Signalons ici la sortie du dernier livre de Nicolas Tenzer, « la France a besoin des autres« . Cet ouvrage est rafraîchissant en ce qu’il évite à la fois le déclinisme morose ambiant et un irénisme quiet reposant avec confiance sur les forces profondes de notre économie à qui il suffirait de lâcher bride.
C’est quand il parle d’Europe qu’il nous intéresse particulièrement, dessinant un scenario noir (l’éclatement de l’Europe en dominos à partir de la Grèce), un scenario bleu géopolitiquement très intéressant fondé sur un rapprochement de long terme avec la Russie, et un scenario gris dans lequel l’Europe se débrouille pour passer à travers en réalisant les quelques réformes incontournables. Il identifie les difficultés de la construction européenne notamment avec l’épuisement du projet de grand marché et l’absence de leaders, ce que nous aurons plus crûment qualifié de médiocrité insigne de la classe politique européenne.
Mais, et c’est là que nous avons un désaccord respectueux, il ne voit pas d’avenir dans un approfondissement fédéral et appelle à prendre son parti que l’Europe n’est plus destinée qu’à être une terre de coopération renforcée, les fédéralistes étant au fond contreproductifs. Il nous semble au contraire que la gestion en commun des budgets et la fiscalité européenne qu’il appelle sont de nature fédérale et qu’il est difficile de les réaliser pleinement sans monter un cadre de référence démocratique. C’est précisément pour cela que les allemands demandent, et en fait conditionnent, un approfondissement des institutions préalablement à la création des eurobonds. Pour nous le saut fédéral – ne nous battons pas sur les mots – est fait avec l’intégration budgétaire. reste à ce qu’il soit démocratique. En tout état de cause, un ouvrage stimulant.
Je ne connais pas l’âge de l’auteur, Nicola Tenzer. S’il avait mon âge, il saurait comment nous sommes sortis de la crise de 1929 qui était la même, mais limitée au monde industriel de l’époque. Et de plus, il n’y avait pas de traité de Maastricht pour sacraliser la doctrine monétariste, dite de la Pensée-Unique. Je rappelle que le monétarisme c’est de l’ultralibéralisme systématisé en doctrine absolue. Cet ultralibéralisme était aussi à la source de la crise de 1929. Cette fois-ci, les financiers ont pris soin de verrouiller tout le système. Mais il n’est pas viable pour autant. Il faudra donc sortir de la crise comme après 1929, en amendant le système économique. C’est d’ailleurs la condition absolue pour que la Démocratie retrouve sa bonne santé.
Au sein de l’Union, la démocratie européenne dessine son dessein fédéral
[ Les blés sont sous la grêle, l’orage ne cessera pas de sitôt. La fatalité ne déclenche jamais l’effondrement, dont la cause majeure s’avère l’irresponsabilité de l’être biologique. Dès maintenant, la mondialisation laisse entrevoir le pire dessein pour la communauté de destin à l’aube du troisième millénaire. Le temps est venu de tourner la page. Un jour viendra, les temps mauvais finiront. S’évanouir le temps du songe. Y-songes-tu ? Le mensonge s’éteindra, la vérité vaincra. ]
Liberté, Égalité, Fraternité. La République s’incarne en Marianne audacieuse et libre. Assurer la continuité de la République, ce sont respecter les engagements pris et poursuivre le service rendu au public. La lettre et l’esprit de la République, ce sont le sens du devoir et l’intérêt général. L’universalité des valeurs républicaines ouvre des pistes de progrès pour le bien de la communauté de destin et de dessein. Derrière l’exercice de la démocratie, la vie jaillit. Cette vérité-là, nous la sublimons car elle libère la conscience collective. Dessinant un meilleur chemin, le travail dans la substance nous conduit à des batailles de confiance et à de justes réformes dénuées de tout intérêt catégoriel. Les rudes batailles divisent, les partitions peintes d’intérêts personnels bafouent les peuples en souffrance. Changer de modèle de développement poursuit le redressement durable pour toutes les populations européennes. Les Européens se hâtent – avec lenteur – de bouger les lignes garantissant le contrat démocratique entre le politique et le citoyen, la restructuration de la vie politique via de nouvelles règles et normes en démocratie, développement durable, justice sociale, indépendance d’expression et d’information, réforme de l’école, de la recherche et de l’enseignement supérieur ainsi que la restauration de la compétitivité et de la confiance des entreprises. Quant à la jeunesse, la formation et l’éducation doivent sensibiliser les plus jeunes à la conscience de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, à l’exaltation du travail et à la découverte du monde. Un jour viendra, les temps mauvais finiront. S’évanouir le temps du songe fédéral …
Mystère, passion, suspense. L’important, ce sont les idées fédérales, cette seconde virginale, cette égérie insaisissable. Exquise esquisse, délicieuse idée, Europe seras-tu fédérale ? Tout ce qui est rare est fragile. Aux villes martyres, aux effroyables accidents, aux temps mauvais, les eurosceptiques se mêlent à la foule réunie pour les obsèques de l’acception fédérale. Soudain, un fédéraliste arrive pour orner d’un ruban bleu étoilé OR la sépulture de la déesse EUROPE. A l’assaut de la lumière du monde, la vieille Europe impulse l’évolution des mentalités vers plus de liberté, d’égalité, de dignité, de cohésion, de jumelage et de commerce international. Le monde est devenu multipolaire, différent du visage de la seconde guerre mondiale. Une autre architecture internationale au service des générations ultérieures s’inscrit dans une vision responsable et solidaire pour l’avenir en commun des peuples et des nations. L’Europe est belle à couper le souffle. La démocratie européenne associe les citoyens à la construction européenne tout en garantissant les contre-pouvoirs. Au sujet des libertés, l’Union européenne appelle à l’indépendance des médias, à la défense de la liberté d’informer et au soutien de la création audiovisuelle. La relance du rêve européen est une réponse à la mondialisation, d’autant que l’Eurozone reçoit de terribles secousses économiques, sociales et financières. Nul doute qu’une nouvelle formulation du projet fédéral tracera les voies démocratiques et citoyennes d’une sortie de crise. Fidèle à sa vocation initiale, les Vingt-Sept confortent une Europe de la paix et de la justice agissant avec exemplarité pour une organisation mondiale respectant le mouvement humaniste des Lumières du XVIIIème siècle. L’Union européenne est un idéal portant un projet de civilisation unique pour les siècles des siècles. L’Union européenne est garante des populations en son sein, d’une monnaie commune, d’un marché unique, d’une zone libre et concurrente et d’une économie solidaire. Le mensonge s’éteindra, la vérité vaincra.
Sommes-nous unis dans la diversité ? Aussi diverses soient nos religions, nos traditions, nos cultures et nos langues, l’Europe se construit dans l’unité par l’entremise des échanges, des jumelages, des Lieux de mémoire, des politiques communes, des institutions européennes et des liens mémoriels. Concevoir un sentiment européen, faire naître l’idée fédérale, promouvoir la mobilité, rejeter les schémas nationaux, faire fi de la méthode intergouvernementale, éradiquer l’égoïsme des nations, tels sont les enjeux de l’acception fédérale en ce début de millénaire avec pour buts ultimes de fédérer les Européens. Le fédéralisme de la nécessité darde ses rayons dans la proximité du citoyen et de ses enfants. Face aux crises multiples, l’Europe préserve démocratiquement les temps qui viennent avec pour obligation de conduire la transformation écologique de l’économie, de moraliser l’action publique et de préparer la société à l’ère soutenable.
Pierre-Franck HERBINET, sherpa, politologue, membre de la Société Civile Européenne et de la diplomatie mondiale.