Pour le « Républicain Lorrain » – Yutz, juillet 2008
Ayant été absent de la région lorsque le président Nicolas Sarkozy a présenté le programme pour la présidence française au Parlement européen le jeudi 10 juillet, j’étais curieux, à mon retour, de savoir ce que Le Républicain Lorrain écrirait à ce sujet. Et ce d’autant plus qu’un ami, qui a assisté à la séance, m’avait fait un rapport positif. Il avait par contre profondément déçu par la façon dont cet événement avait été traité à la télévision : il n’était question que de l’intervention du député Daniel Cohn-Bendit critiquant la présence du président Sarkozy à l’ouverture des Jeux Olympiques.
En lisant l’édition du 11 juillet de votre journal, quelle n’est pas ma surprise d’en lire le titre « Sarkozy chahuté au Parlement européen ». J’ai lu l’article à deux reprises pour trouver une justification du terme « chahuté ». Rien si ce n’est la remarque de Cohn-Bendit. Est-ce que c’est « chahuter » que de critiquer la décision de Sarkozy d’aller à Beijing ? J’ai écouté la video sur Internet. Il y a certes quelques manifestations. Mais est-ce cela « chahuter » ? Alors tous les débats du PE seraient chahutés. Le titre est accrocheur mais il ne traduit pas la réalité. Je n’ai rien contre Cohn-Bendit, au contraire, mais pourquoi sa photo alors que l’événement du jour était la présence du président français ?
On peut être d’accord ou non avec les propos du président Sarkozy, mais respectons le fait qu’il avait expressément demandé d’avoir un vrai débat. Il a mis beaucoup de soin à répondre aux présidents des groupes politiques et ensuite aux interventions des députés. Un député allemand souligne que c’est la première fois, en 29 ans, qu’un président consacre autant de temps au Parlement européen. Alors de grâce, sachons aussi parler de l’Union européenne en termes qui aident les Français à voir dans cette démarche unique au monde « une source d’espoir » et non seulement « une source de crainte » ; qui soutiennent nos élus européens qui font un travail significatif, trop souvent méconnu, tant sur la gestion interne de l’Union que pour tisser des liens de confiance avec les autres régions du monde dans des conditions parfois très difficiles. Robert Schuman ne disait-il pas, dans la déclaration du 9 mai 1950, que « la contribution qu’une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques. »
Depuis plus de 25 ans, je suis les travaux du Parlement européen. J’ai pu à ce titre rencontrer beaucoup de députés, comprendre leur travail et surtout comprendre la complexité de faire progresser 9, 12, 15, 25 et maintenant 27 pays dont souvent les intérêts sont divergents. J’y ai aussi vécu des moments historiques notamment avec l’admission des huit pays d’Europe central et orientale. Le défi pour chacune et chacun de nous se résume en cette question, pour paraphraser le président John Kennedy, non pas de ce que l’Europe peut m’apporter, mais ce que je peux apporter à l’édifice en construction, un édifice aux multiples facettes. Certes, il y a de nombreux manquements, mais alors pourquoi avons-nous refusé le traité institutionnel qui permettait de remédier à certains de ceux-ci ? S’ils sont si graves, pourquoi est-ce que la Serbie, la Croatie, l’Ukraine ou la Turquie souhaitent entrer dans cette Union qui élira en 2009, pour la sixième fois, un parlement au suffrage universel ?
Pour conclure et nous donner un peu de perspective sur le chemin parcouru, citons ici un extrait dudiscours de Victor Hugo qui présidait le Congrès de la Paix à Paris en août 1849 : « Un jour viendra où vous, France, vous Russie, vous, Angleterre, vous Allemagne, vous tous, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure et vous constituerez la fraternité européenne …Vous aurez, dit-il, encore bien des différents à régler, des intérêts à débattre, des contestations à résoudre, mais savez-vous ce que vous mettrez à la place des canons, des armes ? Vous mettrez une petite boîte en sapin que vous appellerez l’urne du scrutin. »
Charles Danguy