Suite à un emballement des marchés financiers, les ministres des finances de l’UE ont décidé de mettre en place dans l’urgence un plan de sauvetage. Leur objectif : ramener la stabilité financière dans la zone euro. Un fonds monétaire européen (doté de 500 milliards d’euros), plébiscité par les écologistes depuis plusieurs années, a finalement été créé en une nuit…
Entretien avec Pascal Canfin, eurodéputé Europe écologie, membre de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement.Les élus Verts au Parlement ont toujours été favorables à un fonds monétaire européen. Ces décisions soudaines prises par les dirigeants des Etats-membres tracent-elles enfin la voie vers une plus grande intégration économique en Europe ?
Ce que nous voyons se mettre en place sous l’effet de la crise et dans l’urgence est en effet soutenu par le groupe des Verts au Parlement européen depuis plusieurs années. Les Etats ont décidé hier soir [le dimanche 9 mai 2010] de mettre en place un mécanisme d’endettement directement européen à hauteur de 60 milliards d’euros. Cela signifie que la Commission, au nom de l’Europe, va émettre des titres européens pour collecter de l’argent et ensuite le redistribuer aux Etats les plus en difficulté.
Cela allégera la charge de la dette pesant sur eux car les taux d’intérêt auxquels la Commission va emprunter seront beaucoup plus faibles que les taux en vigueur pour les pays en difficulté (Grèce, Portugal, Espagne…) Autre décision importante que nous réclamions depuis longtemps : l’analyse des compétitivités des différents pays de la zone euro va devenir un sujet de discussion européen. Même si les modalités pratiques restent encore à définir, cela signifie que l’on pourra discuter en Europe des déficits de la balance courante de la Grèce mais aussi des excédents de la balance courante allemande.
On reconnait enfin que dans une zone aussi intégrée que l’Europe, les excédents des uns entraînent mécaniquement les déficits des autres. C’est une logique beaucoup plus intelligente que celle du Pacte de stabilité et de croissance uniquement focalisé sur les dépenses publiques.
La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé qu’elle allait désormais acheter de la dette privée et publique sur le marché secondaire. Quelles sont les conséquences de cette décision ?
C’est une bonne nouvelle car cela diminue la pression que peuvent exercer les fameux « marchés », à savoir les grandes banques et les compagnies d’assurance, sur les Etats. La BCE a commencé dès aujourd’hui à acheter des bons grecs, espagnols, irlandais et à vendre des bons allemands de façons à soutenir le prix des obligations les plus risquées.
Cette opération est conforme au traité et ne doit pas être confondue avec l’achat de dettes primaires, à savoir d’obligations nouvelles émises par les Etats. Pour l’instant, l’intervention de la BCE a vocation à diminuer les écarts de taux entre les différents pays, non pas à injecter de la liquidité sur les marchés, c’est à dire à créer de la monnaie qu’elle va prêter aux Etats en échange d’obligations.
Quelles contreparties seront attendues en échange d’un tel soutien ? Les critères du pacte de stabilité seront-ils renforcés ?
Il faut garder à l’esprit que l’ensemble du paquet adopté hier signifie que les Etats s’engagent mutuellement à se soutenir en cas de problèmes. Ils supporteront donc les risques en cas de défaut de l’un d’entre eux. Par exemple, si la Grèce ne rembourse pas ses créanciers car elle n’a plus d’argent, et si en l’occurrence ce créancier est la France, c’est le contribuable français qui paiera. D’où l’exigence allemande de renforcer les sanctions liées au non respect du pacte de stabilité et de croissance.
C’est compréhensible mais risqué dans le contexte actuel. Car si tous les Etats diminuent en même temps leurs dépenses publiques, c’est l’ensemble de l’économie qui va se contracter car ni les ménages ni les entreprises ne vont prendre le relais : les premiers sont victimes du chômage et pensent surtout à constituer une épargne supplémentaire quand ils le peuvent pour se prémunir contre les risques de demain. Et les entreprises ont un taux d’utilisation de leur capacité de production historiquement faible et n’ont donc aucune raison de s’engager dans des investissements massifs.
La solution pour diminuer les déficits publics doit donc passer non par la baisse des dépenses mais par l’augmentation des recettes. A savoir, une hausse importante des impôts payés par les plus riches et par les secteurs qui réalisent des surprofits. Deux secteurs sont clairement dans cette situation : les banques et les compagnies pétrolières.
Il est indispensable de taxer ces deux rentes pour réduire les déficits sans réduire les dépenses sociales ni les investissements publics nécessaires. La taxation du secteur financier est d’autant plus légitime et nécessaire qu’il a lui même bénéficié de la garantie publique en 2008 lors de la crise financière.
Pascal Canfin,Eurodéputé Europe-ecologie