Depuis des années, Sauvons l’Europe anime avec Marie-Noëlle Lienemann et Wesignit une initiative pour la taxation des géants de l’Internet.
Afin de consolider les différentes négociations sur les règles de taxation, à l’OCDE et en Europe, nous avons à deux reprises déposé des amendements qui reprennent les principes débattus à l’OCDE.
Cette année, nous avons choisi une voie un peu différente : un projet de directive est en cours de discussion à Bruxelles pour que tous les pays européens appliquent la même norme face aux GAFA. Mais ce projet s’enlise face au veto de quelques membres que l’on peut sans peine qualifier de paradis fiscaux européens.
Avec Marie-Noëlle Lienemann, nous avons déposé un amendement à la loi de finances qui incorpore directement ce projet commun en droit français, et les arguments qu’elle a développé ont fait consensus : le Sénat l’a adopté mercredi dans la nuit, sans opposition !
Pourquoi ce vote consensuel de la quasi-totalité des groupes, alors que le rapporteur et le Gouvernement s’y opposaient sans chaleur ?
Le diagnostic est partagé : les grandes entreprises de l’Internet doivent payer leurs impôts, comme tout le monde. La difficulté est d’y parvenir. Or jusqu’ici, la France qui, à force d’attendre après un consensus mondial, a refusé de se doter d’un cadre légal pour ce faire, n’y parvient pas. Le Royaume-Uni, l’Italie, ont adopté des lois sans doute imparfaites, mais qui ont permis de récupérer quelques centaines de millions d’euros. Pourquoi s’en priver ?
Le risque est effectivement que chaque Etat européen parte de son côté avec ses normes incompatibles avec le voisin. C’est pour l’éviter que nous avons repris tel quel le fond de la directive en discussion, qui fait totalement consensus entre tous les pays qui veulent avancer.
Le seul argument réellement opposé par le rapporteur, Monsieur Albéric de Montgolfier, était que ce texte serait sans grande valeur puisqu’il ne pourrait contredire les conventions fiscales signées par la France avec une grosse centaine de pays. Mais dans ce cas, à quoi bon négocier une directive à Bruxelles ? Les directives non plus ne prévalent pas sur les accords internationaux que l’on sache… La réalité est que le nouveau consensus international se construit par morceaux et que nous avons ici l’opportunité d’apporter notre pierre, à la norme standard européenne. Là encore, pourquoi s’en priver ?
Nous espérons vivement que l’accord général qui s’est rencontré au Séant se retrouvera lors de la Commission mixte paritaire. Cet amendement n’est rien d’autre que le texte défendu par le Gouvernement à Bruxelles, et ne peut que renforcer sa position de négociation. Il n’y a aucune raison que qui que ce soit, et notamment au sein de la majorité parlementaire, ne se sente libre de le soutenir.
Nous venons de relancer une pétition à ce sujet, et nous avons besoin de votre soutien !
L’amendement voté par le Sénat :
Cet amendement tend à assurer la juste contribution des géants de l’économie numérique aux charges publiques.
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 18
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 209 B du code général des impôts, il est inséré un article 209 … ainsi rédigé :
« Art. 209 … – I. – 1. Aux fins de l’impôt sur les sociétés, un établissement stable est réputé exister dès lors qu’il existe une présence numérique significative par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité.
« 2. Le 1 s’ajoute, sans y porter atteinte ni en limiter l’application, à tout autre critère conforme au droit de l’Union ou à la législation nationale permettant de déterminer l’existence d’un établissement stable dans un État membre aux fins de l’impôt sur les sociétés, que ce soit spécifiquement en relation avec la fourniture de services numériques ou autre.
« 3. Une présence numérique significative est réputée exister sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’activité exercée par son intermédiaire consiste, en tout ou en partie, en la fourniture de services numériques par l’intermédiaire d’une interface numérique, définie comme tout logiciel, y compris un site internet ou une partie de celui-ci, et toute application, y compris les applications mobiles, accessibles par les utilisateurs, et qu’une ou plusieurs des conditions suivantes sont remplies en ce qui concerne la fourniture de ces services par l’entité exerçant cette activité, considérée conjointement avec la fourniture de tels services par l’intermédiaire d’une interface numérique par chacune des entreprises associées de cette entité au niveau consolidé :
« a) La part du total des produits tirés au cours de cette période d’imposition et résultant de la fourniture de ces services numériques à des utilisateurs situés sur le territoire national au cours de cette période d’imposition est supérieure à 7 000 000 € ;
« b) Le nombre d’utilisateurs de l’un ou de plusieurs de ces services numériques qui sont situés sur le territoire national membre au cours de cette période imposable est supérieur à 100 000 ;
« c) Le nombre de contrats commerciaux pour la fourniture de tels services numériques qui sont conclus au cours de cette période d’imposition par des utilisateurs sur le territoire national est supérieur à 3 000.
« 4. En ce qui concerne l’utilisation des services numériques, un utilisateur est réputé être situé sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’utilisateur utilise un appareil sur le territoire national au cours de cette période d’imposition pour accéder à l’interface numérique par l’intermédiaire de laquelle les services numériques sont fournis. Ces derniers sont définis comme services fournis sur l’internet ou sur un réseau électronique et dont la nature rend la prestation largement automatisée, accompagnée d’une intervention humaine minimale, et impossible à assurer en l’absence de technologie de l’information.
« 5. En ce qui concerne la conclusion de contrats portant sur la fourniture de services numériques :
« a) Un contrat est considéré comme un contrat commercial si l’utilisateur conclut le contrat au cours de l’exercice d’une activité ;
« b) Un utilisateur est réputé être situé sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’utilisateur est résident aux fins de l’impôt sur les sociétés sur le territoire national au cours de cette période d’imposition ou si l’utilisateur est résident aux fins de l’impôt sur les sociétés dans un pays tiers mais dispose d’un établissement stable sur le territoire national au cours de cette période d’imposition.
« 6. L’État dans lequel l’appareil de l’utilisateur est utilisé est déterminé en fonction de l’adresse IP de l’appareil ou, si elle est plus précise, de toute autre méthode de géolocalisation.
« 7. La part du total des produits mentionnée au a du 3 est déterminée par rapport au nombre de fois où ces appareils sont utilisés au cours de cette période d’imposition par des utilisateurs situés n’importe où dans le monde pour accéder à l’interface numérique par l’intermédiaire de laquelle les services numériques sont fournis.
« II. – 1. Les bénéfices qui sont attribuables à une présence numérique significative ou au regard d’une présence numérique significative sur le territoire national sont imposables dans le cadre fiscal applicable aux entreprises.
« 2. Les bénéfices attribuables à la présence numérique significative ou au regard de la présence numérique significative sont ceux que la présence numérique aurait réalisés s’il s’était agi d’une entreprise distincte et indépendante exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues, en particulier dans ses opérations internes avec d’autres parties de l’entreprise, compte tenu des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés, par l’intermédiaire d’une interface numérique.
« 3. Aux fins du paragraphe 2, la détermination des bénéfices attribuables à la présence numérique significative ou au regard de la présence numérique significative repose sur une analyse fonctionnelle. Afin de déterminer les fonctions de la présence numérique significative et de lui attribuer la propriété économique des actifs et les risques, les activités économiquement significatives exercées par cette présence par l’intermédiaire d’une interface numérique sont prises en considération. Pour ce faire, les activités réalisées par l’entreprise par l’intermédiaire d’une interface numérique en relation avec des données ou des utilisateurs sont considérées comme des activités économiquement significatives de la présence numérique significative qui attribuent les risques et la propriété économique des actifs à cette présence.
« 4. Lors de la détermination des bénéfices attribuables conformément au 2, il est dûment tenu compte des activités économiquement significatives exercées par la présence numérique significative qui sont pertinentes pour le développement, l’amélioration, la maintenance, la protection et l’exploitation des actifs incorporels de l’entreprise.
« 5. Les activités économiquement significatives exercées par la présence numérique significative par l’intermédiaire d’une interface numérique comprennent, entre autres, les activités suivantes :
« a) La collecte, le stockage, le traitement, l’analyse, le déploiement et la vente de données au niveau de l’utilisateur ;
« b) La collecte, le stockage, le traitement et l’affichage du contenu généré par l’utilisateur ;
« c) La vente d’espaces publicitaires en ligne ;
« d) La mise à disposition de contenu créé par des tiers sur un marché numérique ;
« e) La fourniture de tout service numérique non énuméré aux a à d. Un décret en Conseil d’État peut compléter cette liste.
« 6. Pour déterminer les bénéfices attribuables au titre des 1 à 4, le contribuable utilise la méthode de partage des bénéfices, à moins que le contribuable ne prouve qu’une autre méthode fondée sur des principes acceptés au niveau international est plus adéquate eu égard aux résultats de l’analyse fonctionnelle. Les facteurs de partage peuvent inclure les dépenses engagées pour la recherche, le développement et la commercialisation, ainsi que le nombre d’utilisateurs et les données recueillies par État membre.
« III. – Les données qui peuvent être recueillies auprès des utilisateurs aux fins de l’application du présent article sont limitées aux données indiquant l’État dans lequel se trouvent les utilisateurs, sans permettre l’identification de l’utilisateur. »
II. – Lorsque le Gouvernement négocie un traité comprenant des stipulations relatives à la double imposition, il informe la Commission européenne des mesures prises afin de se conformer à la recommandation de la Commission du 21 mars 2018 relative à l’imposition des sociétés ayant une présence numérique significative.
Le texte de la pétition :
Taxer les GAFA et les multinationales ça ne peut vraiment plus attendre !
L’évasion fiscale des multinationales, c’est :
- autant de milliards qui, chaque année, manquent à l’appel pour financer l’école et l’hôpital ;
- autant de milliards qu’il faut prélever à la place sur les salariés, les petites entreprises, et à présent, les retraités.
La taxation des grandes sociétés de l’Internet est aujourd’hui enlisée aussi bien à Bruxelles qu’à l’OCDE.
Le lobby des GAFA et des multinationales croit pouvoir s’imposer, défendons l’intérêt général en leur opposant la mobilisation des citoyens !
Techniquement, les textes pour taxer les GAFA existent, mais sont laissés au placard faute de volonté et d’accord politique en Europe.
Ces textes valident à 100% l’action de Paradise Guerilla depuis plus de trois ans. Ils rendent légitimes les amendements proposés par Sauvons l’Europe et déposés au Sénat par Marie-Noëlle Lienemann en 2016 et 2017.
Les gouvernements de François Hollande et d’Emmanuel Macron ont rejeté nos amendements, pourtant adoptés par une majorité de sénateurs, au-delà des différences partisances.
Une action de la France aurait un effet levier pour toute l’Europe, alors faisons-le !
Nous déposons à nouveau un amendement pour le budget 2019 qui n’est rien d’autre que la transposition du projet bloqué à Bruxelles : soutenez-nous ! Interpellez vos députés et vos sénateurs ! Signez et faîtes signer la pétition Paradise Guerilla !
je me méfie beaucoup des taxes limitées à quelques %, telle celle-ci.
l’impôt sur le revenu de Ramadier est ainsi devenu ce que nous connaissons aujourd’hui.
Je me méfie aussi des taxes exceptionnelles et de leur propension à devenir banales.
3% sur les GAFA, puis sur telle ou telle industrie/activité.
Les GAFA doivent payer l’impôt et cette obligation doit être Européenne, pas Nationale.
L’effet de levier est une incantation.
Etant Européenne, cette taxe pourrait conserver son caractère exceptionnel, outre son %, et il ne faut pas oublier que les GAFA réalisent un faramineux chiffre d’affaires dans nos pays développés.
Je suis opposé à une taxe française, et je ne partage pas vos cris de joie.
Ce n’est pas une taxe sur le chiffre d’affaires, c’est bien la taxe normale sur les bénéfices que paye toute entreprise en France. Il y a deux directives européennes en négociation, cet amendement est issu de la seconde qui cherche à régler le problème à long terme.
Pour que l’Europe décide d’une taxe GAFA, les pays membres qui racolent les GAFA (et les autres) pour payer moins d’mpôts, doivent la voter.
Est-ce raisonnable? est-ce même possible?
Pose cette question n’est-ce pas poser la réponse?
LeMaire a annoncé une taxe GAFA en France à compter du 20190101.
Une taxe pour compenser les 4 mds (à suivre) abandonnés aux gilets jaunes?
Bon j’ai compris, au delà de la complexité des textes législatifs, que ce texte était surtout symbolique. S’il est adopté et promulgué, compte-tenu de la relative unanimité pour son adoption il n’y aura pas de recours constitutionnel mais les multinationales iront sans doute vers des tribunaux ou des instances supranationales pour le contester. Quelle chance ont elles de gagner ? Et si oui il faudra bien rappeler à ceux qui voudraient se retirer de ces instances internationales ou européennes qu’alors on est dans le rapport d’état à état, c’est à dire ici la France contre les USA et là le rapport de forces n’est pas favorable à la France.
Pas nécessairement. Les pays voisins qui ont adopté un texte législatif ont pu commencer à négocier quels centaines de millions d’impôts avec les GAFA. C’est toujours ça de pris.
Il y a ensuite une dimension de pari, effectivement, sur le fait de participer à construire un consensus rassemblant le plus de pays possibles, à défaut de l’unanimité.
Bien sûr il faut signer cette pétition de bon sens, même si elle n’augure pas forcément des changements prochains, ce qui de mon côté a été fait cette semaine.
Amazon a bien des dépôts physiques en France. Donc, au moins pour Amazon, il y a une présence stable d’un GAFA en France.
Il ne faut pas attendre la perfection des textes, il faut commencer à avancer.