Présidentielles et Europe: Moscovici

Nous entamons ici un parcours régulier des candidats à la présidentielle, de manière à faire apparaître leurs positions sur l’Europe. Pierre Moscovici ouvre ici le bal à la suite du texte qu’il a adressé aux socialistes (que vous trouverez ici dans son intégralité), et dont nous reproduisons ci-dessous les développements importants relatifs à l’Europe:

L’ambition de l’Europe

De tous temps, notre famille politique a porté haut l’idéal européen. Par conviction humaniste bien sûr, forgée au lendemain du plus meurtrier des conflits, mais aussi par pragmatisme économique : dans un monde interconnecté, mondialisé, nous ne serons rien sans l’Europe.

Celle-ci est aujourd’hui au milieu du gué : elle n’a jamais parue aussi loin des Européens. Trop loin, trop bureaucrate, trop diverse, trop libérale… elle cristallise le ressentiment des citoyens et les discours populistes. Dans ce contexte de turbulences et de doutes, l’explosion de l’union monétaire, dramatique si elle advenait, pourrait sonner le glas du plus beau projet politique que nous ont légué nos aînés. Les socialistes, dans ces conditions, doivent choisir leur camp.

Nous souhaitons que ce soit celui d’un internationalisme assumé, qui place au cœur de son projet l’idéal européen. L’Union européenne, bien sûr, ne peut être celle que nous propose la droite. Elle ne peut être celle du pacte de compétitivité et du moins-disant social. Elle ne peut être celle qui étouffe ses propres membres (la Grèce, le Portugal,…) quand le FMI, sous l’impulsion de Dominique Strauss-Kahn, tenait enfin un discours progressiste et keynésien et offrait à des pays européens des prêts à des taux inférieurs à ceux proposés par les autres pays européens – nous craignons au demeurant que ce ne soit plus le cas à l’avenir. Mais nous aurions tort, à l’inverse, de baisser les bras, de donner de la voix avec ceux qui, à gauche, assurent que la complexité des choses est une impasse, que la seule issue possible réside dans la renonciation à l’idéal européen et en premier lieu à la monnaie commune.

L’Europe que nous appelons de nos vœux ne doit pas refaire les erreurs qui ont conduit aujourd’hui la zone euro au bord de l’implosion. Nous devons montrer qu’avec une autre couleur politique et un effort de démocratisation, une autre Europe est possible, avec l’euro pour monnaie. Là est l’urgence : c’est une condition sine qua non d’un renouveau démocratique de notre continent. Nous devrons plaider pour une nouvelle gouvernance économique de l’Europe, à l’encontre de l’idéologie libérale qui a prévalu jusqu’ici. C’est le sens d’un budget réellement européen, assis sur des ressources pérennes qui permettront des transferts massifs en direction des pays qui doivent réorienter leurs choix économiques pour sortir de la spirale de l’endettement. C’est également celui d’une plus grande harmonisation des normes sociales, fiscales, environnementales, contrepartie naturelle du marché et de la monnaie unique. Nous devrons plaider enfin pour que la BCE prenne en compte de réels objectifs de change, pour redonner des marges aux entreprises européennes. La norme du « zéro inflation » est une norme imposée par des économies de rente vieillissantes, protégeant abusivement les revenus du capital des générations du baby-boom. L’Union européenne doit se faire pour les générations futures, pour les jeunes, avec des choix économiques allant clairement dans ce sens.

Cette convergence des politiques économiques devra avoir un visage : celui du Ministre des finances de l’Union européenne que nous appelons de nos vœux.

Portons, en 2012, le projet d’une véritable relance européenne, à la fois économique, sociale et politique. Le dépassement de la contradiction entre fédéralisme et nation ne peut plus passer par une complexité institutionnelle toujours accrue : une telle approche, dont les peuples ne sont pas dupes, risque de dissoudre la légitimité démocratique de la construction européenne.

Défendons enfin, une vision politique et démocratique de l’Europe, qui dépasse les cadres historiques et religieux. Le printemps des révolutions arabes doit nous conduire à nous interroger sur ce qui fait la chair de l’idéal européen, nous inciter à penser ce projet politique à long terme avec le pourtour méditerranéen. C’est une ambition audacieuse, alors même que la question turque cristallise les difficultés. Mais notre conviction est que l’Europe se meurt de sa technocratie et de son pragmatisme. Il nous faut lui redonner une perspective démocratique, prendre à rebours le discours sur les peurs que tient la droite.

Contre le repli protectionniste, inefficace et hors d’âge de l’extrême droite, défendons une Europe pragmatique et soucieuse de sa compétitivité. Contre le protectionnisme, faisons le choix de la réciprocité : l’Europe n’a pas à être plus libre-échangiste, moins protectrice de ses intérêts que les autres grandes puissances. Elle doit au contraire affirmer son idéal d’ouverture et d’internationalisme, sans que cette posture ne nuise aux intérêts fondamentaux des citoyens, des entreprises et des emplois.

Ne soyons pas Européens à moitié : nous le paierions très cher, du prix de l’impuissance donc de l’échec. Ne soyons pas, non plus, Européens par défaut : l’avenir de la gauche, des idées qu’elle défend, est dans l’Europe. Soyons joyeusement et totalement Européens!

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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2 Commentaires

  1. Je vous conseille de relire les voeux du PS en 1979, ça n’a pas bougé d’une ligne dans le texte, et dans la réalité des faits non plus.

    Merci monsieur Moscovici d’entretenir chez nous l’illusion qu’un jour nous aurons une Europe sociale, plus sociale que ce qu’était la France avant le ravage des directives et règlements communautaires. Merci d’entretenir le mythe d’une Europe qui deviendrait démocratique par magie, alors qu’elle ne l’a jamais été depuis 1957.

    Personnellement, je n’y crois plus.

    Et si vous êtes « totalement Européen », c’est que vous n’êtes plus du tout Français, dans ce cas là, pourquoi voter pour vous ? 😉

    Cordialement,

    • Par définition, ce qui n’a pas été démocratique ne peut pas le redevenir. Par contre ça peut le devenir, pourquoi pas? Il y’a des élections européennes, si les citoyens donnaient un mandat à peu près clair à leurs députés au lieu de faire un sondage d’opinion de leurs gouvernants nationaux, pas mal de choses bougeraient déjà de ce côté là. Quand à totalement truc ou bidule, c’est un faux débat. Je suis totalement parisien, ça ne m’empêche pas d’être français et européen et citoyen du monde.

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