Arnaud Montebourg, dans son discours de candidature de Frangy, appelle plusieurs fois à Sauver l’Europe. Ceci ne pouvait que piquer notre intérêt ! Malheureusement, il tombe dans tous les mythes qui, dans une partie de la gauche, empêchent de comprendre le terrain de jeu européen et donc d’être efficaces.
Le mythe de l’austérité
Il est pour Arnaud Montebourg une bataille fondamentale: l’austérité. « Ces plans inspirés par les Traités européens appliqués dans la plus grande dureté par la Commission européenne et par le gouvernement français » « le moment est désormais venu d’imposer la fin de l’austérité en France et en Europe« . En somme l’antienne que quelques idéologues ultra-libéraux ont imposé l’austérité à l’Europe depuis Bruxelles. Nous nous sommes opposés immédiatement à la politique d’austérité, mais il faut la ramener à une juste compréhension.
Premièrement, elle n’est pas tombée du ciel bruxellois mais a été mise en oeuvre par des gouvernements qui ne trouvaient plus accès au crédit sur les marchés de capitaux pour financer leurs déficits. La systématisation européenne n’est venue qu’en contrepartie de l’assistance financière, et pour éviter que certains pays se retrouvent à payer de manière régulière les déficits des autres. Même la politique d’austérité la plus imbécile, en Grèce, a été largement plus bénéfique que si le pays avait été laissé à son sort, en faillite, et qu’il avait du réaliser en quelques mois l’ajustement qui lui a été imposé sur plusieurs années.
Deuxièmement la France n’a pas mis en oeuvre de politique d’austérité. La réduction du déficit public s’est faite à un rythme de sénateur. De 5,1% en 2011 à… 3,5% en 2015, dont une bonne partie est due à la baisse des taux d’intérêts sur la dette. Rappelons ici que lors de la primaire de la gauche de 2011, Martine Aubry et François Hollande étaient tous deux tombés d’accord sur un retour aux 3% de déficit dès 2013. De même les pays qui ont appliqué une politique d’austérité ont baissé leur coût du travail, les salaires de la fonction publique, les retraites, et réduit les dépenses publiques. Il n’en est rien en France, où le Gouvernement a pour sa part aménagé les retraites à terme, préservé les salaires et a… augmenté les impôts. Fortement. Le taux de prélèvement obligatoire français était de 43, 9% en 2011. Cette année il dépasse les 46%, faisant de la France l’Etat européen où l’impôt est le plus développé à part le Danemark. Pour mémoire, la Suède, paradis social-démocrate, tourne en ce moment entre 42% et 43% de prélèvements obligatoires. Les dépenses publiques ont pris le même chemin, de 55,9% en 2011 à 57,2% en 2014. Sur la période, la France est donc devenu un des états les plus socialisés au monde. De nouveaux droits sociaux ont été ouverts, comme les mutuelles pour les salariés. Parler de politique austéritaire pour la France est donc un peu lunaire. Ou alors il faudrait préciser ce qu’est la fin de l’austérité: 5% de déficit? 7%? 10%?
Le mythe du plan B
Arnaud Montebourg nous appelle également à « refonder l’Europe » et à « un nouveau Traité de Rome« . Il demande aux Français « un mandat non négociable, inflexible et irréfragable de dépassement des Traités dans l’intérêt général européen et dans l’intérêt national de la France ». Faute de quoi toute la construction européenne va s’écrouler. C’est peut être un peu ambitieux, et ça rappelle des souvenirs de 2005.
Il y a là deux erreurs fondamentales. La première est de croire qu’on peut taper du poing sur la table et obtenir ce que l’on veut. C’est possible lorsque l’on cherche à obtenir un opt-out, c’est à dire une exception nationale à certaines règles. Un certain nombre de pays l’ont fait, le Royaume-Uni n’étant pas le moindre. Mais ce n’est qu’un petit pas hors des Traités, pas une refondation. Pour une refondation, il faut l’accord de l’ensemble des Etats et un nombre important d’entre eux n’acquiescent pas aux principes d’un Plan B à la française, qui de plus n’ont jamais exactement été définis. Un mandat non négociable, inflexible et irréfragable ne peut concrètement mener nulle part. Notons en outre que le cas britannique a bien montré les limites de la politique d’opt-out. A un moment, ses partenaires, dont la France! ont simplement dit « Non » aux demandes du gouvernement Cameron. Arnaud Montebourg qui, à la veille du référendum britannique déclarait à propos d’un référendum français sur l’UE « Et pourquoi pas. ? C’est une menace utile. Et elle est parfois productive » surestime sans doute son pouvoir de levier et joue un peu avec des allumettes.
La seconde erreur est ce lamento français permanent que rien n’est possible en dehors d’un changement des Traités. La BCE mène une politique d’assouplissement monétaire et quantitatif massif, contre la volonté acharnée des autorités allemandes. Les Traités étaient censés le rendre impossible, on découvre que si. Le mur austéritaire résulte des Traités? La Commission vient d’annoncer une application « intelligente » des Traités, et constatant l’infraction de l’Espagne et du Portugal propose aux chefs d’Etats et de Gouvernements de ne décider aucune amende. Le plan d’investissement Juncker, qui est encore insuffisant, se fait à Traités constant. De même une sortie de l’austérité au niveau européen repose fortement sur le budget de l’Union, qui est décidé par les Etats. Il n’est pas besoin de nouveau Traité, simplement d’un accord annuel sur les moyens de l’UE. Arnaud Montebourg, qui réclame tout à trac une BCE sous le contrôle d’un gouvernement européen, lui même issu d’un Parlement, semble s’être retiré hors du monde depuis 2010. Nous ne prétendons pas ici qu’aucun changement n’est bienvenu, utile, ou souhaité. Mais prendre prétexte des textes pour ne rien faire est une des scies de la gauche française. La réalité est qu’on peut largement faire bouger les choses, mais qu’il faut aller sur le terrain convaincre ses partenaires. On appelle ça la politique ou l’échange démocratique.
Le mythe de l’oligarchie autoritaire
Quelques idéologues ultralibéraux ont pris le pouvoir à Bruxelles et nous imposent de changer de mode de vie, paraît-il. Passons rapidement sur le mythe anti-européen de « l’Europe décide tout sur tout », le débat britannique ayant bien montré que la plupart des régulations européennes visent des normes techniques qui à défaut seraient traitées par une bureaucratie nationale tout aussi productrice de papier et plus ou moins hors du contrôle démocratique. Le point central est ici qu’Arnaud Montebourg esquive le fait que ses positions sont démocratiquement minoritaires en Europe.
L’austérité n’est pas venue uniquement de manière idéologique, elle est venu parce que les leaders démocratiques des pays ont refuser de payer sans voir à la caisse commune de solidarité. Et cette décision de leur part vient grandement des instances démocratiques locales, parlements et citoyens. Le poids de l’Allemagne est réel et prépondérant, mais les exemples de la BCE et du contrôle des réfugiés prouvent qu’elle peut être isolée et qu’elle ne dirige pas l’Europe. En revanche, sur l’austérité la position allemande est majoritaire. De nombreux pays plus pauvres que la Grèce ne supportent plus de contribuer au budget grec et le carcan austéritaire a été mis en place pour empêcher que cette situation ne se reproduise. Il est mal dimensionné et appelle des adaptations, il est surtout malavisé au moment de la crise. Mais il est la contrepartie de la solidarité que se sont consentie les Européens, alors que les Traités existants l’interdisaient formellement. La Grèce s’est fait imposer des conditions à une aide. Elle aurait pu la refuser, mais c’eut été bien pire.
Il ne faut pas rêver à un Gouvernement de la zone euro qui serait issu d’un parlement, et qui serait une chose très différente de ce que la Commission est en train de devenir sans changement de Traités. Jean-Claude Juncker s’est présenté en tant que leader aux élections européennes, qu’il a gagnées. Il a rassemblé une coalition parlementaire au Parlement européen. Il se veut à la tête d’une Commission démocratique et c’est précisément pour ça qu’il reprend une initiative politique qu’Arnaud Montebourg apprécie peu. C’est également ce qui lui permet de modérer la politique d’austérité, après un débat interne à sa coalition très violent, ou de commencer à remettre le sujet de l’Europe sociale sur la table.
Le fait concret est que l’Europe poursuit des politiques qui ne nous plaisent pas essentiellement parce que les progressistes sont démocratiquement minoritaires depuis 25 ans. Les conservateurs dominent le Parlement européen depuis 1999, les chefs d’Etat et de gouvernement sont majoritairement à droite et même durant la période 97-2000, les socialistes anglais, allemands et néerlandais se situaient sur une optique économique libérale. A la longue, ça marque les politiques d’une institution.
La Commission est désormais issue d’élections démocratiques, et responsable devant un Parlement démocratique. Le Conseil est constitué de chefs d’Etats et de gouvernements élus démocratiquement et responsables devant des parlements démocratiques, dont certains contrôlent leur politique européenne. Le moment est peut être venu de cesser de chouiner sur les Traités et l’oligarchie de Bruxelles et d’essayer de convaincre démocratiquement, puis de gagner des élections?
Montebourg prend ses leçons chez Varoufakis, comme Mélenchon tresse des lauriers à Chavez et souhaite pour la France un avenir aussi radieux que celui du Vénézuela…
Ce n’est pas parce que deux petits idéologues disent des c… Qu’il faut en rajouter!
Non! La Commission n’est pas issue d’élections démocratiques! Nous avons effectivement voté et le PPE a remporté l’élection, Junker devenant président contre Schultz, mais nous n’avons pas choisi Junker, ce sont les dirigeants européens qui l’ont fait.
La Commission n’est pas responsable devant le Parlement, même si le Parlement a pu recaler un ou deux commissaires, quand une bonne demi-douzaine ….
L’Europe meurt de son absence de Démocratie, de l’inter-gouvernemental, de tous ces faux-semblants qui éloignent les peuples.
Le Mythe Européen tel que vous le défendez est aussi mortifère que les Mythes que vous contestez.
Le trait est grossi pour des raisons pédagogiques, mais :
Juncker a été choisi dans un congrès du PPE où il y’avait plusieurs candidats, idem pour Verhofstadt à l’ALDE, Schulz a suivi une procédure statutaire de primaire (où il n’y avait cependant qu’un seul candidat), Ska Keller pour les verts a été désignée à l’issue d’une primaire ouverte à tous les citoyens d’Europe.
Les dirigeants européens ont dit qu’ils ne voulaient pas de Juncker, il leur a été imposé par la coalition parlementaire majoritaire au Parlement européen.
Et la commission est bien responsable devant le PE (article 243 TFUE), les commissaires très discutables qui n’ont pas été censuré avaient le soutien de leurs groupes parlementaires.
Nous commençons à avoir une démocratie européenne, ce qui ne signifie pas qu’elle soit encore très développée, ni qu’elle soit irréprochable. Mais il faut noter que tous ces commissaires un peu compliqués étaient ministres dans leur propre pays donc il est délicat de demander la perfection uniquement à l’UE.
La responsabilité de la Commission devant le Parlement européen a toujours été affirmée par les traités successifs: déjà l’article 144 du traité CEE prévoyait la possibilité pour l’ « Assemblée » de l’époque de voter une motion de censure à l’encontre de la Commission. Ce pouvoir fait aujourd’hui l’objet de l’article 17 paragraphe 8 du traité sur l’Union européenne et 234 (et non pas 243… petite confusion dans l’ordre des chiffres) du traité sur le fonctionnement de l’UE.
Si ce dispositif n’a pas été formellement appliqué en 1999 à la suite des remous provoqués par le comportement de la Commission Santer, la simple menace de sa mise en oeuvre a conduit à la démission anticipée du Collège de l’époque… ce qui tendrait à prouver qu’il ne s’agit pas d’une simple clause de style.
SLE rappelle à juste titre que la candidature aux fonctions de président de la Commission avait fait l’objet d’une compétition ouverte entre plusieurs prétendants en 2014. Bien que la confrontation entre ces derniers n’ait pas reçu un grand écho au niveau des médias à large audience, on mentionnera qu’un premier débat les avait néanmoins rassemblés le 18 avril sur la chaîne Euronews et qu’un autre a été organisé le 15 mai, ce dernier ayant été retransmis en France sur les chaînes parlementaires (LCP et Public Sénat). « Plus d’Europe à la télé » reste décidément une course de longue haleine…
OK. L’Europe est ultralibérale parce que les Européens ont voté ainsi : le PPE l’a emporté et ce depuis toujours … En France , je ne sais pas, mais au Portugal où je vis, je peux vous dire qu’on l’a senti passer… Ce ne fut pas de la rigolade !!!Et que ça n’a fait qu’empirer la situation. Une chose sur laquelle vous faites l’impasse, c’est le comportement des banques, de la finance et des gouvernements qui n’ont fait qu’éponger les dettes de ces banques qui n’avaient que joué au casino et à la roullette des bourses (City, Wall Street, Paris Franckfort et Cie) ! Et quand l’état (comme ici au portugal, paye des sommes collossales pour sauver des banques (BES, BPI, et autres), c’est le contribuable qui paye, et bien sûr répercussion sur le déficit public et punition de Bruxelles. C’est une honte ce système. mais de ça… vous n’en dites rien… et vous trouvez que la gauche rêve tout haut !
On ne peut pas parler de tout 🙂 Nous sommes d’accord sur les banques. Ni les etats nationaux ni la Commission n’ont voulu réguler tant que tout allait bien et que c’était la fête. Nous l’avons payé très cher! Et même après la crise à la Commission, Barroso a cherché à bloquer beaucoup des propositions de Michel Barnier, qui était le commissaire responsable. Et soyons clairs, les mesures qui ont été mises en place depuis sont encore insuffisante.
Je suis d’accord avec l’article. Montebourg rejoue une partition française déjà connue, on se souvient d’une campagne titrée « l’Europe, la France en Grand ». C’était l’UMP à l’époque.
Excellent article. Il est clair que lorsqu’un pays est membre d’une union monétaire (Eurozone) ou économique (EU 27) – il doit en premier lieu prendre les mesures internes (not. « structurelles ») assurant la viabilité et l’équilibre de sa propre économie. Il peut aussi, dans une certaine mesure, compter sur la solidarité financière de ses partenaires selon les règles pré-établies à cet effet; de même, dans l’UE27, il peut bénéficier des aides structurelles (FEDER- FSE – BEI – etc…) pour atteindre le niveau de compétitivité nécessaire pour bénéficier du marché unique et se rapprocher du niveau moyen de développement économique au sein de la zone.
Quant aux questions institutionnelles, il est clair qu’une révision des Traités est nécessaire pour compléter le système de Maastricht. La multiplication d’arrangements en marge du Traité a ses limites. La difficulté politique objective d’une révision ne doit pas conduire à un déni de cette réalité. (En toute hypothèse, même l’utilisation de l’article 352 TFUE exige l’unanimité des États membres). Le devoir de la Commission et du Parlement serait de bien préciser ce point – voire d’élaborer un « white paper » précisant et justifiant les éléments d’une telle révision (cf; rapport Verhofstadt ) . JGGiraud
D’accord avec le texte mais il faudrait ajouter que la France n’aura son mot à dire en Europe et dans le monde que si elle est capable d’apporter quelques pistes de solidarité INTERNE ,en particulier pour résoudre le problème endémique du chômage
Cher Arthur, oui vous avez raison il faut élire autrement tant au niveau français qu’au niveau européen… Mais quand on voit comment fonctionne la démocratie au plan national, je crains énormément pour ce qui se passera au plan européen!
En France, les médias sont partis au galop sur la candidature d’un jeune « révolutionnaire » qui n’a jamais été élu, mais a déjà obtenu un poste de ministre, qui prône des « idées nouvelles » applaudies à tout rompre par le patron des patrons et toute la jeune clique des yuppies avides de grimper sur l’échelle sociale, et pour qui les aides bancaires ne sauraient manquer…Alors le changement vraiment social de l’Europe ? vous y croyez, vous ???????