« La Nouvelle-Calédonie, colonie de peuplement, bien que vouée à la bigarrure multiraciale, est probablement le dernier territoire tropical non indépendant au monde où un pays développé puisse faire émigrer ses ressortissants.
Il faut donc saisir cette chance ultime de créer un pays francophone supplémentaire. La présence française en Calédonie ne peut être menacée, sauf guerre mondiale, que par une revendication nationaliste des populations autochtones appuyées par quelques alliés éventuels dans d’autres communautés ethniques venant du Pacifique.
À court et moyen terme, l’immigration massive de citoyens français métropolitains ou originaires des départements d’outre-mer (Réunion) devrait permettre d’éviter ce danger en maintenant et en améliorant le rapport numérique des communautés.
À long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire. Il va de soi qu’on n’obtiendra aucun effet démographique à long terme sans immigration systématique de femmes et d’enfants.
Afin de corriger le déséquilibre des sexes dans la population non autochtone, il conviendrait sans doute de faire réserver des emplois aux immigrants dans les entreprises privées. Le principe idéal serait que tout emploi pouvant être occupé par une femme soit réservé aux femmes (secrétariat, commerce, mécanographie).
Sans qu’il soit besoin de textes, l’administration peut y veiller.
Les conditions sont réunies pour que la Calédonie soit dans vingt ans un petit territoire français prospère comparable au Luxembourg et représentant évidemment, dans le vide du Pacifique, bien plus que le Luxembourg en Europe.
Le succès de cette entreprise indispensable au maintien de positions françaises à l’est de Suez dépend, entre autres conditions, de notre aptitude à réussir enfin, après tant d’échecs dans notre Histoire, une opération de peuplement outre-mer. »
Lettre d’instructions du 19 juillet 1972 de Pierre Messmer, Premier ministre, à son secrétaire d’État aux DOM-TOM Xavier Deniau.
Les débats sur les maux de la Nouvelle-Calédonie font souvent appel, au-delà des énormes disparités économiques, sociales et éducatives, aux racines de la prise de possession. Cette lettre d’instructions, que l’on peut sans excès qualifier d’abjecte, illustre la vision de l’Etat du fort mouvement d’émigration vers l’île initié par la fin de la guerre d’Algérie. Elle précède de 16 ans (soit proche de la vision d’un « nouveau Luxembourg » de Pierre Messmer) le point d’orgue d’Ouvéa, qui s’inscrit donc non seulement dans une histoire immémoriale mais aussi dans une réalité politique immédiate.
Elle date de 1972, soit un an avant l’élargissement au Royaume-Uni, à l’Irlande et au Danemark. Elle intervient donc en pleine période d’expansion et de consolidation démocratique de l’Europe. A ce titre, elle nous interpelle non seulement par rapport aux valeurs humanistes qu’a toujours voulu porter la République, mais aussi par rapport aux principes fondateurs de l’Europe.
Le Président de la République vient de déclarer, en arrivant ce dimanche à Berlin : « Je suis convaincu que c’est l’Europe qui permet de défendre la démocratie, l’absence d’hégémonie sur notre continent. »
En 2018, il avait su, à Ouvéa, trouver les gestes et les paroles pour fermer les plaies.
La circulaire Messmer de 1972 reste une blessure ouverte pour le peuple Kanak qui n’a jamais été officiellement refermée, même si le préambule de l’accord de Nouméa de 1998 dit « la décolonisation est le moyen de refonder un lien social durable entre les communautés qui vivent aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie ».
Il n’appartient pas à Sauvons l’Europe de s’immiscer à 20 000 km de distance, dans les débats et les conflits qui secouent l’ensemble des communautés, au demeurant fort complexes, de la Nouvelle-Calédonie. Il ne nous appartient pas davantage d’avoir la présomption d’indiquer les voies pacifiques permettant de retrouver les chemins du dialogue et de la paix civile. Qu’il nous soit simplement permis de dire que la lettre de Messmer mérite d’être frappée d’indignité nationale et européenne.
Une lettre datant de plus de 50 ans pour jeter l’opprobe sur la population actuelle qui n’en est pas responsable… drôle d’accusation. Les allemands nés après la nazisme devraient-ils toujours en porter la faute ? On dirait bien que c’est l’option philosophique du journaliste. Méthode de culpabilisation facile pour faire taire les voix modérées, majoritaires, sur le Caillou, et exciter une partie de la population contre une autre.
Je regrette que l’auteur de l’article, dans une revue qui porte bien mal son nom, ne mentionne pas les enjeux geostrategiques que représente l’archipel de la Nouvelle-Calédonie. La Chine et l’Azerbaïdjan ont donné suffisamment de garanties à certains indépendantistes pour que le rejet de la France soit motivé par des intérêts bien inavouables.
Mais, dit-on, quand on montre la lune, l’idiot ne voit que le doigt.
L’Europe que nous défendons se doit de se détourner de toute velléité néocolonialiste qu’aucun enjeu géostratégique ne peut justifier. Cet article y contribue.
Bonjour,
Il ne s’agit pas plus ici de lancer l’opprobre sur la population actuelle que l’histoire coloniale et bagnarde initiale ne peut le faire. Il s’agit simplement de signaler que les troubles des années 80 sont la conséquence d’une politique d’Etat visant dans les années directement précédentes à rendre le peuple Kanak minoritaire sur ce territoire. Le processus de dialogue politique singulier de l’île s’est déclenché sur cette base, et il dure depuis.
Vous me permettrez de penser qu’il existe par ailleurs de votre part une certaine naïveté à pointer la Chine et l’Azerbaïdjan, comme si l’influence que ces pays peuvent rechercher était la cause d’un problème qui précède largement leurs incursions sur cette scene. Si éventuellement ils attisent les braises, ces pays ne sont pas plus les démiurges de ce mouvement que la CIA n’a causé les révolutions orange en Europe de l’Est.
Enfin vous semblez présumer une opinion de ma part sur une solution toute faite à mobiliser. Ce n’est pas le cas. La reconnaissance de ce qui a été n’a jamais été un obstacle à la recherche de solutions modérées bien au contraire. La paix avec l’Allemagne ne s’est pas constituée sur l’oubli du nazisme.
Le colonialisme s’appuie toujours sur le même argument, si ce n »est pas nous se sera d’autres pires. De Gaulle avait dit à un journaliste lui demandant s’il ne craignait pas que les soviétiques remplacent le France en Algérie : je leur souhaite bien du plaisir !
Je ne pense pas, contrairement à l’opinion du précédent commentaire, que le colonialisme soit une vertu européenne, mais plutôt une tache sur son drapeau.
Il y en a qui, quand on leur montre la lune, se retournent !
Vous avez raison, le colonialisme est une tache bien répandue et sur beaucoup de drapeaux. Je tiens à préciser que je suis contre toute forme de colonialisme, quel qu’il soit : de territoire, de peuplement, d’économie, de culture, de langue, de religion… Ce que je voulais dire, c’est que l’indépendance et l’autonomie sont des mots qui ont du sens, et que l’auteur de l’article réduisait la demande d’indépendance à l’humiliation et l’injustice vécues par les populations autochtones durant la colonisation française sur l’archipel. Je m’interrogeais sur l’intérêt de publier la lettre de Messmer alors que la population a besoin de se re-solidariser pour discuter. Pourquoi ne pas parler des enjeux et des intérêts que constitue cette île dans le Pacifique, et pour beaucoup de puissances mondiales ? Et qu’enfin ils en décident ensemble, en connaissance de cause ?
Mais il y a des lunes que certaines personnes, en effet, préfèrent dissimuler.
Si le gouvernement Macron défend des intérêts géostratégiques aussi essentiels, je ne comprends pas pourquoi il ne défend pas sa position de façon plus explicite et argumentée ?? Je n’ai rien vu ni entendu dans les médias mainstream de convainquant. Les mouvements de défense du peuple Kanaky est-il objectivement noyauté par la Chine ?? Cela est-il prouvé, documenté ?? La Chine lorgne sur le Nickel, elle n’est sûrement pas la seule, et alors ?? Ce qui est reproché au gouvernement français est son entêtement et ses méthodes (on parle de passage en force, ce n’était pas le moment de mettre en place cette réforme électorale pour protéger des intérêts économiques), tous les experts de ce territoire annonçaient les violences actuelles. il fallait maintenir autant que possible un statut quo, une situation de compromis et d’équilibre plus ou moins tacite entre les deux parties en présence. J’ai vu Darmanin dénoncer l’Azerbaïdjan avec deux photos de drapeaux isolés dans des foules de manifestants; il était ridicule. Je ne l’ai absolument pas entendu ni développer ni même brandir l’argument de Mateo fondé sur des allégations non établies, qu’il le veuille ou pas. Quid d’Attal et de Macron ?? Suis-je aveugle ou sourd ? Sont-ils autistes ?? (je ne le crois pas, ce sont des machines de communication extrêmement bien huilées, trop bien huilées…). Cette mise en crise de la Nouvelle Calédonie (intentionnelle ?) du gouvernement actuel est très très troublante, en vue de parer des menaces économiques sans tenir compte de l’histoire et des réalités de terrain, cela est en train de renforcer gravement le RN et alors on pourra reparler d’intérêts géostratégiques… On est mal barrés !
La lettre de Messmer n’est qu’une formulation d’une politique coloniale poursuivie depuis la fin de la 2ème guerre mondiale et, comme le trahissent les événements actuels, toujours en vigueur: le gouvernement français veut à tout prix conserver les eaux territoriales et garder la main sur les ressources naturelles.
Le peuple Kanaky, lui, ne veut pas se fondre dans la « civilisation occidentale » et ce pour de bonnes raisons que les « occidentaux » ne veulent pas entendre.
Bonjour.
Les luttes d’influences avec leurs compromissions ont toujours existés, les dominants d’hier et d’aujourd’hui ne sont pas forcément ceux de demain.
En le sachant, l’anticipation, la clairvoyance, la compétence et le respect de l’individu, d’où qu’il soit, devraient permettre d’atténuer les jeux mortifères auxquels se livrent certains états et grandes puissances, ce n’est pas le cas , notre gouvernement actuel donne l’impression de jeter de l’huile sur le feu, l’incompétence est omniprésente.
Nous assistons à l’accumulation de nombreux problèmes dans de très nombreux domaines, ils n’ont pas été traités dés leur apparition, nous sommes semblent ‘il au pied du mur, la note risque d’être fort salée.
Nous n’avons pas encore compris que seul nous ne sommes rien, la seule entité capable de répondre aux défis du monde actuel et de demain est l’union politique de tous les pays qui composent l’Europe, non dépendante des autres grandes puissances mondiales USA inclus
Permettez-moi de compléter les différentes informations issues tant de l’article d’Arthur Colin que des commentaires publiés à sa suite, en apportant un éclairage plus spécifiquement « européen ».
En premier lieu, la Nouvelle Calédonie, comme d’autres entités non entièrement autonomes (Polynésie française ou Saint-Pierre-et-Miquelon en regard de la France, Curaçao ou Saint-Martin vis-à-vis des Pays-Bas… et, avec un caractère moins exotique, le Groenland en prolongement du Danemark) se trouvent en position d’ « associés » par rapport à l’UE. Une telle association, qui comptait 25 « pays et territoires d’outre-mer » (PTOM) avant le Brexit, en couvre aujourd’hui 13 et est régie par la décision du Conseil (UE) 2021/1764 du 5 octobre 2021 (publiée au Journal officiel de l’UE L 355, du 7.10.2021). En plus de dispositions de nature commerciale, cette décision prévoit une aide totale de 500 millions d’euros en faveur des PTOM pour la période 2021-2027.
En second lieu, si François Mitterrand et Michel Rocard ont attaché leur nom au règlement de la crise calédonienne du milieu des années 80, on ne saurait négliger le rôle positif et central qu’a joué Edgard Pisani, nommé ministre chargé de la Nouvelle Calédonie en 1985, après avoir assumé la responsabilité de commissaire au développement au sein de la Commission européenne de 1981 à 1984: cette singulière connaissance du terrain lui a permis d’agir avec finesse et efficacité, tout en sachant pouvoir compter sur des hommes de dialogue comme Jean-Marie Tjibaou pour la communauté Kanak et Jacques Lafleur pour la communauté Caldoche. On ne pourrait en dire autant d’un personnage comme Bernard Pons, ancien ministre de l’outre-mer, qui aurait eu plutôt tendance à jeter de l’huile sur le feu.
Comment concilier les valeurs Françaises avec le cas particulier de la NC ?
Comment refuser le droit de vote à des citoyens Français habitant depuis 10 ans sur le territoire ?
Merci de m’expliquer en quoi l’Europe est concernée par la NC ?
Vous voulez rajouter des voix à l’extrême droite ??
A mon humble avis il s’agit d’un problème Français , à nous de le gérer.
…sans doute, mais à condition de ne pas ignorer « l’éclairage européen » sur lequel mon commentaire a souhaité attirer l’attention. L’ « association » spécifique des pays et territoires d’outre-mer (PTOM) à l’UE remonte à la signature du Traité instituant la CEE en 1957 et est restée dans l’ADN de l’Union, parallèlement au partenariat noué avec les Etats ACP ( Afrique, Caraïbes, Pacifique ) – souverains quant à eux et actuellement liés à l’UE par l’accord signé à Apia, capitale des Samoa, en août 2023. Comme c’est le cas avec d’autres entités géographiques, le partenariat avec les PTOM s’inscrit dans l’ensemble que constitue la politique européenne de coopération au développement.
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