L’issue funeste était attendue et elle ne surprend personne. Pour les adversaires de Giorgia Meloni et plus particulièrement pour la gauche, cette campagne électorale aura ressemblé au combat désespéré que mène un patient en phase terminale d’une maladie dont il sait qu’elle lui sera fatale. Sans doute un remède aurait-il été possible si le diagnostic n’avait pas été aussi tardif et les médecins si divisés mais ceci est une autre histoire. Au stade des dernières semaines, seul un hypothétique miracle était espéré sans que quiconque n’y croit vraiment et, comme prévu, il n’est jamais venu. Un siècle quasiment jour pour jour après la Marche fasciste vers Rome en octobre 1922, Giorgia Meloni deviendra donc la cheffe du premier gouvernement d’extrême droite depuis la guerre, et ceci dans l’un des grands pays fondateurs de l’Union Européenne et membre originel de l’Eurozone. Même si il n’existe aucun risque d’un rétablissement du régime fasciste dans une démocratie éprouvée dont les institutions restent solides, l’évènement est évidemment tout sauf anodin. Surtout dans un contexte de forte poussée de l’extrême droite sur l’ensemble du continent.
Avec 26% des suffrages, les mal nommés Fratelli d’Italia deviennent donc la première force politique d’Italie en accomplissant une progression sans précédent pour ce petit mouvement qui n’avait obtenu que 4.4% des voix en 2018. Rappelons la genèse de ce parti: la plupart des cadres du FDI – dont Giorgia Meloni et son fondateur Ignazio La Russa – ont fait leurs premières armes au sein du mouvement néo fasciste du MSI, devenu ensuite l’Alliance Nationale. Suite à une évolution progressive mais constante de son leader Gianfranco Fini vers le centre, Meloni et La Russa ont alors fondé ce nouveau parti qui se veut à la fois nationaliste et conservateur. On pourrait le qualifier de « post fasciste » dans le sens où l’idéologie qu’il défend n’est plus fasciste mais dont un certain nombre de membres, à défaut de vouloir ressusciter Mussolini, continuent d’entretenir des nostalgies coupables. Il est néanmoins clairement d’extrême droite et appartient au même groupe parlementaire européen que les Democrates Suédois ou les Espagnols de Vox, parti dont Meloni est d’ailleurs particulièrement proche.
La percée fulgurante du FDI concerne toutes les régions d’Italie mais sa razzia sur le Nord du pays est incontestablement la plus spectaculaire. Son origine est double: le FDI progresse aux dépens du Mouvement 5 Etoiles au sein des classes populaires et, par le jeu des vases communiquant, récupère l’électorat de la Lega parmi les classes moyennes et les entrepreneurs de Lombardie et de Vénétie. De ce point de vue, les troupes de Salvini enregistrent une défaite cuisante, passant ainsi de 17% à moins de 10% et perdant la quasi-totalité de leurs bastions. Fait significatif: la Ligue n’aura aucun député élu à la proportionnelle dans la circonscription de Bergame, ce qui constitue une première. De quoi générer un certain nombre de frustrations qui pourraient réouvrir de vieilles rancœurs entre les deux partis d’extrême droite dont les positions sont, certes très proches – la politique étrangère exceptée – mais les relations assez médiocres du fait d’importantes rivalités personnelles. Le premier écueil devrait être la formation du gouvernement: Giorgia Meloni, assez moyennement enthousiasmée à l’idée d’un retour de Salvini au Ministère de l’Intérieur comme ce dernier le désire, pourrait être tentée d’utiliser le mauvais score de la Lega pour écarter celui-ci de ce ministère clé. D’autre part, le leader de la Lega devrait être mis en difficulté en interne par ses barons régionaux qui n’ont jamais digéré sa stratégie à visée nationale. Or si la ligne régionaliste de Maroni devait redevenir majoritaire au sein de la Lega, le gouvernement Meloni s’en trouverait sans aucun doute fragilisé. D’autant plus que le très imprévisible Silvio Berlusconi lui est également nécessaire et que lui non plus ne goûte guère l’idée d’être rejeté dans le rôle d’un simple allié subalterne.
Comme prévu, le Mouvement 5 Etoiles s’est effondré en perdant la moitié des voix obtenues en 2018. Mais si il n’existe quasiment plus dans le Nord du pays, il a étonnement plutôt bien résisté dans le Mezzogiorno. Cette petite surprise est sans doute due à la relative popularité de son leader, Giuseppe Conte, et à son choix de faire campagne sur le revenu de base, mesure jugée attrayante dans le Sud. Au final, cette élection pourrait permettre au Mouvement de clarifier un certain nombre de points: celui du leader – Giuseppe Conte semble maintenant incontesté – et de la ligne politique – devenu un parti purement sudiste et dont l’électorat est quasi exclusivement populaire, la question sociale sera forcément l’alpha et l’oméga de sa stratégie-. De quoi sans doute ancrer ce mouvement à gauche, ce qui semble déjà acté par le départ de ses électeurs les plus droitiers vers les Fratelli.
En ce qui concerne le Parti Démocrate, on pourrait parler de stagnation dans la médiocrité, le parti de Enrico Letta obtenant grosso modo le même score – relativement mauvais – qu’en 2018. Il conserve une partie de ses bastions urbains de Toscane et d’Emilie Romagne, même si il est pour la première fois battu sur l’ensemble de cette première région. Le Parti Démocrate souffre d’un certain nombre de maux: son incapacité à se renouveler du fait qu’ils ont participé à la très grande majorité des divers gouvernements qui se sont succédés depuis une dizaine d’années, ses difficultés à percer dans l’électorat populaire – leurs meilleurs scores ont été réalisés au sein des classes moyennes supérieures et diplômées – et un manque d’inspiration qui s’est caractérisé par une campagne molle, uniquement centrée sur le danger extrémiste posé par Giorgia Meloni. Dès le lendemain de l’élection, Enrico Letta a convoqué un nouveau Congrès et annoncé qu’il ne se représentera pas à la direction.
Enfin, les adversaires de Giorgia Meloni ont souffert de leurs divisions, ce qui était forcément fatal avec un mode de scrutin favorisant les coalitions. Ainsi avec 44%, l’alliance de droite obtient elle une majorité confortable dans les deux chambres quand les progressistes, divisés, auront particulièrement souffert dans les circonscriptions uninominales. Si elle réalise un score correct en terme de voix, l’alliance centriste de Calenda et de Renzi n’aura ainsi que peu d’élus, beaucoup moins en tout état de cause qu’ils n’en auraient obtenu si ils avaient opté pour une participation à la coalition de centre gauche. Cette erreur ne devra pas être répétée une nouvelle fois. Et si le Mouvement 5 Etoiles confirme un cap définitif vers la gauche, le dialogue avec le Parti Démocrate sera d’autant plus nécessaire que leurs électorats sont aujourd’hui très complémentaires et que ces deux ensembles sont donc en mesure de constituer une coalition capable de vaincre la droite. Mais en attendant, il faudra subir le pire gouvernement de l’histoire récente du pays, ce qui ne sera pas une mince affaire. Y compris pour les autres pays européens et en premier lieu la France, la victoire de Meloni marquant malheureusement un coup d’arrêt à la proche coopération entre les deux pays ces dernières années. C’est d’autant plus regrettable que France et Italie avaient un certain nombre d’objectifs communs pour l’Europe. Tout ceci rend donc l’entente franco-allemande encore plus nécessaire et indispensable que jamais.
Si vous soulignez, à juste titre, la faiblesse idéologique du P.D., qui lui a fait perdre le soutien des classes populaires (celles qui souffrent le plus des politiques néo-libérales généralisées depuis quarante ans dans l’U.E.)vous ne faites jamais le parallélisme entre la montée de l’extrême droite et la conversion de la social-démocratie à un libéralisme plus ou moins social. Ces classes populaires soit votent pour l’extrême droite, soit s’abstiennent, ne trouvant dans l’offre politique aucun parti qui réponde vraiment à leurs aspirations.
Je suis parfaitement d’accord avec vous, car chacun sait que la social-démocratie, par sa conversion au néolibéralisme, n’incarne plus, depuis longtemps, les principes de redistribution et de solidarité à l’origine du SOCIALISME.
Comment ce faux-nez du libéralisme peut-il effectivement se déclarer de gauche sachant qu’il ne souhaite pas remettre en cause les rapports de productions et qu’il ne revendique pas la mise en place d’un ÉTAT arbitre des contradictions entre le capital et le travail ?
Une fois de plus, Sébastien Poupon nous livre une analyse très pertinente des résultats d’un scrutin intéressant un Etat membre de l’UE. Le seul « oubli » concerne le taux d’abstention, de l’ordre de 35 % – un pourcentage non négligeable, qui fait écho à un phénomène voisin constaté dans la doulce France.
Même si cela peut paraître prématuré, qu’en induire pour les élections européennes de 2024 – un scrutin de plus en plus boudé par les citoyens au fil du temps ?
Et vous croyez quoi ? Qu’en France c’est différent ? La sélection à déjà commencé… Soit tu bouffes dans la main du RN ou du premier connard venu qui brigue le pouvoir, soient ils te harcèlent avec tous les moyens et tous les réseaux à leur disposition…
Ils se sélectionnent entre merdes en jurant à qui voudra les entendre qu’ils vont changer l’ordre du Monde… c’est du Trumpisme…
Et puis un jour ça envoie ses troupes à l’assaut du Capitole… Les pauvres décérébrés risquent 20 ans de taule et Donald joue au golf…
Le mensonge généralisé, l’hypocrisie galopante….
Ils font pression sur les citoyens pour obtenir leurs bulletins de vote. Ils sclérosent les institutions de part leurs mensonges et donc voilà, ils sont partis pour détruire l’Europe….
C’est la 5ème colonne…. et l’armée est complice.
Ils font les enquêtes qu’ils veulent et quand ça arrange le RN.
Les chevaux mutilés ? Ah…. Vivement qu’elle rembourse son crédit la LEPEN….
Pas d’enquête…. Par contre pour faire monter la haine dans la société en crevant les yeux des ouvriers la il y a pas de souci….
Et puis il faudrait qu’ils arrêtent de foutre le feu dans le bordelais les pompiers du RN…
C’est ce qui va nous arriver, à voir les manœuvres les partis d’extrêmes droite en France et celles de notre gouvernement avec les décisions qui sont prises actuellement ainsi que la stupidité des partis qui se disent de gauche et écologistes
Bonjour.
Oui, tous les sont au verts pour l’arrivée de l’extrême droite dans de nombreux pays dont la France :
En reprenant également certains arguments développés dans les commentaires ci-dessus on constate :
– Un fort taux d’abstention ce qui veut dire que beaucoup de Français et d’Européen sont dégoutés par les partis politiques qu’ils soient socialistes ou de droites.
– Aucunes actions concrètes pour lutter contre l’insécurité qui ne cesse de monter (il y a un déni de certains politiques sur cette insécurité), une refonte du système judiciaire est nécessaire, une lutte s’en pitié doit être mis en place pour lutter contre la délinquance, comment peut ‘on admettre des zones de non droit en France, comment peut ‘on admettre que des médecins, des pompiers, des infirmiers soient agressés dans l’exercice de ses fonctions?
La responsabilisation des parents doit être mis en place, l’outils des allocations familiales doit être utilisé, les redistribuer aux enfants concernés en leur payant la cantine , les habits etc, en les supprimant aux niveau des parents défaillants.
– L’absence d’une véritable politique sociale et surtout des actions qui vont accentuer le désarroi des citoyens et les pousser vers les extrêmes, à savoir la non taxation des super profits (comment peut ‘on laisser les plus nantis s’enrichir en profitant de la crise), une réforme des retraites que beaucoup considère injuste avec des arguments avancés fallacieux.
– Une réforme totale du système de santé en écartant les lobbies de la médecines dont l’ordre des médecins qui gangrènent l’assemblée nationale, comment se fait’il que les médecins aient le choix de s’installer ou bon leur semble alors que les pharmaciens ont une obligation d’installation selon un schéma bien défini ?
– Les partis écologistes font rire tout le monde (personnellement je ris jaune), c’est du grand n’importe quoi avec une Sandrine ROUSSEAU qui est s’en arrêt à côté de la plaque, c’est une bobo de gauche qui est d’après moi en dehors de la réalité ?
Comment se fait’il qu’on ne les entendent pas parler de la catastrophe écologique en Europe du nord ?
– Etc, etc…
Oui, la montée de l’extrême droite est inéluctable en Europe avec en lot de sérieuse crise à la clé pour la gouvernance de cette dernière, seul un changement de comportements peut y remédier mais nos politiques en sont-ils capable ou un électrochoc va t’il se produire dans certains états pour y remédier ?
La gauche et les progressistes (PD, mouvement 5 étoiles, centristes , écologistes etc.) n’ont pas réussi à former une coalition. Ils en paient le prix. C’est un enseignement à tirer y compris pour la France. La droite et l’extrême droite ont formé une coalition. Le risque est réel d’une déstabilisation de l’Europe même si Georgia MELONI n’a jamais soutenu Poutine avec des pays de plus en plus euro sceptiques. Le nationalisme c’est la guerre disait Jaurès. Nous n’en sommes pas là. Mais c’est un mauvais signal pour l’Europe
En tout cas, bravo a Emmanuel MACRON qui garde le cap…..
Entre la quête identitaire des populistes du RN, de Meloni ou de Zemmour qui sont garants de la bonne identité d’ailleurs soit Française, soit Italienne mais rarement Européenne, et la réalité socio-économique de nos pays respectifs qui aspirent à s’unir dans ce populisme identitaire qui ne sera qu’un repli sur soi, Emmanuel MACRON essaie de fédérer autour de l’identité Européenne…
C’est un long travail de pédagogie, toujours anéanti par le RN ou re-cons-quête qui promettront monts et merveilles avec leurs raccourcis intellectuels…
On va changer le monde, mais déjà virons les étrangers…. C’est un bon départ…. un peu court.
Donc nos pays ne sont pas en ruine… mais dans ce Monde de prédation ou personne ne cherche pas à s’entendre et à changer la donne ou les cartes, les règles du JE, MACRON à raison de dire qu’il va falloir travailler plus.
C’est étonnant… Personne ne veut l’entendre et pourtant il a été rééllu….
Alors puisque Sauvons l’Europe a été fondé par la CFDT et que la CFDT refusent de travailler plus pour ne pas laisser une montagne de dette sur la peau de ses gosses, je me demande s’il reste de l’espoir, du réalisme, de l’intelligence.
Il est vrai que les vieux ont pris l’habitude de nous laisser en hoirie, non pas un leg, mais un fardeau. Qu’importe ils se seront bien régalés à leur époque, tant chez les viets que chez les berbères…
Mais pour leur gosses il ne feront aucun effort.
Comme toujours les européistes préfèrent fustiger un courant politique , voire des personnalités politiques, plutôt que se’interroger sur les raisons et les situations qui poussent l’électorat populaire dans ses choix …..l’idéologie plutôt que le pragmatisme.
Jamais l’échec de la politique ultra libérale de Bruxelles n’est remise en cause alors qu’elle est la source des problèmes directs des foyers européens…
c’est ce que, en vain, j’essaie de faire comprendre à SLE …
Il n’y pas de politique « ultra libérale » à Bruxelles. La seule expérience authentiquement « ultra libérale » chimiquement pure, c’est celle qu’a voulu tenter Liz Truss et dont même les marchés n’ont pas voulu puisqu’elle a dû se retirer au bout d’une quarantaine de jours. L’idole des Europhobes sans doute. Vu de Londres, le but était de quitter une UE trop socialiste…..
Il me semble que vous êtes dans le déni même si, au cours des crises successives que nous venons de connaître, l’U.E. est sortie quelque peu de sa doxa néolibérale (ce qui n’est pas le cas de la BCE) même s’il faut faire un distinguo entre néo-libéralisme et ultralibéralisme.