Un article publié récemment par Arthur posait des questions et des inquiétudes sur la politique monétaire :
Il était rappelé qu’en cas d’inflation importée, il fallait juste ne rien faire. « Une fois que les prix mondiaux de l’énergie et du transport ont atteint leur nouveau niveau, et il n’y a pas de raison qu’ils montent jusqu’au ciel de manière durable, les prix cessent d’augmenter. ».
Lorsque l’inflation est endogène (boucle prix-salaire), il faut en revanche créer la récession si l’on veut lutter contre l’inflation.
La BCE a fait le choix de commencer à augmenter ses taux et annonce de nouvelles augmentations, vraisemblablement en raison d’un débat interne parmi le directoire de la BCE, de pressions d’Etat-membres à inflation très forte et aussi pour répondre à l’un de ces objectifs principaux (l’absence d’inflation). L’article d’Arthur arrivait à la conclusion suivante : « Prenons garde tout de même à ce que le maniement ne soit pas trop vigoureux et que l’économie européenne ne le prenne pas sur le pied. ».
Or, très récemment, les messages inquiétants sur le choix de la politique monétaire de préférer la lutte contre l’inflation à celle sur l’emploi ou d’autres considérations s’accumulent. Patrick Arthus, dont la lecture est souvent intéressante, rappelle dans les Echos que « pour faire baisser l’inflation, il faut faire monter le chômage ». Plus officiellement, et même si la situation économique aux USA n’est pas tout à fait comparable, c’est le président Fed, qui indique que « Nous pensons que pour faire baisser l’inflation, il faudra un ralentissement du marché du travail et une croissance sous le potentiel ».
Il est nécessaire de rappeler le contexte, ou les enjeux, dans lequel aurait lieu une telle hausse des taux d’intérêt.
Le premier contexte est celui de la transition écologique. Le verdissement de la politique monétaire est récent et il est nécessaire de saluer celui-ci.
Il est, à ce stade insuffisant, même sans modifier le mandat de la BCE. Selon Jézabel Couppey-Soubeyran, de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, « l’usage des critères climatiques dans la fixation des conditions de refinancement (prix, volumes) serait tout à fait compatible avec le mandat de la BCE ». Par exemple, et sans être exhaustif, l’auteure signale que certains changements ne seront mis en œuvre que tardivement. C’est le cas pour la limitation des actifs à empreinte carbone élevée (seulement fin 2024). Le verdissement des opérations ciblées de refinancement de long terme (targeted longer-term refinancing operations, TLTRO) serait également nécessaire. Positive Money a d’ailleurs fait des propositions complémentaires sur le sujet.
Une hausse des taux d’intérêt sans une politique monétaire verte va augmenter le coût des investissements dans la transition, pouvant réduire la rentabilité de certains d’entre eux et compromettre leur réalisation.
Autre contexte, la crise de l’énergie a des impacts très importants sur les dépenses publiques. Est-ce le moment d’appliquer une hausse des taux d’intérêt avec son impact sur les dépenses d’intérêt général des États ? Sans une solidarité suffisante envers les Etats-membres et les collectivités locales les plus fragiles (et donc au vu du nain budgétaire actuel qu’est l’UE), une telle hausse d’intérêt serait une erreur. Les propositions évoquées sur les fonds structurels européens sur notre site par Nathalie Sarrabezolles sont, par exemple, une piste nécessaire.
Sans verdissement réel de la politique monétaire et sans une solidarité suffisante au niveau européen, la hausse des taux d’intérêts et une politique monétaire restrictive seraient, non seulement, une erreur économique, mais également une faute pour le climat en augmentant le coût des investissements et un danger pour la cohésion sociale en limitant la marge de manœuvre pour les Etats et les collectivités locales.
Bravo, Benoit !
Enfin un peu de bon sens. Mais ne serait-il pas plus efficace d’utiliser des mots simples, et plutôt que « faire savant » en parlant d’inflation endogène, de distinguer la variation des prix à la hausse, qui signale les insuffisances de l’offre à défaut de pouvoir les corriger, de l’inflation, la vraie, dont le facteur essentiel est une défiance dans la monnaie, d’où la fameuse boucle prix-salaires ? On n’a jamais rien gagné à crier « au loup » quand il n’y a pas de loup.
L’Europe s’est dotée d’une direction de la BCE indépendante du pouvoir politique avec un mandat public de 8 ans. Pourquoi ? Ne faudrait-il pas instaurer un contrôle démocratique de la part du Parlement européen qui pourrait la révoquer en cas de politique néfaste pour l’intérêt commun.. En effet, cette indépendance politique ne signifie pas une indépendance vis-à-vis du monde de la finance qui n’hésite pas à utiliser tous les moyens (y compris non démocratiques : copinage, corruption, lobbying, etc.) pour faire entendre ses intérêts. Car poser la question de savoir à qui profite une montée du taux de l’intérêt de l’argent est y répondre : les détenteurs de capitaux, ceux-là-mêmes qui profitent de la crise énergétique (élément moteur de l’inflation) pour se constituer des profits considérables.
Un bon article puisqu’ il décrit bien les défis à aborder. Les reponses sont politques et l n’y a le moindre doute de qu’ elles suivront le credo du neoliberalisme; inflation zéro, cohesion sociale zéro aussi.