On peut réussir sans populisme

Ce titre est emprunté au journal De Standaard, parlant de l’intervention d’Angela Merkel du 13 décembre dernier au congrès de son parti, la CDU : sa ligne politique d’accueil des réfugiés en Allemagne, le chiffre d’un million serait atteint pour 2015, y a en effet été très largement approuvée, alors que nombre de réticences s’étaient avant manifestées parmi des adhérents. Même si celles-ci ne s’effaceront pas par enchantement, cela démontre que le courage et la sincérité en politique conduisent à des résultats. Quand des dirigeants ne craignent pas d’afficher leurs convictions, quand celles-ci s’appuient sur les valeurs humanistes, fondatrices de la « vieille Europe », pourquoi bouderait-on notre plaisir ? Quand des dirigeants usent, à bon escient, de leur pouvoir pour convaincre des élus et des opinions publiques, pourquoi faire la fine bouche ? Comment ne pas opposer de telles attitudes à d’autres qui craignent d’affronter des opinions hésitantes et ne savent pas s’appuyer sur ce qu’il y a de positif chez un grand nombre de citoyens ?

La réussite dans une politique publique progressiste tient à la rencontre entre une société disponible et des responsables politiques à la hauteur des événements. En Allemagne, Angela Merkel bien sûr, mais également d’autres responsables, du SPD, de la CDU et plus encore chez les Verts (Grünen), ont l’intelligence de s’appuyer sur une société civile déjà engagée, avant le pic de 2015, dans l’accueil des réfugiés. Ne pouvons-nous pas qualifier tous ces bénévoles, sans qui cet immense mouvement d’accueil serait impossible, « d’indignés européens » ? Ils refusent l’indifférence, agissent au quotidien et ne se satisfont pas de belles paroles. Ils constituent sans doute la force décisive d’entraînement de la société allemande et peut-être européenne. C’est en grande partie grâce à eux que leur gouvernement maintient l’ouverture des frontières. Les exemples d’initiatives positives sont multiples, j’en citerai une que vient de me raconter dans le Thalys une étudiante Erasmus française : ses collègues étudiants de Bochum arborent dans les transports en commun des badges pour proposer aux réfugiés un accompagnement jusqu’à la destination recherchée. La Région (Land de NRW) prend à sa charge le voyage du réfugié ainsi accompagné. De nombreux étudiants offrent également des cours d’allemand… Pour être complet il faut souligner l’énorme effort financier des Länder (17 milliards d’euros prévus pour 2016), l’engagement des communes dans la réalisation d’équipements, de logements et la création d’emplois publics d’enseignants et de travailleurs sociaux et enfin le rôle des grands médias. Toute l’année 2015 nous avons pu voir sur les chaînes TV publiques, chaque semaine, des émissions de témoignage, récit, débat, etc… qui ne sont pas sans rappeler les multiples programmes pédagogiques sur le passé du 3ème Reich.

Un autre concept progressiste, popularisé par Habermas dans les années 90, le post-nationalisme, a été rappelé par le journal La Süd Deustch Zeitung, à propos du même discours d’Angela Merkel et du moment historique qui se joue pour l’Europe. Comment gérer le pluralisme culturel sinon par l’intégration civique, économique et sociale, permettant de dépasser les nations, à la fois réalités incontournables et fruits de contingences historiques ? L’Europe ne s’est-elle pas construite par un dépassement assumé de ses cadres nationaux, pour conjurer les conflits du passé si dévastateurs ? L’arrivée en nombre des réfugiés la place une nouvelle fois à la croisée des chemins. Nous devons avec force combattre les replis nationalistes et essentialistes, illustrées par les initiatives dangereuses de fermeture des frontières au sein de l’UE, sources de tension et déstabilisation, dans l’Est européen notamment. Entendons-nous bien, les Etats nations ont leur importance comme première étape du vivre ensemble, mais faut-il s’y arrêter ? Nous avons sorti avec fierté le drapeau tricolore, s’agissant d’honorer les victimes du terrorisme à Paris, pour proclamer haut et fort les valeurs de liberté, égalité, fraternité de la République française, parce que ces valeurs dépassent le cadre national hexagonal.

Ebranlée par les attentats, la montée du populisme, une crise économique et un chômage de masse qui s’éternisent, la vie politique en France peine à se hisser à la hauteur des enjeux. Beaucoup d’observateurs ont noté le contraste des situations respectives dans le couple franco-allemand. Formulons le vœu et agissons pour qu’en 2016, nous trouvions, en France et en Europe, une voie de progrès qui ne se limite pas au repli sécuritaire, à des paroles guerrières ou à cette incompréhensible idée de déchéance de nationalité. En France et en Europe engageons résolument en 2016 le combat politique euro-progressiste, fidèles à nos valeurs de démocratie, d’accueil et de solidarité avec les peuples meurtris par les guerres.

 

Guy Morvan

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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7 Commentaires

  1. « La réussite dans une politique publique progressiste tient à la
    rencontre entre une société disponible et des responsables politiques à
    la hauteur des événements. »

    Voilà une définition bien étrange Guy Morvan!
    Une « politique progressiste » (définition un peu floue) serait donc l’adéquation d’une « société disponible » (toujours flou) et de « responsables à la hauteur de l’événement » (dans quel sens la hauteur?)

    Merkel a changé de discours, peut-être aussi d’avis, suivant une société dont la disposition semble aussi avoir changé.

    En fait, au lieu de tordre les mots et les concepts pour démontrer votre propre credo, Guy Morvan, vous gagneriez à vous demander le rôle d’un Homme d’Etat pour des sujets sociétaux d’intérêt commun.

    Un Homme d’Etat doit-il suivre l’opinion publique majoritaire de la « société disponible », ou est-ce dans son rôle d’initier des réformes et modifications, après en avoir reçu le mandat par le peuple souverain?

    Giscard a fait l’IVG et la majorité à 18 ans, sans en avoir développé largement les idées lors de sa campagne. La majorité de la « société disponible » était contre.

    Mitterand a mis fin à la peine de mort, promesse faite et développée, alors que « la

  2. « La réussite dans une politique publique progressiste tient à la
    rencontre entre une société disponible et des responsables politiques à
    la hauteur des événements. »

    Voilà une définition bien étrange Guy Morvan!
    Une
    « politique progressiste » (définition un peu floue) serait donc
    l’adéquation d’une « société disponible » (toujours flou) et de
    « responsables à la hauteur de l’événement » (dans quel sens la hauteur?)

    Merkel a changé de discours, peut-être aussi d’avis, suivant une société dont la disposition semble aussi avoir changé.

    En
    fait, au lieu de tordre les mots et les concepts pour démontrer votre
    propre credo, Guy Morvan, vous gagneriez à vous demander le rôle d’un
    Homme d’Etat pour des sujets sociétaux d’intérêt commun.

    Un Homme
    d’Etat doit-il suivre l’opinion publique majoritaire de la « société
    disponible », ou est-ce dans son rôle d’initier des réformes et
    modifications, après en avoir reçu le mandat par le peuple souverain?

    Giscard
    a fait l’IVG et la majorité à 18 ans, sans en avoir développé largement
    les idées lors de sa campagne. La majorité de la « société disponible »
    était contre.

    Mitterand a mis fin à la peine de mort, promesse faite et développée, alors que « la société disponible » était contre.

    Ces deux dirigeants sont-ils bien conformes à votre idée étroite du progrès?

    En Europe nous manquons de tels dirigeants et les décisions inter-gouvernementales sont prises par de petits comptables électoraux, qui adhéreraient certainement à ce corpus d’idées réduit.

    • En l’occurrence, il ne s’agit pas d’opinion pour ou contre, mais d’initiatives citoyennes où des gens agissent concrètement en payant de leur personne, pour sortir des impasses dans lesquelles se trouve notre société individualiste et consumériste. Les hommes politiques devraient être à l’écoute de toutes ces actions alternatives, au lieu de rester enfermés dans leurs attitudes idéologiques et de conquête ou de conservation du pouvoir. C’est de la base que viennent les idées réellement neuves qui font défaut aux partis.

  3. Une politique progressiste me semble être une politique qui soit porteuse de progrès POUR TOUS.
    Après deux conflits mondiaux et l’utilisation d’armes de destruction massive dites de dissuasion, les gouvernements ont proclamé la déclaration universelle des droits humains.
    Mais il reste à appliquer concrètement l’égalité en droits de tous les êtres humains dans l’espace et le temps.
    Constater qu’au dessus des nations il existe quelque chose de plus universel et en sans cesse évolution, je veux parler de l’humanité.
    Une politique progressiste est une politique qui fait progresser cette humanité
    dans la paix et la fraternité.
    La construction Européenne représentait une étape pour dépasser les cadres nationaux. Hélas cela a coïncidé avec l’idée de consommation et d’une loi du marché qui créerait des équilibres. Or l’humain n’est pas une marchandise et le fait que cette loi précise une offre non limitée et une demande solvable. Dans les faits les offres sont limitée d’une part car les ressources planétaires ont une limite et que la concurrence conduit à la compétitivité laquelle conduit à l’exclusion des plus faibles. Quand à la solvabilité elle a été réduite par le chômage et la pression exercée sur les salaires avec la menaces du chômage.
    Il est urgent de palier à cette mise en concurrence des personnes et des nations dans la recherche et la construction de nouvelles manières de vivre ensemble chacun reconnaissant le droit d’existence à tous et à préserver notre environnement ainsi que les ressources de la planète.
    Les migrations ont toujours existé, il reste à les humaniser et cela passe par l’accueil et surtout la prise en compte du fait que nul n’est responsable de ses origines, mais nous sommes tous responsables de nos actes et plus particulièrement vis à vis de nos successeurs et de l’état dans lequel nous leur laissons notre planète.

  4. Eh bien, un texte où l’aveuglement, le dogmatisme, le « politiquement correct » et l’idéologie s’allient conformément au discours de la propagande ressassé à l’envi dans tous nos médias « alignés » pour nous convaincre de faire le contraire de ce que le bon sens, la lucidité, l’histoire de notre pays, la simple sociologie et les faits nous imposeraient.
    Une kyrielle, un véritable inventaire de tous les éléments de langage de la rhétorique du libéralisme, du mondialisme, de la « globalisation », du brassage des populations, du refus des identités, des crispations confessionnelles, de l’anonymisation des populations, de la négations des cultures, des valeurs historiques, des coutumes ancestrales, du retour aux communautés, de la bienveillance avec le communautarisme, de l’invocation des « grands sentiments », « d’unité », « d’ouverture aux autres », de « refus de la différence », du « Ouvrez grandes vos portes, les étrangers sont ici chez eux ! »
    Et, en effet, toutes ces formules, toutes ces justifications qu’on nous ressert en permanence sont immanquablement contredites par les faits, les résultats, les conséquences. Tous ces « donneurs de leçons » ne disent jamais au bénéfice de qui sont promues ces « nouvelles » orientations… Les décennies écoulées nous en donnent pourtant la réponse : au détriment des populations et au bénéfice du business, des multinationales, de la finance et des banques, qui n’embauchent, ni ne payent les salariés, maintenant mis en concurrence.
    Pendant ces décennies, on a usé l’argument « c’est la crise ! » jusqu’à la corde, en oubliant opportunément que la crise a toujours été pour les populations, qui se sont appauvries, connaissent la « compétitivité » et la précarité, mais jamais pour la minorité des très riches qui n’ont PAS cessé de s’enrichir sur la même période.
    Ce qui est extraordinaire avec ça, c’est que, même si confusément les citoyens ont le sentiment de faire fausse route, d’être trompés, d’être « orientés », ils ont le réflexe pavlovien de vite faire taire ces tiraillements, de peur de tomber dans et d’être accusés de… « populisme ».
    De la même façon que, lorsqu’on évoque certaines opérations ou manœuvres de l’administration américaine dans le monde, on se sent vite comme atteints d’un accès brutal de… « complotisme ».
    Et tant pis si complots il y a ou il y a eu, autant le nier vite pour ne pas se retrouver affublé de ce sobriquet infamant et si commode (inventé par la CIA dans les années soixante pour faire taire les rumeurs insistantes concernant l’assassinat de J-F Kennedy).
    Je ne m’étendrai pas sur tous les non-dits de ce texte : pourquoi ces migrants, pourquoi vers « l’Union » €uropéenne, pourquoi les dirigeants allemands voient-ils d’un bon œil l’arrivée de ces populations, ce mensonge de « l’intégration », celui des États-nations responsables des guerres, quand celles-ci ont été déclenchées par cette même oligarchie (complotisme !)…
    Majoritairement, les populations sont toujours hostiles aux conflits, mais on sait comment les faire changer d’avis.
    On privilégie le mensonge qui rassure à la vérité qui dérange.
    Voilà à quoi ressemblent les « débats » aujourd’hui.
    Un mot encore : même si nous étions très nombreux à nous dire « Je suis Charlie » et on défend la « liberté d’expression », je ne serai pas surpris le moins du monde que mon commentaire soit refusé, au motif d’être trop polémique.

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