« Dans des pays comme l’Espagne et la Grèce, les jeunes vont dans la rue pour protester. En Irlande, les jeunes émigrent » explique le journaliste Fintan O’Toole.
Ce constat est pertinent lorsqu’on voit le nombre important de départ de l’Irlande depuis le début de la crise en 2008. Selon une étude du Central Statistic Office(CSO) au mois d’août, 240 Irlandais quittent leur pays chaque jour soit un toutes les 6 minutes. C’est le taux d’émigration le plus élevé depuis les années 80. Selon l’Union of Students Ireland (USI), syndicat étudiant, 35 000 avaient abandonné leur pays en 2012. Depuis le début de la crise, 177 000 personnes âgées en 17 et 24 ans avaient quitté l’Irlande soit l’équivalent de la population de Cork, 2ème plus grande ville de la République d’Irlande.
Le constat est terrible et pourtant bien silencieux. Peu de pays de l’Union européenne ont pu remarquer un tel cri d’alarme. Les médias, les politiques ne sont pas alertés par des images chocs de révoltes urbaines ou par des manifestions massives. Les jeunes d’Irlande abandonnent et partent en silence. La plupart sont des jeunes travailleurs ou étudiants (plus d’1/3 d’entre eux) incapables de trouver un emploi qui décident alors de rejoindre de la famille, des amis en Grande-Bretagne ou bien en Australie où l’accueil est souvent reporté comme « chaleureux ». Ce sont, en plus, « les plus diplômés qui partent » regrette l’USI. Selon l’Irish Times, Il est à présent commun de voir dans les files d’attentes de l’aéroport de Dublin ou de Shannon, une dizaine de jeunes disant au revoir à toute leur famille. L’émigration en Irlande est bien souvent non un choix mais une nécessité économique.
Les changements de vie sont flagrants entre l’époque du tigre celtique (âge d’or économique de l’Irlande entre les années 90 et le début des années 2000) et aujourd’hui. L’Irlande reste un pays profondément touché par la crise et tout comme en Espagne et en Grèce, le chômage et la perte du pouvoir d’achat touchent aussi les classes moyennes irlandaises. Les colocations sont monnaie courante et il faut parfois choisir entre la nourriture et le chauffage en hiver. Ceux qui restent, pour l’instant, vivent en majorité grâce à de petits emplois ou avec l’aide de leurs familles et amis. Autrefois capitale populaire et en expansion, Dublin est devenue une « ville morte » car privée de sa jeunesse.
De plus, certes sortie de la récession en septembre, le pays ne connaît pas de vrai rebond. Les principales difficultés sont avant tout une baisse de la consommation des ménages et des exportations, dépendantes de la mauvaise conjoncture des autres pays de la zone euro.
Dans un tel contexte, les jeunes d’Irlande se sentent abandonnés par leur propre gouvernement. Faute d’emploi, faute de ressources nécessaires, leur avenir semble difficile dans leur propre pays. Certains avouent même qu’ils n’ont plus beaucoup d’amis qui sont restés au pays. La situation n’est bien entendu pas ignorée mais le gouvernement d’Enda Kenny (Fine Gael- Centre-droit) ne peut que déclarer que la situation est inacceptable. L’opposition, elle, constate que cette émigration avait su réduire plus les files d’attente pour les allocations chômage que le gouvernement et sa politique n’avaient pu.
L’emploi des jeunes est devenu le plus grand défi de l’Irlande dans sa quête du retour à la croissance. Selon Eurostat, le chômage touche 26,5% des jeunes d’Irlande (il est de 25,7% en France) alors qu’il n’est que de 7,5% en Allemagne. La fonction d’un gouvernement n’est pas seulement de créer de l’emploi mais aussi de mettre en œuvre les conditions nécessaires au retour de l’embauche et de mieux assister ceux qui peuvent innover. En 2012, près de 19 000 irlandais ont décidé de créer leur propre entreprise au sein même de leur pays. Une très partie d’entre eux ont moins de 30 ans et qui après des études ou une expérience professionnelle à l’étranger, reviennent dans une Irlande où tout est à reconstruire. Malgré les difficultés économiques et sociales, l’optimisme demeure. Ces acquis d’expérience peuvent tout à fait être transmis dans un pays qui ne peut qu’évoluer sur le plan de la construction d’autoroutes, de la croissance verte avec la qualité de l’eau du pays et de l’énergie éolienne ou d’un service informatique présent sur tout le territoire.
Joe O’Connor, représentant du Syndicat étudiant USI, a demandé au gouvernement de cesser de parler et d’agir rapidement afin d’offrir les emplois qui correspondent aux jeunes. Le gouvernement irlandais doit en effet être un plus grand soutien pour ses jeunes dans leur recherche d’emploi en particulier pour les jeunes sans diplômes. Des formations de qualité peuvent être apportées avec le soutien et les connaissances des entreprises qui ont misé notamment dans les nouvelles technologies. Les Pays-Bas, qui ont un taux de chômage des jeunes inférieur à 11%, a pris des mesures efficaces pour ceux qui sont en échec scolaire. Les collectivités locales doivent en priorité les sélectionner comme agents territoriaux à contrat déterminé. Les opportunités pour les jeunes ne sont que plus grandes avec l’acquisition d’une expérience solide dans le secteur public.
L’exemple est un cas particulier d’un pays qui autrefois était en grand difficulté sur le plan économique et social, qui a connu une période prospère et qui, sous le poids de la crise, est retombé dans une forte récession. Les jeunes irlandais ont bien trop souvent pris l’option d’émigrer afin de tenter leur chance ailleurs.
Cependant, ceux qui quittent l’Irlande, espèrent pouvoir revenir lorsque l’économie repartira et de plus, depuis le milieu de l’année dernière, le taux d’emploi a bondi de 2% soit bien plus qu’aux Etats-Unis. Il n’est que de 0,7% en France sur un an. Une lueur d’espoir dans un pays toujours en difficulté.
Brieuc CUDENNEC
à moins de créer des emplois bidons dans l’administration, » La fonction d’un gouvernement c’est de mettre en œuvre les conditions nécessaires à l’éclosion et à la croissance des entreprises et de mieux assister ceux qui peuvent et veulent innover » ….
… ceci pour toutes les préoccupations des hommes politiques européens, ce qui est très loin d’être le cas hélas.
Le chômage des jeunes étant similaire, quelles sont les différences entre l’Irlande et la France?
Ayant passé une année en Irlande je confirme cette cruelle réalité, en revanche je me permets de contester le titre de cet article. La révolte n’est pas silencieuse et de nombreuses associations de jeunesses tentent de se faire entendre sur ce sujet. cependant il apparaît claire que le gouvernement actuel ainsi que les principaux médias préfèrent diffuser des messages comme les voyages forment la jeunesse ou émigrer est une bonne chose, l’Irlande ayant une histoire particulière à ce sujet…
La crise irlandaise est essentiellement dûe au comportement coupable des 3 grandes banques irlandaises qui, avec la complicité démontrée des hauts responsables du Ministère des finances et des superviseurs (la « golf connection ») ont favorisé le développement de la bulle immobilière et se sont lourdement engagées – en liaison étroite avec leurs consoeurs américaines – dans l’aventure des « subprimes ».
Il apparait d’autre part qu’il est plus facile pour un jeune chômeur irlandais d’obtenir un permis de travail en Australie ou au Canada que dans un pays de l’UE (à l’exception du RU) . JGG
@Albert,
En France, la presse (généralement au service du pouvoir, la gauche en l’occurrence) est priée de ne pas parler de l’émigration des jeunes …