La guerre des roses est déclarée entre Emmanuel Macron et Ursula Von der Leyen…

Coup de tonnerre ce lundi matin à Bruxelles lorsque Thierry Breton annonce un peu avant huit heures du matin, en anglais et sur X, réseau social de son meilleur ennemi Elon Musk, son retrait avec effet immédiat du poste de commissaire-désigné par la France. Un certain nombre de cabinetologues de la bulle bruxelloise ont dû s’étouffer avec leur croissant en apprenant que celui qui était donné vice-président de la Commission européenne et pilier de la famille libérale dans le super-exécutif des quatre ou cinq vice-présidents avec des compétences encore plus élargies que celles dont il disposait comme préposé de la Direction générale GROW en charge du marché intérieur, du numérique et de l’industrie, de la défense et de l’espace, jette l’éponge. Au regard des obstacles déjà posés pour la Commission von der Leyen II par le blocage de la candidate slovène et les lignes rouges énoncées par le Parti des Socialistes Européens pour accorder leur soutien indispensable à sa reconduction, la Commission européenne n’avait pas vraiment pas besoin de l’ouverture d’un troisième front.

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Chronique annoncée d’un mauvais casting

Si Thierry Breton impute son retrait à la seule Présidente de la Commission qui aurait « demandé à la France de retirer (son) nom − pour des raisons personnelles qu’en aucun cas (discutées directement avec lui) − et proposé, en guise de compromis politique, un portefeuille prétendument plus influent pour la France au sein du futur Collège des commissaires », les hypothèses sur une « machination » autre que l’inimitié personnelle foisonnent rapidement : Thierry Breton aurait été victime d’un complot du PPE allemand contre la France pour empêcher une trop forte influence au sein du Collège de la Commission de positions françaises en faveur d’un nouvel endettement européen pour la relance des investissements. Ou le retrait de Breton serait le fruit d’un alignement des astres dans le cadre de la constitution du gouvernement Barnier pour exfiltrer Breton de Bruxelles et l’offrir à Barnier tout en recasant le ministre des Affaires étrangères démissionnaire Stéphane Séjourné.

En tout état de cause, la renomination de Thierry Breton était à la fois la chronique annoncée d’un mauvais casting et une faute politique du Président de la République aux niveaux européen et national.

Alors qu’Ursula Von der Leyen avait été en 2019 la création d’Emmanuel Macron, qui avait propulsé à la tête de la Commission européenne la ministre de la défense allemande au bilan très discutable pour contrecarrer le Spitzenkandidat PPE Manfred Weber jugé trop francosceptique, la renomination de Thierry Breton ne pouvait être perçue par la Présidente de la Commission que comme une double insulte. Une insulte personnelle au regard du fait que Thierry Breton était allé jusqu’à dire en amont des élections européennes – toujours sur X – que « Le PPE lui-même ne semble pas croire en sa candidate ». Au regard de l’inimité personnelle avec Thierry Breton, le choix d’Emmanuel Macron de désigner un homme plutôt que de proposer une femme ou un binôme devait être perçu par Ursula von der Leyen comme un affront additionnel. Comment donc s’étonner dans ces circonstances qu’Ursula von der Leyen ne tente pas de proposer à l’Elysée un marché semblable à celui proposé à d’autres États-membres comme Malte, la Slovénie, la Roumanie ou la Belgique de remplacer leur candidat masculin par une candidate féminine en échange d’un portefeuille plus significatif ?

Mais le choix du Président de la République de reconduire Thierry Breton fait le 27 juin à trois jours du premier tour des élections législatives pouvait aussi surprendre car il le privait d’une option d’ouverture politique après les élections législatives.

En nommant Stéphane Séjourné comme nouveau candidat-Commissaire, Emmanuel Macron s’obstine: il s’agit toujours d’un homme et sa désignation se fait à nouveau sans la moindre consultation politique au niveau national, ce qui paraît d’autant plus légitime que la désignation d’un candidat ou plutôt d’une candidate représentant le Nouveau front Populaire paraissait hautement légitime et pouvait contribuer à contrebalancer l’image de droitisation de l’exécutif incarnée par Michel Barnier.

Un mauvais service rendu à la collégialité de la Commission et à l’incarnation européenne de la France

Si au regard de son expérience d’ancien président du groupe libéral au Parlement européen, de ministre des Affaires étrangères démissionnaire et de l’absence apparente de conflits d’intérêts, Stéphane Séjourné sera très probablement confirmé dans ses fonctions lors des auditions devant le Parlement européen, aura-t-il l’étoffe de Thierry Breton de porter « la relance de la production d’armements pour l’Ukraine, une politique industrielle pour l’Europe ou la régulation des grandes plateformes » ?

Et si Stéphane Séjourné était confirmé, comment concevoir la « collégialité » d’un Collège de la Commission dont la Présidente a réussi à éliminer toutes les figures qui, en 2019-2024, avaient contribué à lui donner un relief politique : Frans Timmermans, Margarete Vestagher ou Nicolas Schmit. La centralisation des processus de décision au sein de la Commission déjà observée pendant la mandature précédente n’en sortirait que renforcée.

Mais le plus regrettable dans cet « épisode Breton » est probablement l’image donnée de la Commission d’un cénacle de coups tordus ainsi que le nouveau vide d’incarnation de la politique européenne de la France déjà très entamée par la valse perpétuelle des ministres en charge des Affaires européennes.

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Matthias Février
Matthias Février
Fonctionnaire à la Commission européenne

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