Alors que la Présidente du Front National Marine Le Pen et le chef de file de l’extrême droite néerlandaise Geert Wilders se sont alliés en vue des élections européennes (sans toutefois avoir pu être rejoints par le Parti populaire Danois), il est à noter que les extrêmes droites d’Europe du Nord se réorganisent dans le but de s’imposer dans le débat politique. Pour certains, dans les urnes, pour d’autres dans l’espace public.
Pas de doute, les extrémistes de droite britanniques ont choisi la dernière option. English Defence League, British National Party ou encore Combat 18, bien que divisés, tous ont sont pour la démonstration de force. Depuis 5 ans, chaque 23 avril, St George’s Day, jour du Saint Patron anglais, a lieu la March for England. Fondée par des supporters du club de foot de Tottenham, cette marche se produit à Brighton, ville historiquement de gauche et gay-friendly. Bien que spectaculaire, cet événement ne semble pas avoir une portée large et ces groupes radicaux n’arrivent pas à mobiliser plus largement dans un pays fortement cosmopolitain. Il faut tout de même rester vigilant lorsqu’on remarque la progression du British National Party (un parti en lien avec des éléments du Ku Klux Klan américain) dans de petites villes industrielles historiquement à gauche. Comme en 2008, le BNP souhaite ravir plusieurs sièges au Parlement européen aux prochaines élections européennes.
L’extrême droite scandinave a une autre approche notamment en se définissant comme avant tout populiste. « Populiste, parce qu’elle dénonce les élites contre le petit peuple fragilisé et nationaliste car elle prétend sans cesse que la nation est menacée et est condamnée par une série de phénomènes extérieures comme l’Union européenne, la mondialisation, l’islam ou l’immigration » selon Magali Balent, spécialiste des populismes européens à l’IRIS. L’idée d’une « Eurabia » s’est propagée. Une alliance entre l’Europe et le monde arabe sur le plan politique, économique et culturel qui serait nécessaire de combattre afin de préserver un pseudo idéal européen. Les extrêmes droites tentent en effet de donner une nouvelle image loin des crânes rasés. La Scandinavie de tradition sociale-démocrate voit apparaître peu à peu une montrée de l’extrême droite. Celle-ci, qui, pourtant a un passé néo-nazi récent, souhaite montrer qu’elle peut siéger au Parlement et qu’elle peut même gouverner.
Selon Jean-Yves Camus, Spécialiste de l’extrême droite à l’Iris, la chasse aux néo-nazis est régulièrement faite. Les souvenirs de leurs attentats en Suède au cours des années 90 perdurent. Cependant, les émeutes de mai dernier provoquées par des jeunes de la banlieue de Stockholm, souvent d’origine immigrée, ont permis au parti anti-immigration des Démocrates de Suède (Sverigedemokraterna) de revenir sur le devant de la scène. Son électorat est pourtant rural et donc éloigné des événements mais la peur d’être « envahis » a permis aux Démocrates de Suède d’entrer pour la première fois au Parlement suédois en 2010. La crainte d’une immigration de masse est en effet le principal moteur du succès de l’extrême droite en Europe. Paulina de los Reyes, professeur à l’université de Stockholm, constate que les autres partis politiques suédois facilitent, sans le vouloir, la tâche de l’extrême droite. «Le gouvernement de centre droit et les sociaux-démocrates écartent toute responsabilité du modèle nordique dans ces violences en expliquant, à mots couverts, que le problème est ethnique, et que des Suédois n’agiraient pas de la sorte ».
La Norvège est un pays qui a découvert dans les années 60 dans ses sous-sols une immense quantité de pétrole est un des plus riches du monde. Les aides de l’Etat sont généreuses et le chômage reste bien inférieur à la moyenne européenne. Cependant, la Norvège n’est pas un oasis à l’abri de l’extrême droite. La peur d’une perte des valeurs chrétiennes et scandinaves face à un Islam jugé trop radical est l’argument phare du Parti du Progrès. Très présents sur les réseaux sociaux, jeunes, présentés comme self made men, les candidats sont pourtant profondément réactionnaires sur plusieurs aspects. Economiquement, leurs modèles restent Ronald Reagan et Margareth Thatcher mais idéologiquement, le modèle est Vidkun Quisling, Président pendant l’occupation allemande.
Alors que s’approchent les élections européennes, il est nécessaire pour les démocraties européennes de s’interroger sur la place de l’extrême droite au sein du débat politique. Doit-on interdire la parole à ceux qui méprisent la liberté ? Devons-nous dissoudre les éléments les plus violents et les plus contestataires ? Prableen Kaur, jeune homme politique norvégien, survivant de la tuerie d’Andres Breivik sur l’île d’Utoya, juge que c’est le droit de chacun d’exprimer son opinion et que la démocratie fonctionne le mieux possible lorsque le débat est ouvert tous. Le collectif britannique Hope not hate organise de nombreuses campagnes afin de combattre le fascisme en distribuant des journaux révélant les mensonges et les inexactitudes du British National Party et l’English Defense League. Un récent rapport du Conseil de l’Europe jugeait que les Pays-Bas ne s’impliquaient pas assez dans la lutte contre le racisme.
L’Union Européenne doit avoir un rôle plus important dans la lutte contre l’extrême droite. Le commissaire en charge de l’éducation, de la culture, du multilinguisme et de la jeunesse a également le devoir de s’occuper de la lutte contre les discriminations en étudiant au cas par cas les raisons de la montée de l’extrême droite dans chaque pays de l’Union.
Tous différents (Geert Wilders est par exemple profondément pro-sioniste alors que de nombreux extrèmistes d’Europe du Sud se revendiquent comme les ennemis jurés d’Israël) mais tous combattent l’Union européenne, responsable pour eux de tous les maux. Etendards de l’Euroseptisme, ils ne refusent pourtant pas leurs sièges au Parlement européen…
L’heure ne doit plus être à la critique mais à l’action. Les dirigeants politiques doivent repenser une économie jugée trop statique. Les écarts sociaux au sein même de l’Europe du Nord sont flagrants. L’Irlande subit alors que la Suède résiste toujours à la crise. L’austérité ne peut réduire toutes les inégalités. L’Europe ne peut être un nid d’inégalités mais bien un véritable atout pour toutes nos démocraties si elle est à la fois juste et solidaire. Les extrèmistes de droites ne peuvent que souffrir lorsque l’Union européenne prend conscience des difficultés de chacun.
On ne peut bien entendu donner de solution miracle face à la montée du populisme. Il s’accrochera tant que les défauts et les injustices subsisteront. Mais il est à noter que le débat et la rencontre peuvent apporter des résultats efficaces. Une étude récente de Liegey Muller Pons a en effet souligné le fait que pendant la campagne présidentielle française, de nombreux électeurs avaient renoncé à voter pour la candidate Marine Le Pen. Le dialogue encore et toujours source de réussite ?! L’Europe en a cruellement besoin.
Brieuc CUDENNEC
Si l’extrême-droite n’existait pas, le système exploserait. Le Parlement serait pris d’assaut etc… C’est la soupape de sécurité de l’UE.
Ça permet aux partis traditionnels d’avoir un repoussoir et ça ns évite de mettre les problèmes réels sur la table.
Pourquoi vous plaignez-vous ?
Le ventre est encore fécond d’où est sortie la bête immonde (Der Schoß ist fruchtbar noch, aus dem das kroch) Bertolt Brecht