Installée depuis le 1er décembre dernier, la nouvelle Commission européenne peut désormais reprendre les grands dossiers que l’Union européenne doit traiter pour cette mandature 2024-2029. Si Ursula von der Leyen n’a pas connu de réelle difficulté pour rester à la tête de la Commission pour un second mandat, le contexte politique et les défis sont bien différents d’il y a cinq ans. Alors que les suppressions d’emplois se font de plus en plus nombreuses, et que l’augmentation du coût de la vie se fait ressentir partout en Europe, les enjeux sociaux seront cruciaux pour le mandat à venir.
Un nouveau centre de gravité à droite toute
Les débuts de cette nouvelle Commission ne sont pas un long fleuve tranquille. Alors qu’Ursula von der Leyen a été la candidature « naturelle » à sa succession, le Parlement européen n’a approuvé son collège de commissaires qu’à une majorité de 54%, soit la majorité la plus faible jamais enregistrée. Après des inquiétudes sur les orientations annoncées, faisant la part belle à la compétitivité et à la dérégulation, quelques signaux positifs ont été envoyés ces dernières semaines : le titre de la commissaire Roxana Minzatu a été complété, intégrant enfin les droits sociaux et les emplois de qualité, qui n’apparaissaient pas dans son titre initial centré sur les personnes et les compétences.
Dès l’été, la Commission avait annoncé vouloir avancer rapidement, dès le premier trimestre 2023, sur l’adoption d’un Pacte sur le dialogue social, faisant suite notamment au sommet social de Val Duchesse début 2024. Ce document devrait être le premier acte d’une série de mesures, dont les contours restent à préciser.
Des priorités qui manquent encore de concret
En effet, « la boussole pour la compétitivité » – annoncée comme un plan d’action s’appuyant sur les recommandations du rapport Draghi – devrait être détaillée fin janvier. Déjà, 14 « groupes de projet » ont été annoncés au début du mois de janvier pour travailler sur les priorités transversales, dont un groupe dédié aux compétences, aux emplois et aux droits sociaux. Dans ce cadre, une feuille de route pour des emplois de qualité devrait être élaborée en lien avec les partenaires sociaux. Cependant, pour le moment, aucune annonce n’a été faite sur des initiatives législatives contraignantes… alors que les annonces de détricotage des textes durement négociés lors du dernier mandat fleurissent.
Ainsi, le reporting prévu par la CSRD ou le devoir de vigilance des multinationales pourraient bien prendre du plomb dans l’aile dès les annonces d’une nouvelle directive « Omnibus » fin février, sacrifiés sur l’autel de la compétitivité, qui ne semble pas pouvoir s’envisager autrement que par une dérégulation qui peine à dire son nom.
Parmi les urgences identifiées par le mouvement syndical européen : une directive sur le télétravail et le droit à la déconnexion, alors que le dialogue social sur le sujet avait échoué lors du dernier mandat. Ou encore une directive visant à prévenir les risques psychosociaux, angles morts de l’organisation du travail que les textes actuels ne permettent pas de couvrir. Par ailleurs, pour que les emplois industriels ne soient pas qu’un souvenir d’ici quelques années, il est urgent que des mesures permettant la transformation des emplois, des compétences et l’accompagnement social soient imposées et financées. Cela ne semble pas possible sans une directive sur la transition juste, et un mécanisme permettant d’investir au moins 2% du PIB européen par an.
Risque de panne pour l’Europe sociale
Alors que la mise en œuvre du Socle européen des droits sociaux, adopté en 2017 et complété par un plan d’action à Porto en 2021, est toujours annoncée comme une priorité dans les lettres de mission comme dans les feuilles de route des groupes de travail, nul doute que l’austérité, la rupture du cordon sanitaire au Parlement européen, et la pression électorale pour une politique migratoire appréhendée uniquement sous un angle sécuritaire pourraient avoir raison des avancées sociales dans les mois à venir.
Bien du blabla pour pas grand chose… La détestée corrompue incompétente Ursula est reconduite avec son équipe de sangsues, donc les priorités sont : guerre à la Russie par tous les moyens y compris au prix du sabordage de l’Europe. Je disais que L’UNE imite de plus en plus l’URSS, en réalité c’est à une grosse Ukraine qu’elle commence à ressembler. « L’autodestruction ? Pourquoi pas, si ça emmerde les Russes ! »
Quelle que puisse être ma légendaire naïveté, je me suis posé la question de savoir s’il n’y avait pas erreur d’identité sur le patronyme: les propos que vous signez relèveraient en effet davantage de Trump que de Clinton.
Il en effet désarmant de constater qu’en s’acharnant à enfoncer un clou on se tape parfois sur les doigts … et notamment sur celui que certains s’obstinent à regarder alors qu’ on les invite à contempler la clarté de la lune.
Je pense que les europhiles béats qui attendent ne fut-ce qu’un début de commencement d’action sociale de la part de la Commission se fourvoient complètement. NB : savez-vous que le Commissaire belge sortant, Didier Reynders est poursuivi pour blanchiment d’argent pour environ 1 million d’Euros ?
Je pense que nous sommes actuellement à un virage politique important. Depuis des décennies le chemin était celui de la mondialisation dans le but développer les pays pauvres sans changer trop l’équilibre des pays développés. Dans la réalité, la mondialisation a fortement dégradé l’économie des pays de l’OCDE, désindustrialisation, déséquilibre des balances commerciales, dettes en constante augmentation, inflation, appauvrissement de la classe moyenne et du monde ouvrier. Et alors que la politique s’orientait plutôt vers plus de règlementations, notamment écologique, sociale et sociétale, la population, elle, était de plus en plus soucieuse de son pouvoir d’achat qui était mis à mal et cela ne semblait pas beaucoup inquiéter les élites, et ce, malgré les gilets jaunes, les agriculteurs, les diverses grèves, …
De quoi énerver la population qui voit de plus en plus dans le vote extrême la seule issue.
(Et quand je dis extrême, je ne pense pas à ceux qui en France, souhaite un développement supplémentaire des services publics, déjà très coûteux sans être plus efficace qu’ailleurs. La aussi, une profonde réorganisation s’impose afin de dégager des moyens pour les unités opérationnelles de terrain que sont l’enseignement, la recherche, le personnel médical dans les territoires, la justice et la sécurité)
C’est un virage difficile avec comme priorité le développement économique de l’Europe pris dans l’étau Trump – Xi Jinping, mais il me parait essentiel de bien le négocier, le fossé n’est pas loin.
Ah bon ? La mondialisation avait pour but le développement des pays pauvres ? Au temps béni des (neo)colonies alors !
Bonjour.
De fortes attentes sociales dans une Europe désuni, je crois rêvé, comme le souligne précédemment un commentateur, du blablabla.
Inutile de faire d’autres commentaires pour éviter de me répéter.
Merci à Chloé Bourguignon pour ce judicieux « état des lieux » concernant la laborieuse édification d’une Europe sociale, avec ses timides avancées… mais aussi le « sur place » pour lequel l’UE est souvent stigmatisée.
A cet exposé, je souhaiterais ajouter quelques considérations qui peuvent avoir leur part dans la thématique ainsi abordée. A commencer par le constat que la politique sociale se rattache à la catégorie des « compétences partagées » entre l’Union et ses Etats membres – et encore dans des domaines limitativement énumérés dans le traité de Lisbonne, tels que l’emploi, la protection sociale ou l’égalité entre les hommes et les femmes. D’un certain point de vue, il s’agit d’une illustration du fameux « principe de subsidiarité », en vertu duquel, en l’occurrence, l’essentiel de la politique sociale relève de la compétence des Etats membres.
Cela ne signifie pas nécessairement qu’un tel « domaine réservé » exclue tout effort d’harmonisation pour atténuer des inconvénients susceptibles de résulter de la diversité des systèmes sociaux au sein de l’Union. Les « sommets » sociaux évoqués dans l’article témoignent d’une certaine prise de conscience à cet égard. Celle-ci a d’abord culminé sous l’égide du Conseil de l’Europe (un cadre plus large que l’UE) avec l’adoption, dès 1961, d’une « Charte sociale européenne » et a pris un accent spécifiquement « UE » en 1989 avec celle d’une « Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ». Du reste, une référence aux deux chartes figure expressément à l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’UE, article liminaire d’une série de dispositions consacrées à la politique sociale.
On ajoutera que, sur le plan historique, des considérations sociales plus affirmées ont été mises en valeur dans le cadre de la première « Communauté européenne », celle du charbon et de l’acier (CECA). Il convenait en effet, au début des années 50, de porter une certaine attention à la situation des mineurs et des sidérurgistes, chevilles ouvrières de la reconstruction européenne de l’après-guerre. Comme je l’ai mentionné dans plusieurs commentaires antérieurs, ce volet social a notamment permis le financement de la construction de maisons ouvrières par des fonds de la CECA.
Avec le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne (CEE) en 1957, l’optique a quelque peu évolué. Si des dispositions sociales y ont été insérées, comme en témoigne, par exemple, la création du Fonds social européen, on peut se demander si celles-ci ne répondaient pas prioritairement à un souci d ’«accompagnement» de la mise en œuvre d’un « marché commun » à vocation éminemment commerciale : la question vaut notamment pour le dispositif régissant la libre circulation des travailleurs.
Bref, un modeste « retour aux sources » ne serait-il pas un utile sujet de réflexion – voire de méditation- pour la nouvelle Commission européenne ?