Le 23 juin 2016, les eurosceptiques britanniques (et ceux du continent aussi) exultaient : le Royaume-Uni venait par référendum de faire le choix de quitter l’Union européenne. Boris Johnson et Nigel Farage, hérauts du Brexit, assuraient que leur pays, libéré des contraintes de « Bruxelles », reprendrait le contrôle de son destin avant d’engager, conquérant, une seconde révolution thatchérienne par des accords de libre-échange avec le reste de la planète. Rude illusion, à en juger par le contenu de l’accord sur le Brexit entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Si la Chambre des Communes devait l’approuver, le Royaume-Uni quitterait l’Union le 31 mars prochain, mais continuerait de se plier aux règles de l’Union douanière. En revanche, il ne serait plus associé à l’élaboration de ces règles. Ce serait in fine une double peine, une situation tristement ubuesque qui illustre combien le Brexit est devenu une impasse. Rien de cela n’était imprévisible au printemps 2016. Chacun savait qu’un départ de l’Union sans accord précipiterait le Royaume-Uni vers un désastre économique et social sans précédent. Et que se poserait immanquablement la question du rétablissement d’une frontière terrestre entre l’Irlande du nord et la République d’Irlande.
Tout cela pour cela, pourrait-on en conclure. C’est vrai. Au Royaume-Uni comme ailleurs, à rivaliser d’arguments démagogiques et autres mensonges éhontés à l’égard de l’Union européenne, à instrumentaliser les peurs dans une surenchère permanente, non seulement on ne résout rien, mais on rajoute de la crise à la crise. Car crise il y a bien. L’Europe inquiète. Elle est perçue comme lointaine, ne protégeant pas le citoyen, livrée à l’ultra-libéralisme et aux intérêts particuliers. Ce sentiment d’abandon, sur lequel populistes et nationalistes livrent bataille avec un certain succès, il ne faut non seulement pas l’ignorer, il faut le prendre à bras le corps. Il est réel, profond et appelle une réponse lucide de la part de tous ceux qui ont le projet européen à cœur. Se battre pour l’Europe, ce n’est pas défendre le statu quo. L’Europe n’est pas qu’un mécano institutionnel. Elle est d’abord un corps de valeurs, une volonté partagée au service d’une communauté de destins. C’est pour les Européens que l’on construit l’Europe, pas contre eux, pas sans eux non plus. Oui, l’Europe doit évoluer. Elle doit apprendre à se protéger s’il le faut. Et il le faut. Ne laissons pas la souveraineté aux souverainistes. Opposons-leur que c’est à l’échelle européenne que la souveraineté se défend le mieux.
La politique européenne de la concurrence est souvent décriée. La concurrence est nécessaire au sein du marché unique, mais elle ne saurait être une fin en soi. Il faut en parallèle une stratégie industrielle européenne résolue, qui encourage la constitution de champions européens qui puissent peser dans les secteurs critiques. Il faut une Europe alerte, attentive, réactive sur la protection de la propriété intellectuelle. Il faut une Europe à l’avant-garde de la révolution digitale et de son intégration par l’industrie. C’est sur l’innovation, la recherche, la formation, initiale comme tout au long de la vie, que se jouent nombre des combats à venir à l’échelle du monde, qu’il s’agisse des combats économiques et commerciaux ou de celui, tellement essentiel, du climat et de l’avenir de la planète. Une Europe qui se défend sera aussi celle qui saura imposer une juste taxation aux géants du numérique. Tous ces défis-là sont ceux qui attendent l’Europe aujourd’hui et dans les années à venir. Tous ont à voir avec la défense de la souveraineté européenne et la protection effective des Européens. La vraie ambition, elle est là. Elle requiert courage et convictions, présence et écoute. Il y a tant à dire, tant à faire. A nous, Européens passionnés, de réinvestir ce débat. L’avenir n’attend pas.
[author title= »Pierre-Yves Le Borgn’ » image= »https://www.sauvonsleurope.eu/wp-content/uploads/2018/12/Photo-Pierre-Yves-Le-Borgn.jpg »]Ancien député des Français de l’étranger[/author]
M. P.Y. Le Borgn’ quand vous écrivez, je cite :
« Elle est d’abord un corps de valeurs, une volonté partagée au service d’une communauté de destins. C’est pour les Européens que l’on construit l’Europe, pas contre eux, pas sans eux non plus. »
c’est bien mais c’est du ressort du voeu pieux !
Les valeurs dont vous parlez ont cédées le pas au veau d’or et nous les citoyens de l’Europe n’en entendont plus guère parler. Par contre on entend beaucoup parler du Fric, celui dont les états manquent, celui que certains planque et de dette ! Les destins ne paraissent plus très commun entre les pays (cf. taxe Gafam, lutte pour le climat…) et la volonté se fait plutôt sur un mode incantatoire pour rassurer les populations.
Vous écrivez trois fois « Il faut », vous parlez de « …défis qui attendent l’Europe aujourd’hui et dans les années à venir… », je vous réponds que cela fait belle lurette que les citoyens attendent d’être mieux protégés par une Europe qui s’unit pour résoudre ensemble ses problèmes. Je ne doute pas que vous manquiez d’ambition, de courage et de convictions, que vous sachiez être présent, écouter et débattre mais pour ma part, je vois plus le verre à moitié vide qu’à moitié plein. Il y a tant à faire et pourtant si peu est réellement fait pour améliorer nos faiblesses sur l’union. Pour vous, l’avenir n’attend peut-être pas mais sachez que l’européen convaincu que je suis, qui a vu l’essor et la transformation de l’idée européenne dans les cinquante dernières années, cet européen est las d’attendre des améliorations qui ne viennent plus le conforter dans son sentiment d’appartenir à la même communauté de destins depuis les traités de Nice puis de Lisbonne.
+1000
Le retour de Pierre-Yves Le Borgn’ sur la thématique européenne fait plaisir. Le sujet de la souveraineté est souvent tabou chez les Européens progressistes car celle-ci apparaît comme un frein à la construction européenne. Un débat de fond doit se faire sur ce sujet fondamental. Les élections européennes à venir en seraient l’écrin idéal mais qui (quel candidat, quel parti, quel mouvement) va s’aventurer sur ce terrain ?
Il faut certes mettre en valeur les éléments positifs de notre Union, sans occulter les causes profondes du désamour ambiant. Prendre la mesure de la situation, des institutions (hormis le PE) qui se discréditent et ne formulent que des propositions lénifiantes, sans impact sur les citoyens, accréditant de ce fait les thèses des nationalistes et populistes de tous poils. Avec les élections du PE en mai prochain nous sommes exposés à tous les dangers (avec un PE au mieux ingérable) A nous d’en faire celle de l’espoir, pour ce faire la campagne qui s’engage doit être en mesure de s’appuyer sur des objectifs politiques, économiques, sociales et sociétales , crédibles, comprises et partagées, à partir desquelles nous pourrons nous engager avec fermeté, courage et clairvoyance.
A ce sujet je me réjouis de l’accord de collaboration entre le PE et le CESE Européen, le 5 décembre, pour mener avec toutes les forces vives une campagne dynamique et engagée.
Pour résumer ce billet eurocrédule, on peut simplement dire que tous ces vœux pieux, qui étaient autant de promesses mensongères au départ, continuent imperturbablement à être formulés et vains, après 40 ans de construction ininterrompue et perpétuellement inachevée.
En attendant, les volontés communes des États restent divergentes, les multinationales continuent à faire leur marché dans les tissus industriels nationaux démantelés et à s’affranchir des impôts qu’elles devraient payer, pendant que nos dirigeants et fonctionnaires européens vivent dans une sinécure confortable, les peuples n’en peuvent plus d’économies et d’austérité qu’ils leur imposent, de déréglementation et de creusement du fossé entre riches et pauvres, les pays perdent lentement leur cohésion, leur culture, les particularités… leur identité.
Mais comme ils nous l’assurent toujours avec conviction, sortir de cette « union » serait une catastrophe.
En comparaison, la situation actuelle des Grecs est tout simplement idyllique.
Cette Europe actuelle n’a rien à voir avec celle que les européens désiraient, c’est l’Europe du fric où les députés se votent des augmentations honteuses, non imposables ! en ayant le culot de demander à ce que l’on se serre la ceinture ; ces personnages vont pointer pour toucher une prime et repartent aussitôt, belle mentalité ! et pourquoi une prime de présence ? lorsque l’on va au boulot on touche un salaire mais pas une prime de présence !!! le minimum lorsqu’on est rémunéré pour un travail c’est au moins de l’accomplir ………….. c’est l’Europe qui s’occupe de la taille des WC et se fiche éperdument du désarroi des paysans et de leur suicide….. Non cette Europe je ne la supporte plus, je n’en veux plus, elle me donne la nausée
Décidément, dans l’ambiance de « fake news » qui semble s’emparer de plus en plus de la vie publique, certains clichés ont la vie dure !
Affirmer que « les députés se votent des augmentations honteuses, non imposables » est une opinion, qui mérite toutefois d’être démentie au moins sur un point: celui de la fiscalité applicable à la rémunération de ces parlementaires… étant entendu par ailleurs que l’exercice de leur mandat ne procède pas de pratiques arbitraires: il est soigneusement encadré par un statut adopté en 2005 et dont le texte est publié en toute transparence au Journal officiel de l’Union européenne – en l’occurrence celui du 28 septembre 2005 (n°L 262 pour les lecteurs intéressés).
En termes peut-être abscons, Il y est notamment précisé (article 9) que l’indemnité à laquelle a droit un député européen est égale à 38,5 % du traitement de base d’un juge de la Cour de justice de l’UE… ce qui tendrait à accréditer l’idée que ces hauts magistrats bénéficient d’une rémunération plus substantielle que celle des parlementaires.
Mais le statut mentionne tout aussi expressément (article 12) que l’indemnité concernée est soumise à un IMPÔT au profit de l’UE. Sans entrer dans les détails du calcul, il résulte de l’application de ces dispositions que:
– l’indemnité d’un député européen s’élève actuellement à environ 8500 euros bruts mensuels
– après prélèvement de l’impôt et de cotisations sociales, son montant correspond à environ 6600 euros net.
Par comparaison, les chiffres correspondants pour un député ou un sénateur français sont respectivement de 7200 et 5500 euros. La rémunération « européenne » s’avère donc supérieure d’un peu moins de 20 %. On ajoutera que rien n’empêche par ailleurs l’Etat membre dont le parlementaire européen est ressortissant de prélever, pour sa part aussi,un impôt sur l’indemnité versée par l’UE, ce qui semblerait être la pratique dans quelques pays.
Quant aux autres considérations dont vous faites état, elles sont également sujettes à nuances. Que la conscience « professionnelle » de certains parlementaires puisse donner lieu à quelques doutes, c’est fort probable.. mais ce n’est pas le lot de l’ensemble de la « corporation »… et ce n’est peut-être pas l’apanage des seuls députés européens: voyez les images que la télévision nationale nous renvoie, même en simple arrière-plan, quant à la fréquentation de l’hémicycle du Palais-Bourbon lors de certaines séances !
Merci, par ailleurs, de ne pas négliger le fait que l’action parlementaire ne se réduit pas à des effets oratoires en séance plénière. Elle implique aussi – et sans doute avant tout – un sérieux travail en commissions parlementaires où se discutent préalablement les textes ensuite soumis au vote, avec, souvent, des auditions du monde économique ou de la société civile. Mon expérience personnelle de la fréquentation de ces enceintes me permet d’affirmer que l’assiduité n’est pas un vain mot.
Quant à l’Europe qui s’occupe de la taille des WC – d’autres pourraient ajouter: de la courbure des concombres – c’est l’image d’un arbre sec qui cache la forêt d’une végétation heureusement plus fructifère. Encore faut-il l’explorer en profondeur et ne pas se contenter de caricatures « people », assurément marginales.
Marc Domec
le 20 12 2018
Le découragement, et parfois le dégoût de certains peuvent se comprendre….
Mais je pense qu’il faut continuer nos efforts pour réaliser cette Union européenne, car sans elle, imaginons la joie de ses adversaires : USA, Russie, Chine…qui souhaitent notre échec pour que triomphe leur système ultra-libéral….ou illibéral, …
.Les problèmes sont à une échelle telle que seuls les grands ensembles peuvent espérer les affronter et trouver des solutions : la place de l’Homme-citoyen, l’écologie, l’environnement, les ressources financières indispensables pour la formation, le développement durable etc…etc…
Que cette fin d’année nous amène à prendre la hauteur nécessaire à la réflexion pour que l’année 2019 soit celle de la réalisation de nos idéaux de Justice et de fraternité dans un Monde plus solidaire….Acceptons l’Utopie…..en nous armant intellectuellement, moralement, culturellement, pour améliorer notre Europe, qui demeure , malgré tout, le Continent dans lequel la vie est la moins tragique et où l »être humain est le plus respecté…au delà des abus légitimement dénoncés….
Bon courage à nous toutes et tous, lecteurs de « Sauvons l’Europe » et de BONNES FETES de Fin d’ANNEE.
« …continuer nos efforts pour réaliser cette Union européenne, car sans elle, imaginons la joie de ses adversaires : USA, Russie, Chine…qui souhaitent notre échec pour que triomphe leur système ultra-libéral. »
Je ne peux pas laisser passer une telle affirmation, désolé…
Il faudrait commencer par se rappeler que « l’union » €uropéenne est d’abord une création des USA pour assurer son contrôle de l’Europe de l’Ouest, conformément aux accords de Yalta, tandis que « l’union » des Républiques socialistes s’attribuait l’Europe de l’Est.
C’est pourquoi la défense de l’UE se résume à l’OTAN.
Les USA ne sont donc pas un « adversaire » de l’UE, c’est plutôt l’UE qui est son vassal.
Par ailleurs, en quoi la Russie est-elle censée être a priori un adversaire de l’UE ?
Pourquoi pas un partenaire ?…
Où avez-vous vu que la Russie se comportait en ennemi ?
Pourquoi l’UE ne peut-elle pas avoir d’autres relations avec la Russie ?
Poser cette question, c’est y répondre : parce que l’UE est le vassal des USA.
Qui a écrit que « l’union » est un « grand marché où la concurrence est libre et non faussée » ?
Serait-ce les Américains, ce qui confirmerait son état de suzerain ?
Nos « dirigeants » européens l’ont-ils écrit eux-mêmes, en choisissant et en imposant l’ultra-libéralisme aux populations européennes ?
Dans tous les cas, comment l’UE pourrait-elle s’opposer à « leur système ultra-libéral » avec une telle déclaration préliminaire inamovible dans son traité, ce qui, au contraire, fait de l’ultra-libéralisme l’un de ses fondements ?
D’ailleurs, quels sont les « dirigeants » européens qui font tout pour conclure des « traités de libre-échange » (qu’on devrait plutôt qualifier d’escroquerie internationale en bande organisée) avec le Canada, le Japon ou les USA, malgré l’hostilité des populations (et sachant que les peuples sont toujours les grands perdants de ces « opérations ») ?
Ceci étant dit, bonnes fêtes de fin d’année à tous !
A mon tour, je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année et souhaite aussi que 2019, dont les premiers mois seront, selon toute vraisemblance, marqués par une certaine effervescence à l’approche des élections européennes du printemps, permette de poursuivre de fructueux échanges démocratiques entre nous.
Cela dit, je constate non sans satisfaction que Marc Domec rejoint un point de vue que j’avais exprimé il y a quelques mois en réponse à l’un de vos commentaires, à savoir le recensement des vrais adversaires de l’UE, avec, en première ligne, les Etats-Unis – une réalité que le comportement caricatural d’un prénommé Donald ne fait que caricaturer quasiment à l’excès.
En fait, c’est, une fois de plus, la filiation que vous établissez entre les USA et l’UE qui relève d’une construction artificielle confinant au « créationnisme » si cher à un certain courant ultra-conservateur florissant outre-Atlantique.
Que nous enseigne en effet l’Histoire ? Pour y répondre de manière imagée, on peut se référer à l’évolution de l’espèce humaine:
– au commencement, était l’ « homo erectus » – sans connotation grivoise – celui qui, au sens propre, cherche à se relever du drame de la seconde guerre mondiale… effort qui n’est pas sans conscience d’un autre danger: la présence d’un ours (que l’on peut aussi orthographier URSS) s’attaquant petit à petit aux espèces encore libres de l’Europe centrale. Quoi d’étonnant alors si, dans un réflexe de survie, l’homo erectus cherche une protection dans une caverne ouvrant vers l’Atlantique-Nord ?
– ainsi abrité, notre individu acquiert les attributs de l’ « homo faber », trouvant des ressources productives dans le charbon et l’acier – très symboliques du feu – puis découvre la dynamique des échanges au sein d’une communauté à vocation plus étendue;
– et c’est après avoir approfondi ces pratiques qu’il prend la stature de l’ « homo sapiens » cultivant, au-delà de considérations purement économiques, un ensemble de valeurs qui culminent aujourd’hui avec la promotion de la liberté, des principes démocratiques et de l’Etat de droit.
Quant au fait que « nos » dirigeants européens imposeraient l’ultra-libéralisme aux populations européennes », c’est un travers que je déplore autant que vous. Mais qui a permis à ces dirigeants d’accéder au pouvoir ? N’assiste-t-on pas depuis quelques années à des poussées électorales en faveur de ces forces conservatrices ? Le cas de la Pologne et celui de la Hongrie, qui en représentent des déviations parfois poussées à l’extrême, devraient conduire à réfléchir à ce que, parodiant Lénine, on pourrait appeler la « maladie infantile » de la démocratie.
Je me joins à vos voeux pour souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année à tous nos lecteurs.
Ce « corps de valeurs », c’est nous, si nous le voulons bien – car nous le valons bien :
par nature et culture EUROPEennes, ouvrons GRAND les YEUX,
donc les chemins humains, notre esprit et nos mains !
[…] Notre rédaction a lu l’article de l’ancien député Pierre-Yves le Borgn’ > Ne laissons pas la souveraineté aux souverainistes paru sur le site sauvons l’Europe Il y conclut notamment : “Se battre pour l’Europe, […]