L’Union européenne doit prendre le leadership sur l’IA

Les 10 et 11 février, Paris a accueilli le Sommet IA, un événement d’ampleur mondiale réunissant responsables politiques, dirigeants d’entreprises et experts du secteur. Ce rendez-vous stratégique a permis d’inscrire l’intelligence artificielle à l’agenda politique international, en abordant ses défis, ses opportunités et les bouleversements qu’elle engendre.

Emmanuel Macron a annoncé un investissement de 109 milliards d’euros, mais sans préciser clairement la répartition de ces fonds, notamment ceux issus du secteur privé. Seront-ils mobilisés dans une logique purement nationale, ou inscrits dans une stratégie de coopération européenne ? Une question d’autant plus cruciale que les Émirats Arabes Unis prévoient d’investir entre 30 et 50 milliards d’euros en France, renforçant ainsi les enjeux de gouvernance et d’indépendance.

L’impact de l’IA dépasse le simple cadre technologique. Elle transforme l’économie, le marché du travail, la culture et la sphère politique, avec des répercussions directes sur l’opinion publique. Or, les Français figurent parmi les plus sceptiques vis-à-vis de l’IA générative : selon une étude du BCG (avril 2024), ils sont les plus pessimistes parmi les 21 pays sondés.

Une Europe à la croisée des chemins

Face à cette révolution, l’Union européenne n’entend pas rester spectatrice. Ursula von der Leyen a annoncé un plan de 200 milliards d’euros, dont 50 milliards financés directement par l’UE. Une ambition forte, mais qui se heurte encore à des logiques nationales, notamment la volonté française de protéger Mistral AI et ses autres pépites technologiques.

L’enjeu est double : garantir l’autonomie technologique et la souveraineté stratégique tout en répondant aux besoins européens. Mario Draghi, dans son rapport, préconisait un investissement annuel de 5 % du PIB pour rester compétitif. Un chiffre à mettre en perspective avec les stratégies des GAFAM : Amazon prévoit d’investir 100 milliards de dollars en 2025 dans le cloud et l’IA.

Mais la véritable question est « l’IA, pour quoi faire ? ». Avant d’injecter des montants colossaux, une réflexion de fond doit être menée sur ses usages prioritaires et les arbitrages budgétaires nécessaires face aux autres politiques publiques essentielles. 

La réflexion doit aussi porter sur les opportunités et les risques que peuvent engendrer l’utilisation abusive de l’IA, et intégrer un volet environnemental pour nous préserver de l’impact écologique et environnemental. 

Un leadership mondial à consolider

Le Sommet sur l’IA à Paris a débouché sur un protocole d’accord signé par plusieurs dizaines de pays, dont la France, l’Inde et la Chine, en faveur d’une IA ouverte, inclusive et éthique. Ce sommet est une première pierre à immense défi technologique qui nous attend, qu’il faudra, chaque jour, nourrir pour faire face à l’hégémonie américaine, qui a brillé par son absence. Même si celle-ci fut peu surprenante – au vu du retour de Donald Trump, de l’influence d’Elon Musk et du dogme « America First » – cette non-signature reste un obstacle majeur à l’établissement d’une gouvernance mondiale de l’IA.

Washington assume pleinement son choix : les États-Unis veulent conserver leur leadership technologique et privilégier une approche pro-business et pro-croissance, comme l’a confirmé le vice-président JD Vance. Une position dangereuse qu’il nous faut absolument contrer, car elle met à mal notre démocratie et la stabilité mondiale déjà bien fragilisée. 

Dans ce contexte, l’Europe et ses États membres doivent impérativement coordonner leurs stratégies pour garantir leur place dans cette révolution technologique. Prendre le leadership sur l’IA est un enjeu vital, autant pour notre développement économique que pour notre souveraineté technologique et sécuritaire. L’invasion de l’Ukraine par la Russie nous l’a rappelé avec brutalité : dans le monde d’aujourd’hui, la maîtrise technologique est une arme stratégique.

L’Europe doit être à la hauteur de ce moment important dans la construction du monde de demain, qui ne se fera pas sans l’IA. 

La France, État membre fondateur devra y prendre toute sa part.

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Baptiste Ménard
Baptiste Ménard
Baptiste Ménard est - entre autres - adjoint au maire de Mons-en-Baroeul (Nord), membre du bureau national du PS, et préside le cercle de réflexion "Lueurs Républicaines" qu'il a fondé.

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2 Commentaires

  1. Un Français, M. Le Cun, ponte de l’IA americaine , participait à ces rencontres. Je suis étonné que personne ne l’ait sondé sur ses opinions et intentions par rapport à ses patrons americains dévoyés. A-t-il encore un peu d’honneur ?

  2. Bonsoir.

    L’IA est une réalité, elle ne va que progresser, elle impactera dans un proche avenir notre mode de vie d’une manière radicale, seul ceux qui se prépareront pour gérer au mieux ce bouleversement peuvent espérer en éviter les désagréments.

    Nos gouvernants, qu’ils soient nationaux ou européens, doivent intégrer ce changement dans les futurs projets politiques, changement qui impactera tous les domaines connus sans exception, le font-ils , j’en doute ?

    Le propre du politique est d’anticiper et de préparer cette évolution, de fortement sensibiliser le citoyen aux répercussions prévisibles, comme d’habitude, on attendra d’être au pied du mur pour essayer d’agir.

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