Est-il l’heure d’utiliser finalement l’article 7 contre la Hongrie ? La Marche des fiertés, un événement qui rappelle chaque année et partout dans le monde que les minorités sexuelles existent et sont des gens comme tout le monde, est interdite en Hongrie.
Mû par l’urgence, car il faut protéger les enfants d’une telle vision, le Parlement hongrois a en une seule journée le 18 mars voté un amendement à la loi sur la liberté de réunion, pour interdire toute organisation d’une manifestation violant la protection de la jeunesse sous peine de prison, et d’y participer sous peine de 200.000 Florins (500 €) d’amende. Pour s’assurer du respect de cette interdiction, elle autorise spécifiquement le recours à la reconnaissance faciale de masse. Plusieurs manifestations de protestation ont eu lieu, dont une parodie de marche des fiertés en gris, ou Gray Pride.
La marche est pour l’heure maintenue le 28 juin prochain, avec le soutien du maire de Budapest, Gergely Karacsony qui appelle à une manifestation « plus grande que jamais ». Une pression forte de l’Union européenne est nécessaire pour maintenir cette liberté simple qu’est le droit de manifester.
La limitation des droits de créer et de diffuser des œuvres comportant des références non hétérosexuelles s’applique depuis une loi de juin 2021 pour la protection de la jeunesse écrite dans des termes très large (elle semble également prohiber la mention de couples divorcés). Elle est très fortement inspirée d’une loi russe. La Commission européenne a immédiatement (six mois seulement) saisi la Cour de justice de l’Union européenne, bientôt suivie par pas moins de 16 pays membres. L’audience a eu lieu en novembre dernier et une décision est prévue cet automne.
Le soutien aux libertés en Hongrie dépasse cette question, qui n’est que le prélude à d’autres attaques sur la vie des citoyens. Il va de soi que cette interdiction qui frappe aujourd’hui les communautés LGBTQ sera demain, si n’on n’y met pas obstacle, le traitement de l’ensemble des mouvements politiques non alignés avec la politique du gouvernement. La reconnaissance faciale des participants à une manifestation est un démon difficile à faire rentrer dans sa boite une fois qu’on y a goûté, surtout si on a peu de respect pour les libertés démocratiques ! Le gouvernement tente de prendre le contrôle de la magistrature, dirige déjà 80% des médias et a admis avoir espionné des journalistes « dans un cadre légal ». Ce serait un nouveau verrou qui lâche. Pour l’heure, la Commission européenne retient le versement des fonds à la Hongrie pour 20 milliards d’euros tout en continuant à en faire un des bénéficiaires nets principaux de l’Union. Mais si l’article 7 du Traité sur l’Union, qui consiste à suspendre notamment les droits de vote d’un pays au sein des institutions doit être employé, ce nouveau cran commence à ressembler à un cas d’usage. Ce pays en a déjà été menacé en janvier 2024 alors qu’Orban mettait son veto à l’aide à l’Ukraine, et il a reculé. Sans doute faut-il réemployer la menace de manière crédible.