Pendant 5 ans, pour l’un comme blogger, pour l’autre comme député, pour l’un comme Allemand, pour l’autre comme Français, nous avons uni nos efforts pour faire vivre, valoriser, profiler, enchanter la relation entre la France et l’Allemagne. Nous y avons mis notre cœur, nos convictions, notre passion, nos histoires familiales respectives, tout à la fois profondes et tragiques. Nous l’avons fait pour les centaines de milliers de personnes en France, en Allemagne et ailleurs dans le monde qui sont et qui se disent franco-allemandes, enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants d’une paix reconstruite par le droit après une guerre terrible. Nous l’avons fait aussi pour l’Europe, tant l’aventure de l’intégration européenne dépend de la volonté de la France et de l’Allemagne d’agir ensemble, sans exclusive, avec l’énergie d’inventer l’avenir partagé, prospère et paisible de notre continent. Nous tenons plus que tout au lien entre nos deux pays, au point d’y avoir attaché une vie d’engagement public.
C’est à ce titre que nous avons choisi d’écrire à quatre mains cette tribune. La situation en France à quelques jours du second tour des élections législatives nous préoccupe profondément. La relation entre la France et l’Allemagne est désespérément absente de tous les débats et de tous les projets des formations politiques depuis la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin. Cet état de fait nous laisse sans voix. C’est comme si cette relation n’existait plus ou comme si, à l’inverse, elle était présumée acquise. Rien de cela n’est juste. Passer par pertes et profits la relation entre la France et l’Allemagne est une lourde faute politique, économique, commerciale, humaine et morale. Nos deux pays, nos deux économies, nos deux peuples ont besoin l’un de l’autre. Nous ne pouvons accepter ce silence, derrière lequel nous redoutons de voir se tapir l’indifférence, la défiance, le rejet du partenaire. La relation entre la France et l’Allemagne se nourrit constamment de projets. Elle ne peut ni ne doit être laissée en jachère.
Nous sommes convaincus que l’outrance et l’extrémisme sont une plaie pour le débat public et l’action politique. La discrimination des binationaux annoncée par Jordan Bardella s’il venait à diriger le gouvernement français nous révulse. Il ne peut y avoir de citoyens plus égaux que d’autres. La binationalité ne doit aucunement conduire à une citoyenneté au rabais, avec de moindres droits et le soupçon insidieux de la déloyauté. C’est indigne et cela défie ce que nous vivons et nous connaissons de la binationalité. Mais nous sommes choqués également par la germanophobie récurrente de Jean-Luc Mélenchon et de la France Insoumise, documentée par un livre (Le hareng de Bismarck – 2015) et des saillies médiatiques consternantes. Nous aurions attendu des dirigeants des partis politiques alliés de la France Insoumise dans le Nouveau Front Populaire un plus grand courage pour affirmer la vocation stratégique et incontournable de la relation entre la France et l’Allemagne. Cette faiblesse d’expression nous désole.
Le populisme est un désastre pour l’avenir, entre réécriture de l’Histoire et mémoire sélective. Le repli sur soi et la glorification des frontières nationales doivent être combattus. Nous n’oublions pas le rejet du Traité d’Aix-la-Chapelle par le Rassemblement national et l’opposition farouche de Marine Le Pen à sa ratification. Ne laissons pas le Rassemblement national ramener la relation entre la France et l’Allemagne des décennies en arrière, n’acceptons pas la déconstruction européenne qu’une telle politique annonce. L’Europe est citoyenne, elle est notre héritage commun. Défendons-la ! « Le nationalisme, c’est la guerre », s’écriait François Mitterrand au Parlement européen en 1995, peu de temps avant de disparaître. C’est tellement vrai. François Mitterrand, dans son livre posthume (De l’Allemagne, de la France – 1996), avait souligné avec force combien la réconciliation et les projets communs entre nos deux peuples étaient la condition du développement de l’Europe. Ce livre nous parle toujours au cœur.
Le 7 juin, nous appelons les Français à voter contre le Rassemblement national. Nous appelons aussi la future Assemblée nationale à soutenir en conscience une relation renforcée entre la France et l’Allemagne. Il faudra à la France un gouvernement d’arc républicain, excluant les extrêmes, qui place cette relation au cœur concret de l’action. Tant est à faire ensemble en matière d’énergie, de numérique, de coopération militaire, de souveraineté industrielle, par-delà les frontières, pour nos deux pays et pour l’Europe. Nous avons aimé les discours du Président Emmanuel Macron sur le lien avec l’Allemagne. Il nous aura parfois manqué leur concrétisation. Face au populisme, l’action est plus que jamais nécessaire. Il n’est plus temps d’hésiter, de procrastiner, de mégoter. Il est tellement temps d’y aller, de se lâcher, de penser et d’agir enfin en grand. La France, l’Allemagne, l’Europe en ont besoin. Plus que jamais, c’est de responsabilité, de courage, d’engagement et d’imagination franco-allemande dont il doit être question.
C’est bien d’appeler à lutter contre le RN, mais la spécificité de la relation franco-allemande n’a pu lieu d’être ; c’est pour cela que les politiques n’en parlent plus.
Il faut renforcer la coopération entre tous les états de l’Europe.
Je suis fils d’Alsacien et bon connaisseur de l’allemand.
Bien à vous,
Yvon Rastetter
Merci pour ce plaidoyer, auquel j’adhère pleinement.
Remerciements Pierre Yves (et Heiner).
En effet, le « hareng de Bismarck » est un livre germanophobe, pénible à lire.
il faut surtout arrêter de parler d’ m mariage franco allemand qui n’existe pas. Les derniers accords militaro industriel sont désastreux pour la France. Char, avions , espace l’Allemagne retarde les projets, achète aux américains etc…En matière d’Energie c’est encore pire .En formant les verts Français à une Energie sans nucléaire , un désastre pour la France.
Critiquer la politique économique d’austérité financière imposée par l’Allemagne à l’U.E. depuis sa réunification jusqu’il y a peu avec son cortège d’inégalités sociales, de privatisation et de dégradation des services publics, d’assèchement de la sécurité sociale (nos amis Grecs en savent quelque chose) devient germanophobe. De même que critiquer la politique de conquête coloniale dans les territoires occupés par Israël est considéré comme antisémite. Mais où va-t-on ?
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