Engagé pour une mission de bénévolat durant l’été 2022 à Jérusalem, j’arrive en Israël avec l’envie de connaitre cette terre pour ce qu’elle est, mais aussi d’observer comment l’Europe s’incarne dans cette région du monde, avec laquelle nous partageons une histoire, une mer, une culture, un présent, un futur.
« Je côtoie en ce lieu l’effroi d’un peuple qui a survécu pour vivre, et dont la peur existentielle demeure celle de disparaitre »
D’une « catastrophe » à l’autre, je quittais la Palestine et sa Nakba pour Israël et la Shoah. « Nakba » et « Shoah » signifient « catastrophe » en arabe et en hébreu. Au mémorial de la Shoah de Yad Vashem résonne à chaque heure du jour et de la nuit les noms des 6 millions de Juifs exterminés durant la Seconde Guerre mondiale. Je côtoie en ce lieu l’effroi d’un peuple qui a survécu pour vivre, et dont la peur existentielle demeure celle de disparaitre.
Je constate en Israël une réalité déjà éprouvée en Palestine, le présentisme, cette manière de vivre les souffrances du passé au temps présent. Je me remémore alors les paroles d’un interlocuteur palestinien qui de l’autre côté du mur m’avait confié que son peuple n’était que la victime d’une autre victime, le peuple juif. Rongés par la culpabilité et conscients de leurs intérêts, les Européens parachevaient l’attribution au peuple juif d’un État en Palestine (1948), « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » !
« Tel-Aviv fait la fête, Jérusalem prie, et Haïfa travaille »
C’est un Israël pluriel qui se présente devant moi. Distantes de seulement 65 km, Jérusalem et Tel-Aviv offrent deux faces complètement différentes d’un même pays. Yiéroushalaïm, « ville de la paix », spirituelle, historique, conservatrice et religieuse ; Tel-Aviv, festive, moderne, progressiste et laïque. L’adage selon lequel « Tel Aviv fait la fête, Jérusalem prie, et Haïfa travaille » prend tout son sens. La côte méditerranéenne d’Israël offre l’image d’une nation à la pointe, dite « startup nation ». De l’irrigation à l’agriculture en passant par la technologie, c’est un pays dynamique et ouvertement tourné vers le monde qui s’offre à moi. C’est l’insouciance d’une intégration à la mondialisation réussie qui s’observe sur les plages de Tel-Aviv. L’urbanisme surprend. Contrasté, il est imprégné des ruptures de l’histoire du pays. Les buildings du front de mer surplombent les bâtisses classées de styles Bauhaus édifiées par les juifs réfugiés d’Allemagne durant l’entre-deux-guerres.
Comme Venise ou Paris à Beyrouth, l’architecture témoigne aussi ici d’une histoire partagée avec l’Europe. À Jaffa, les bâtiments sont ravalés, le centre gentrifié, l’âme de la cité muséifiée. Ce port palestinien aux agrumes longtemps fantasmés n’est plus. Au Nord, Acre, Haïfa, Tibériade, Nazareth. On y rencontre des samaritains, des druzes, des arabes israéliens, des orthodoxes et ultraorthodoxes juifs, des laïcs, des colons, des citoyens engagés pour la paix. À l’Est de Jérusalem, on s’enfonce dans les cavités de Qumrân pour percer les secrets des manuscrits de la mer morte. Du plateau de Massada, on la surplombe et nous saluons la Jordanie qui nous fait face. Plus au sud, c’est le désert du Néguev qui s’offre à nous. Au bout du Néguev, le désert joint la mer. Eilat, la mer rouge et le Golfe d’Aqaba où se rejoignent les frontières égyptiennes, israéliennes, jordaniennes et saoudiennes.
Ce jeune pays, terre promise et refuge de tout un peuple demeure tourné vers l’Europe, où réside la deuxième communauté juive du monde après les Etats-Unis. Régie par un accord d’association depuis 2000, l’intégration économique bat son plein ; l’UE est le premier partenaire commercial de l’État hébreu qui importe un tiers de ses marchandises d’Europe. Partenaire stratégique des Européens dans la région (renseignement, lutte antiterroriste, recherche : programmes européens Horizon, Galileo), Israël est amené à devenir un important fournisseur de gaz pour les Européens.
Arrimée à l’Europe par les liens inébranlables de l’histoire, l’intégration d’Israël à l’Europe s’incarne dans des domaines plus ou moins surprenants. Ainsi, je découvre que la sélection nationale de football dispute les éliminatoires de la coupe d’Europe de Football, quand ses voisins Libanais et Jordaniens disputent les compétitions asiatiques. Ainsi, il n’est plus surprenant d’accueillir la délégation israélienne à l’Eurovision. Ou quand la géopolitique redéfinit les contours de l’Europe géographique !
« La seule démocratie du Moyen-Orient »
Les Israéliens laïcs et progressistes rencontrés revendiquent une proximité morale avec nous autres, Européens. Ils partagent, disent-ils, nos valeurs démocratiques et droits-de-l’hommiste. Ils se font les dépositaires d’un idéal démocratique dans une « région fanatique » : Israël serait donc un îlot démocratique dans un océan d’autocrates fanatiques et hostiles. Les Européens renforcent ce sentiment, rappelant dès que l’occasion le permet qu’Israël serait « la seule démocratie du Moyen-Orient ». Les démocrates Libanais, les électeurs Jordaniens et tous les combattants de la liberté des printemps arabes sont occultés. Une description flatteuse, mise à mal par les violations continues du droit international par Israël depuis 1967. Une image bousculée par la riposte disproportionnée sur Gaza depuis les attaques du 7 octobre 2023.
Un an et demi après mon passage sur cette terre doublement promise, Israël fut frappé du « plus grand massacre antisémite de notre siècle » (Emmanuel Macron). Dans une société traumatisée où l’infaillibilité de l’Etat a volé en éclat, la guerre existentielle est relancée. Que l’Europe contribue à enrayer cette mécanique macabre. Que cesse le fratricide et naisse le fraternel.
Votre complaisance a l’égard de l’Etat d’Israel est pour le moins abjecte par les temps qui courent. Le génocide en cours à GAZA, dont plus personne ne conteste la réalité mis à part les israéliens fanatiques, aurait du vous faire tomber les écailles des yeux comme ce fut le cas pour des milliards de personnes de par le monde. Et l’offensive prévue sur Rafah ( ou plus d’un million de personnes sont entassées sous des tentes de fortune) ne sera même pas la fin du genocide qui continue, à bas bruit, dans les territoires occupés.
La seule conclusion de tout cela est : il faut d’urgence arrêter ( abolir?) tous les accords commerciaux et militaires de l’UE avec Israël, exiger un cessez-le-feu immédiat et durable, libérer l’accès maritime, abolir l’enfermement. Bref, de la simple humanité, quoi!
Mais de cela, le régime sioniste est incapable, comme le régime Nazi à l’époque. Il faut donc se débarrasser de ce régime sanguinaire. Le monde y est parvenu, en Allemagne en 1945, il fera de même en Palestine. L’Europe doit montrer la voie.
Bonjour BOHY.
Vous oubliez dans votre commentaire la scandaleuse et horrible prise d’otages du HAMAS ?
Pourquoi le Hamas ne libère t’il pas tous les otages ?
En le faisant, il changerait la donne, ne le croyez vous pas ?
Après, nous pourrions en effet dénoncer certains Israéliens qui se comportent comme de véritable fanatiques, qui reproduisent ce qu’ils ont pourtant subi.
N’y a t’il pas également de la part de nombreuses nations (arabes et autres), la peur de voir naître en PALESTINE un nouvel état terroriste islamique sur le modèle Daech ou de l’Iran et autres ?
Bravo pour la pertinence de votre réponse !
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner ici même, il ne faudrait pas non plus négliger le fait qu’en matière de captivité c’est le peuple palestinien lui-même qui, depuis des années, est otage du Hamas… comme le peuple libanais l’est du Hezbollah.
Cette opinion ne m’empêche pas de considérer par ailleurs que l’actuel gouvernement israélien devrait lui aussi rejoindre les « poubelles de l’Histoire » que stigmatisait Trotski.
Retrouvera-t-on un jour la clairvoyance d’un Beghin, assassiné par un fanatique de la guerre? Ou la sagesse d’un Naïm Khader, dirigeant palestinien victime, lui aussi, d’un attentat perpétré dans une avenue paisible de Bruxelles en 1981 ? Certes, la disparition de ce dernier était tout bénéfice pour les deux camps en belligérance… ce qui tendrait à montrer, une fois de plus, que, parfois, les extrêmes partagent « objectivement » des intérêt communs…
Désolé si mon angélisme provoque quelques démangeaisons.
Ce n’est pas Begin qui a été assassiné , mais bien Yitzhak Rabin, partisan d’une solution à deux Etats. C’est la droite et l’extrême droite israéliennes (celles qui sont au pouvoir aujourd’hui en Israël) qui ont perpétré cet assassinat. Quand j’étais étudiant à l’université libre de Bruxelles, Naïm Khader y était une figure bien connue. Il habitait à proximité du campus. Représentant officiel de l’OLP à Bruxelles, il était, comme Rabin, un partisan de la paix et d’une solution à deux Etats. Il a été assassiné par des extrémistes palestiniens, infiltrés par le Mossad (services secrets israéliens) avec la bienveillance des services de sécurité belges qui ont tout fait pour que ce crime reste impuni. Ce sont finalement les autorités autrichiennes qui ont mis la main sur celui qui avait été le bras armé des ennemis de la paix. Le sionisme repose sur une double mystification : 1) le droit biblique du peuple juif à s’installer sur le territoire de la Palestine. 2) Que ce territoire était à la fin du 19ème siècle et au 20ème siècle, « une terre sans peuple pour un peuple sans terre »
La responsabilité du gouvernement israélien est écrasante dans le drame absolu que connaît cette région du monde aujourd’hui.
Merci pour la rectification tout à fait pertinente concernant l’identité du Premier ministre israélien assassiné en 1995. A mon âge déjà assez avancé, il arrive que de malencontreuses confusions se produisent… ce qui n’excuse rien.
J’ajoute que, personnellement, j ai eu le plaisir de côtoyer la veuve de Naïm Khader lorsqu’elle travaillait dans les services de la Commission européenne.
Reste une double et triste constatation: la colombe de la paix est décidément un oiseau bien fragile… et les faucons sont en réalité, si l’on me permet une légère digression phonétique… des vrais !
Bonjour,
Alors si vous parlez des otages israéliens, qui ne semblent pas du tout intéresser leur gouvernement vu qu’il les bombarde allègrement ou même tire sur eux comme on l’a vu, il faut bien parler aussi des milliers de prisonniers palestiniens sans jugement, femmes violées systématiquement et enfants maltraités dans les prisons israéliennes. Comment ignorer leur sort et le fait que le but de l’ action du 7 octobre était justement de les échanger contre les otages ?
De plus, sachant que le Hamas n’est apparu que dans les années 80 en opposition à l’ OLP qui n’ a atteint quasiment rien pour les Palestiniens contre l’occupation et la colonisation rampante des Israéliens, il est douteux de vouloir comparer la situation avec celle de l’ Iran ou de DAESH.
En réalité, les Palestiniens veulent surtout la reconnaissance de leur Pays et de leurs droits, et cela depuis plus de 70 ans. Il serait temps.
Bonsoir.
Vous avez malheureusement raison, quand des hommes comme Isaac RABIN et Naim KHADER (colombes) se lèvent pour la justice et la paix, les faucons les assassinent.
L’histoire ne cesse de se répéter, MARTIN LUTHER KING, GANDHI, ALLENDE pour les plus marquants du siècle dernier et s’en doute John et Robert KENNEDY, etc, etc….
Mylord, je suis de celles et ceux qui seront tout à fait d’accord avec votre réponse. Hamas a posé un acte de terrorisme global, sans doute une des premières marches vers l’accomplissement du projet alimenté par ses alliées dans la région et au-delà : la destruction d’Israël ! Il aurait suffi dès après la décision du gouvernement d’Israel, que Hamas libère les otages, tous les otages, et un cessez le feu aurait pu conduire à un arrêt des combats meurtriers. Rétrospectivement on peut mesurer ce à quoi les Israéliens auraient été exposés. Les événements ont montré ce qu’Israël aurait rendu possible au moins partiellement : la mise en route de sa destruction, projet islamiste terrifiant. Il aurait pu se faire qu’Israël n’aie pas constaté la réalité dingue des tunnels caractérisant cet autre état mortellement hostile, planqué sous le sol de l’État hébreux avec ces tunnels configurant le caricaturé métro de Gaza. Israël n’aurait pas pu constater que ce chantier énorme a êté mis en œuvre grâce au raquett mafieux systématique que les enragés pro iraniens ont mené contre les Palestiniens de Gaza.
Le problème mondial, c’est que les islamistes haïssent toutes les politiques qui sont en opposition avec les principes politiques qui sont les leurs. Ils haïssent des pays comme Israël parce qu’ils haïssent les pays où l’on a décidé de considérer comme fondamentaux des principes républicains, libéraux, laïques. Ils haïssent ces pays européens où les femmes ont des droits, sont libres de leur corps, non esclavagisées. ils haïssent ces pays où la science, la culture, la politique sont adossées à des conceptions laïques et a fortiori athées de la condition humaine. Le Moyen Orient ne guérira pas vite des poisons pestilentiels qui gangrènent des sociétés entières, conduites par des fascistes, des racistes, des sexistes, toutes catégories farouchement opposées à l’émancipation des peuples par l’éducation, le rationalisme, l’aspiration à la liberté pour toutes et tous !