Si les récentes mesures judiciaires peuvent mettre un coup d’arrêt à certaines actions d’Aube Dorée, le double constat est, malgré tout, là. D’une part, la crise annihile tout combat idéologique au profit de la satisfaction des besoins alimentaires et sanitaires. D’autre part, la tolérance à la violence s’accroît lorsque la situation économique empire.
Le parti politique grec Aube Dorée est devenu en quatre ans « le » parti politique grec dont tout le monde parle aujourd’hui. En effet, réputé pour ses actions de rue, que ce soit à travers des distributions de vivres et de médicaments à des populations livrées à elles-même, ou bien à travers de violentes, voire meurtrières, exactions comme l’actualité nous l’aura rappelé il y a peu, Aube Dorée est aussi un symbole médiatique, représentant direct de la violence et de la brutalité des mesures économiques imposées à la Grèce, et véritable porte drapeau de l’incapacité flagrante des autres dirigeants à trouver des solutions.
Où s’arrêtera alors l’Aube Dorée? Simple parti de contestation ou véritable avenir institutionnel? Les prochaines élections nous le diront, mais nous allons malgré tout tenter ici de commencer à fournir des éléments de réponse à ces questionnements.
« People want new things »: ces mots, ceux de Nikos Isaias, colonel de l’Armée de Terre à la retraite que nous avions rencontré à Athènes, sont on ne peut plus ici révélateurs. En effet, depuis l’avènement de la « Crise » en Grèce, et cela sans parler du contrat social qui s’est rompu entre les partis traditionnels et les grecs, il semble que ces grecs aient changé leurs volontés, ou plutôt leurs priorités. Moins d’imaginaire, moins d’idéaux, plus de concrets, de résolutions de problèmes quotidiens: voilà ce que désirent bon nombre de grecs aujourd’hui. C’est ici que la fameuse pyramide des besoins de Maslow devient intéressante: le célèbre psychologue américain exposa alors que les besoins humains sont constitués de cinq niveaux principaux, des plus primaires (faim, soif etc.) aux plus « évolués » (accomplissement de soi), en passant par des niveaux intermédiaires (besoin de reconnaissance, de sécurité physique). Selon Maslow enfin, nous ne pouvons penser à satisfaire des besoins plus évolués que si nous avons satisfaits les besoins du niveau précédent. La question est donc ici: les grecs se seraient-ils vu abaisser, avec la crise, leur niveau de besoins? Cela est fortement possible, lorsque l’on constate que des partis tels Aube Dorée, spécialisés justement dans des besoins concrets, quotidiens, basiques, et non métaphysiques, sont en forte progression. Le colonel Isaias ajoutera lui qu’ « aujourd’hui beaucoup de grecs sont comme des animaux se sentant en danger, ils retrouvent leur instinct de survie. Les grecs ont faim, et qui leur donne à manger désormais? »… Plus concrètes seront les actions de l’Aube Dorée, plus certains de ses militants agiront comme des « Sheriffs » de quartiers et établiront des cantines de rue, et plus ce parti risque alors de progresser dans les urnes d’une société grecque qui voit peut à peu ses besoins devenir plus primaires.
Plus de nourriture et de sécurité, moins d’idéaux. Voilà ce qui risque en effet d’être le nouveau credo de la société grecque pendant un certain temps, et voilà pourquoi des partis comme l’Aube Dorée devraient, selon nous, ne pas être de simples comètes électorales. De plus, avant la crise, la violence était fortement discréditée, comme dans toute société nationale européenne, mais il semble qu’aujourd’hui elle puisse être devenue au contraire un facteur de succès: il est en effet aussi possible, hélas (sans jeu de mot), que plus violentes seront les actions de ce parti, et plus ce dernier aura de succès, à la façon d’une « purge » d’émotions, de haine et de ressentis dus à la crise. Peu de chance donc de voir les chefs, députés et militants d’Aube Dorée devenir plus « soft », moins « anti-système”: voilà la première supposition que l’on peut faire ici.
Mais si tout cela s’avérait vrai, où sera alors la limite de ce processus? La crise actuelle « légitime » malheureusement de plus en plus la violence, Aube Dorée et certains militants d’extrême gauche la rendent eux fréquentable et courante, et les autres partis politiques traditionnels l’exacerbent aussi à leur manière en ayant créé de toute pièce cette société à vif… Voilà ce à quoi sont confrontés les grecs de nos jours.
Frantz Dhers
Je veux bien vous féliciter de votre article. En ce qui concerne la question que vous posez au drenier paragraphe de votre article la réponse est, hélàs, décévante. Tant que le nombre des gens que commetent suicide, coincés par l’impasse économique, augmentera, tant que le nombre des gens obligés à chercher de la nouriture aux répas offertes par les municipalités, l’eglise et des initiatives de citoyens, tant le nombre des gens qui perdent leur logement augmentera, les néonazis de l’Aube Dorrée continueront à renforcer leur position. Que ceci nous plaise ou non.
A chaque noveau sans domicile fixe, à chaque nouveau venu aux soupes populaires, correspondent dix nouveaux électeurs de l’Aube Dorrée.
Pour mieux comprendre l’impact des images des sans domicile fixe et des queues interminables des soupes populaires, il faut rapellerr que, pendant l’hiver de 1941-42, le premier de l’ocupation nazi, sont morts de la famine plus de 300.000 personnes en Grèce, c’est à dire plus nombreux que tous les morts de la guerre contre l’Italie en 1940-41, de la résistance et des représailles des occupants et de la guerre civile qui a suivi.
Des gens que jadis fasaient parti de la petite bourgeoisie, même de la classe moyenne, se sentent chaque jour plus ménacés par la perte de leur logement et par la famine.
Force est de constater aussi que les médias, ou plutôt la télévision, portent une responsabilité importante au renforcement des néonazis. Car, ils ont rendu les sujets préférés de l’Aube Dorrée, c’est à dire l’immigration et la criminalité, thèmes principaux des téléjournaux, ils ont offert une publicité démésurée aux soupes populaires de l’Aube Dorrée, passant en même temps sous silence toutes les autres initiatives caritatives ou solidaires.
Mais les néonazis ne seront jamais marginalisés politiquement, tant que les conditions de leur renforcement sont là.
L’incarceration de leur chef risque de le transformer en héros. N’oublions pas que Hitler avait été incarcéré, avant de gagner les élections et éliminer la constitution.
Et, malgré les déclarations qui se veulent rassurants du gouvernement – au fait du plus corrompu que la Grèce n’a connu dépuis son avenement à la Démocratie en 1974 – que la Grèce ne sera jamais une Weimar, la Grèce fait chaque jour un pas en avant vers sa Weimarisation complète.
L’assasinat de Pavlos Fyssas a marqué une nouvelle étape de la stratégie violente des néonazis: ils ont passés des masacres d’immigrés aux masacres des grecs qui s’opposent à leur projet fasciste et raciste.
J’ai 90 ans, et mon souvenir de la croix gammée est intacte. Ce logo m’est arrivé en pleine figure comme une bombe. Voilà où nous mène le retour à la féodalité ; de terrienne jadis, elle est financière aujourd’hui, mais elle reste une féodalité.
Comment sommes-nous sortis de la crise de 1929 , Par le Keynésisme ! Il nous faut le remettre à l’ordre du jour, mais cette fois-ci, plus structuré et lui ajouter une assise philosophique. Je propose d’écrire une Charte à intégrer à la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen, pour mieux structurer le Keynésisme, et d’inventer la Philosophie du « Dépassement de la loi de la sélection naturelle » pour asseoir cette nouvelle étape de la marche du sapiens vers la civilisation.
Nous sommes à un tournant de l’humanité Sapiens.
Pierre.Bellenger@wanadoo.fr
Cet article fait peur, et les commentaires précédents ne sont pas rassurants non plus. Malheurseusement il s’agit d’une peur bien réelle qui émerge de la constation de ce qui se passe en Grèce et de la montée des idéologies les plus radicales et les plus intolérantes partout en Europe. @Pierre Bellenger, vous avez mis le doigts sur le coeur du problème à mon sens. Notre contrat social actuelle repose sur une économie donc le coeur financier nous fait sentir ses palpitations plus que jamais. Nous sommes en pleine crise cardiaque européenne (voire mondiale) mais posons nous la question: Quel pourcentage des citoyens européens comprennent les mécaniques générales de la finance? Je ne parle pas de rentrer dans les détails de CDS ou des dettes présentées comme des securities lors de l’avènement libéral (au sens anglais du mot) des années 90 jusqu’à la crise… Un niveau général donne déjà une compréhension bien plus claire des enjeux. Il est affolant de voir que beaucoup de nos citoyens ne comprennent pas les informations qui leurs sont présentées lorsqu’ils s’endettent, ou encore restructures leurs dettes. Comment espérer que l’action démocratique fonctionne lorsque les finances publiques sont un facteur majeur dans beacoup de nos débats? Comment le citoyens lambda peut-il comprendre les mécanisme de la dette nationale et de potientielle perte de souveraineté qui s’en suit? La crise que nous connaissons aurait été évitée si les systèmes d’éducation nationale donnaient des cours de finance car nous aurions compris les implications des actions de nos états alors que les instruments de la crises actuelles passaient les uns après les autres dans nos parlements. L’éducation, mise à jours pour les mécanismes du monde actuelle raviverait notre démocratie, étouffant dans l’oeuf les exactions et la propagande actuellement à l’oeuvre en Grèce, et montantes dans toute l’Europe. Je n’ai que 26 ans, mais j’ai eu la chance immense d’avoir une éducation riche me permettant d’avoir une compréhension d’ensemble de ces sujets, cependant beaucoup de personnes dans mon entourage sont simplement « dégoutées de la politique » et ne voient de véritable changement que dans les émules de l’Aube Dorée. Nos dirigeants ont un vrai rôle d’éducateur à prendre, mais cela ne leur amènera que très peu de voix face aux bénéfice du simplisme qui dans le même temps ouvre la porte aux partis extrêmistes 🙁
@DECKBOY
Me permettez-vous d’échanger avec vois? Vous avez mon adresse mail : Pierre.Bellenger@wanadoo.fr . A quelle adresse postale puis-je vous adresser mon travail de recherche ? Très cordialement