L’introuvable dialogue social européen

Il y a un an, un certain François Fillon avouait son amour de jeunesse pour Mme Tatcher et proposait que l’on bazarde les 35 heures au profit des 48 heures. Il aurait bien proposé que l’on supprime toute référence légale à un temps de travail et que l’on laisse les partenaires sociaux fixer librement les choses dans les entreprises, comme au temps de productivité où la journée de 8 h n’avait pas encre été imposée pour les enfants dans les mines. Mais il se trouve que les 48 h sont un socle de droit social européen qui s’impose à tous, et qui fait partie des griefs qu’une partie des conservateurs britanniques adressent à « Brussels ».

Ah, Jacques Delors, l’époque jolie de Val Duchesse ou le grand marché et l’Europe sociale se construisaient main dans la main! Je fais confiance sur ce point aux anciens, je n’ai jamais connu. Le fait est que les Commissions suivantes ont moins poussé le dialogue social, et que Barroso s’en est activement désengagé. Mais La Commission Juncker affiche pour l’instant un intérêt de principe renouvelé pour des conférences entre partenaires sociaux européens. L’aube se lève t-elle à nouveau?

Il y a un an, les partenaires sociaux européens ont signé un accord pour la première fois depuis longtemps (le second en dix ans). Celui-ci porte sur l’accompagnement au travail des salariés âgés , problème essentiellement créé par l’élévation régulière de l’âge de la retraite. Il s’agit sur le fond d’un ensemble de platitudes: cela demande une stratégie RH adaptée qui joue sur la complémentarité entre ce que savent faire les jeunes et les vieux. Et le seul effet de cet accord est d’inviter les partenaires sociaux nationaux à le reprendre. En somme pour être brutal, il s’agit d’une invitation faite aux partenaires sociaux de chaque pays de discuter de ce thème. C’est un réveil social pour le moins limité.

Depuis 15 ans, les rares accords européens se limitent à ce modèle: un sujet relativement secondaire (télétravail, harcèlement) et une simple invitation à négocier au niveau national suivie avec des fortunes diverses.

Le dialogue social laissé à lui-même au niveau d’un continent ne peut que tourner en rond! La division entre niveaux économiques et sociaux s’est accrue avec les élargissements et la progression des inégalités montre un relatif retrait des entreprises d’un modèle partenarial. Un dialogue social fécond doit s’appuyer sur la Commission européenne et se traduire par des directives cadres, dont rien n’interdit de penser qu’elles soient transposées dans un cadre de négociations nationales. Un socle social européen hante les discours depuis quelques temps. Il serait opportun qu’il se matérialise un jour, quitte à commencer bas.

La convergence des niveaux sociaux est un objectif de long terme, mais politiquement difficile. Sans attaquer l’Everest directement par sa face nord, nous pourrions commencer par des normes de base, potentiellement basses, dans tous les secteurs où des pavillons sociaux de complaisance amènent des travailleurs européens en deça des standards de la plupart des pays développés ou en voie de développement.

Commençons quelque part!

 

 

 

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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6 Commentaires

  1. Très bien ce discours prônant la convergence sociale européenne, mais que vient faire François Fillon dans votre débat où vous lui opposez une supposée limite hebdomadaire de 48 heure de travail aux 8h de travail des enfants dans les mines, vous avez du avoir du mal à faire plus caricatural !!
    Fillon disait dans son programme :
    « Je veux lever enfin le verrou des 35 heures. Cette utopie, qui est restée une exception française, doit être abandonnée. Pour renouer avec la compétitivité et pour remobiliser la force de travail, je donnerai la priorité à la négociation collective pour trouver, dans l’entreprise, les moyens les plus effiaces pour augmenter la durée effective du travail et en défiir les contreparties salariales. »
    Pourquoi faire un épouvantail d’un homme politique prônant le dialogue social, sachant que dans la plupart des corps de la fonction publique ou territoriale on n’est pas du tout à ce niveau hebdomadaire mais plutôt à 32 voire 28h par semaine, sans compter les absences injustifiées sans jours de carence

    • Pour compléter votre information au sujet du nombre d’heures de travail dans la fonction publique, j’attire votre attention sur le fait que, depuis une réforme entreprise en 2014, le régime applicable aux fonctionnaires européens a été porté de 37 à 40 heures par semaine.

      Certes, comme dans toute société humaine, on peut soupçonner que tout le monde ne joue pas le jeu, certains tirant à la baisse… et au flanc. Mais de nombreux exemples personnels que je connais bien montrent aussi que, pour répondre le plus professionnellement possible aux exigences des tâches requises d’un personnel que l’on considère à tort comme pléthorique, des périodes de pointe de l’ordre de 80 heures (qui impliquent, entre autres, de sacrifier souvent ses soirées, voire les loisirs du week-end) sont monnaie courante.

  2. L’Europe sociale est une chimère qui n’existe pas et n’existera probablement pas. Tout est fait pour qu’une compétition entre état membre anéantisse l’existant, il était promis que les citoyens seraient au même niveau personne n’avait dit que ce serait au moins disant, les promesses n’engagent que ceux qui y croit…

  3. ce débat me parait 1/ francocentré (c’est qui Fillon?) 2/ d’un autre age.

    Etre pour ou contre les 35 heures relève de la crispation. Le temps de travail est en diminution tendancielle depuis plus d’une décennie. Par ailleurs l’évolution technologique a déjà fait largement exploser la notion de travail mesuré en heures, et nous n’avons encore rien vu. Tous les métiers sont concernés par la robotisation et l’Intelligence Artificielle.

    Le télétravail, décrit dans l’article comme « sujet relativement secondaire » est en réalité directement lié a cette évolution. Le spectacle quotidien de cette centaine de million d’européens allant tous au boulot pratiquement aux mêmes heures, serrés comme du bétail dans les transports publics ou coincés dans les embouteillages, devrait nous convaincre que des incitations au télétravail peuvent être benefiques . Les enjeux en matière de sante, de stress, de m3 de béton, de dépense en carburant et en assurance, de CO2 et d’énergie gaspillée sont en fait considérables.

  4. Les propos de « Babar » me semblent pertinents….et il y a urgence à ouvrir le débat au bon niveau, avec la compréhension des nouvelles formes de travail, les nouvelles technologies, la « mondialisation » etc…etc…Savoir créer et reconnaître la vraie, les vraies richesses, savoir consommer intelligemment, savoir privilégier les consommations collectives,, protéger notre planète…. Beaucoup de citoyens souhaitent aller dans ces directions….alors pas de disputes stériles, mais la poursuite de la construction d’une Europe qui est encore, malgré tout, un continent moins « mauvais » que ses voisins et concurrents. Cordialement à toutes et tous. Marc Domec

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