Le 9 novembre 1989, vu de Berlin

Il y a vingt ans, le mur de Berlin tombait, entraînant dans sa chute le totalitarisme soviétique et signifiant par là même la fin du vingtième siècle.

Je me souviens, ces jours-ci, du Berlin de mon enfance. Grandir à Berlin fut une expérience particulière. Cette ville, encerclée d’une haute muraille dont les tags et graffitis ne parvenaient guère à faire oublier qu’elle faisait office, pour des millions de personnes, de mur de prison, cultivait farouchement la tolérance et l’ouverture à l’autre. Berlin était consciente d’être la dernière sentinelle du monde libre face au rideau de fer. Quelques images me reviennent à l’esprit: des dimanche en famille qui, parfois, nous amenaient à longer ce mur qui, à condition bien sûr d’être du bon côté, était devenu un lieu de promenade d’autant plus prisé des familles qu’il était loin des voitures; des « unes » de journaux terrifiantes, lorsque la police est-allemande avait abattu, d’une balle dans le dos, parfois à quelques mètres seulement de la frontière, un citoyen de RDA « coupable » d’avoir voulu fuir la dictature; le musée du fameux Checkpoint Charlie, poste-frontière allié entre l’Est et l’Ouest, retraçant les mille et une manières qui, à force d’inventivité, avaient permis à certains de passer à l’Ouest, qui en empruntant les égouts, qui en se dissimulant dans une valise ou en se glissant à l’intérieur d’un siège de voiture. Quelques issues heureuses, beaucoup de dénouements tragiques furent au rendez-vous pour ces citoyens souvent anonymes qui ont préféré risquer leur vie que de vivre soumis.

Puis, vinrent ces journées d’automne qui, en 1989, firent tout basculer et demeurent à jamais gravées dans ma mémoire. L’Histoire est connue et de nombreux documentaires, souvent de grande qualité, nous la retracent ces jours-ci. Le courage et la ferveur du peuple, de plus en plus nombreux aux veillées et aux manifestations; l’attitude de Gorbatchev qui, à Moscou, se révéla alors comme un authentique homme d’Etat; les fissures de plus en plus apparentes qui, dans tous les pays de l’est, minaient les régimes en profondeur: ces éléments finirent, sans effusion de sang, par avoir raison du régime. Celui-ci, d’ailleurs, était en fait déjà mort. Il n’était plus guère soutenu que par des bureaucrates et des apparatchiks dont la médiocrité morale n’avait d’égal que l’étroitesse de vues et d’esprit. La moitié de la vieille Europe s’était, au fil des ans, transformée en village Potemkine dont les façades ne résisteraient pas au souffle de l’Histoire.

Au lendemain du 9 novembre, Berlin fut en liesse. Les scènes de retrouvailles et de fraternité préfiguraient déjà la réunification de l’Allemagne qui, moins d’un an après, serait une réalité.
Alors tout juste âgé de douze ans, je fus profondément et durablement marqué par cette enfance berlinoise et par ces événements vécus de près, au jour le jour. Trop jeune, sans doute, pour comprendre la complexité des enjeux et l’étendue des implications de ce qui se passait sous nos yeux, mais mesurant, de manière confuse et intuitive, que rien ne serait plus comme avant.
De ces instants et de ces années, je garde le goût de l’Histoire et de la liberté.

Matthias FEKL

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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