevé, on causerait des problèmes d’identité.
Je trouve qu’il y a du vrai dans cette critique. L’inconditionnalité du revenu universel fait de chaque personne un citoyen qui a potentiellement le pouvoir d’améliorer sa vie et la vie des autres. Avec cette nouvelle responsabilité, il n’y aurait plus d’excuses au mal-être au travail : il serait plus difficile à un salarié de se sentir « pris en otage » par un emploi alimentaire qu’il détesterait, par exemple. Mais ne serait-ce pas un sentiment positif que d’être certain/e que l’entreprise pour laquelle on travaille nous veut vraiment et qu’on l’a choisie à son gré ? S’il n’y avait pas de risque de misère, si chaque personne était assurée de pouvoir garder sa dignité, justement parce que ce revenu est inconditionnel et qu’il n’est pas nécessaire d’accepter n’importe quel emploi rémunéré pour vivre, on pourrait alors trouver logique qu’entrepreneurs et salarié(e)s ne travaillent ensemble que s’ils en ont une volonté commune…
Le revenu de base est il une arme efficace face à la montée des populismes en Europe et pourquoi ?
Oui. Car, les perdants de la mondialisation pourront vivre avec plus de dignité. Leur rage, leurs frustrations pourront être amadouées. Le revenu universel doit être proportionnel au PIB national. La pression concurrentielle sur les salariés baisserait, les organismes de gestion du chômage arrêteraient de « fliquer » leurs populations. Les moyens seraient investis vers les personnes, et non pas dans leur administration.
Qu’attendez vous comme effet politique du film à 9 mois des élections européennes ?
Notre société se fonde sur une « fiction partagée », comme le dirait Yuval Harari. En tant que « faiseurs de films », nous travaillons exactement sur ce fondement. Nous voulons aider les Européens à comprendre que le récit commun qui fonde la vision actuelle du travail n’est plus adapté à une réalité qui a brutalement changé. Notre modèle social ne fonctionne plus. La mécanisation, la numérisation, la mondialisation, la grande mobilité de la population ainsi que des entreprises ont entraîné une atomisation de notre société et un effondrement des structures publiques. Ces défis sont en même temps une opportunité. Car nous pouvons enfin nous donner les moyens d’adopter un modèle social qui aurait été utopique il y a encore peu de temps.
Je ne suis pas certain que la justification initiale du revenu de base soit logique. A savoir que « le capital (les machines en font partie) produit plus de valeur ajoutée que le travail ». Comment séparer les deux facteurs alors qu’ils sont intimement liés ? Le capital ce sont les machines et le capital immatériel (logiciels, brevets, connaissances, organisation…), l’un et l’autre ne sont pas grand chose sans le travail humain, ils sont construits, « portés » par ce dernier. Et puis qu’est-ce que l’on fait des services personnels avec beaucoup de travail humain.
La perspective développée par ceux qui prônent ainsi la nécessité du revenu universel repose sur un monde de robots qui ne serait ni inventés, ni développés, ni entretenus par les hommes mais par qui ? Cela débouche sur un monde sans travail humain, sans service personnel et des hommes en vacances perpétuelles. Cela me semble loin de la réalité.
C’est peut-être un peu caricatural de l’écrire comme ça, ne croyez-vous pas ?
D’abord un revenu de base ne suffira pas à subvenir aux besoins de tous. Ensuite il n’empêchera pas ses bénéficiaires de le compléter et donc de continuer à produire les tâches que vous décrivez. Et il permettra aussi de libérer du temps que des personnes pourront gérer, soit pour leur développement personnel, soit au bénéfice de la collectivité dans des fonctions bénévoles ou rétribuées, sociales, culturelles…
Les vacances perpétuelles ? Oui peut-être, pour certains et alors ? En est-on tellement loin quand on est en chômage de longue durée ?
Une des conséquences à prévoir, suite à son instauration, sera l’augmentation de l’inflation car ce qu’un capitaliste donne d’une main il aime le reprendre de l’autre…et nous aurons alors un effet bien nul du revenu de base.
Se trouver au XXI° siècle et devoir redécouvrir les travaux de Marx et Engels en 1850 !… C’est çà le « problème » de notre civilisation actuelle : une acculturation, un rétropédalage temporel , aux conséquences autrement plus sérieuse que la bd de Valérian et Laureline ou « le voyageur imprudent » de Barjavel !…
Alors que jamais les ouvriers n’ont été si nombreux ( « les masses asiatiques » dont Marx et Lénine considéraient l’intervention comme déterminante ..) , plus aucune organisation unificatrice, aucune « classe ouvrière » n’existe pour secouer les puces au Kapital et l’arracher à ses dérives et à ses délires !… Même en Europe, des cas d’esclavages se déroulent et des comportements néo-colonialistes « modérés » sont dénoncés , genre « je veux bien t’engager, mais tu me donneras le tiers de ta paie » !… C’est un « nouveau monde » qu’une nouvelle AIT ( Association Internationale des Travailleurs , la 1° Internationale …) devra façonner pour refonder la Classe Ouvrière, « chaînon ( devenu) manquant » d’un processus révolutionnaire qui lui « sans trêve , ni repos « , continue son petit bonhomme de chemin , avec un « libéralisme » que la mondialisation a finalement achevé , faute de nouveaux marchés , l’affaire des subprimes l’a démontré !…
Il a complètement raté le marché de l’Astronautique, qui se traîne aujourd’hui depuis 40 ans, alors qu’il ouvrait tous azimuths vers « l’Infini » ( le système solaire, depuis la Lune jusqu’aux étoiles ) et promettait de faire « éclater » les budgets : après les milliards de dollars, les gigadollars , les téradollars ( 10/12) , pétadollars ( 10/15), etc … La Puissance, l’Energie, l’épopée cosmique aurait vite fait oublier les « crises » !… Ensuite, l’Economie aurait connu de nouvelles voies … Mais ce chemin est barré , et à moins d’hypothétiques dégagements, la « genèse » de la Seconde Octobre se déroulera à huis clos, sur le sol de notre planète …
…avant de songer au « rêve » extrême, peut-être faudrait-il déjà atteindre le même salaire minimum en Europe!;
par ailleurs l’homme, par nature, ne travaille que s’il y est contraint…, où serait la notion de mérite et de travail pour la collectivité?…