Les 15 et 16 octobre avait lieu à Bruxelles le Conseil européen réunissant les dirigeants des 27 Etats membres, 4 mois après le lancement de la Présidence française de l’Union européenne. Au menu : crise financière, paquet énergie climat, sécurité énergétique, traité de Lisbonne, pacte européen sur l’immigration et l’asile, relation avec la Russie.
Les commentateurs s’apprêtent unanimement à décrire un succès : est-ce le cas ?
Une première remarque : l’Europe qui décide ainsi n’est guère celle imaginée par ses pères fondateurs et les fédéralistes de tous bords qui leur ont succédé. Loin de l’Europe communautaire des origines -représentée par la Commission-, c’est ici l’Europe des gouvernements qui s’impose. Loin d’une démocratie européenne -incarnée par le Parlement européen-, ce sont des démocraties nationales qui s’affirment.
Est-ce à dire que le projet communautaire a vécu ? La question se pose encore et toujours. Aux tenants d’une Europe fédérale, il faut demander si la Commission et le Parlement auraient pu répondre aussi efficacement que les gouvernements nationaux à la crise financière actuelle. Aux tenants d’une Europe des gouvernements, il faut demander s’ils espèrent faire vivre la démocratie européenne sans associer davantage les représentants de l’intérêt général de l’Union européenne.
Ces questions sont d’autant plus pressantes que nous approchons des élections européennes qui renouvelleront en 2009 la composition du Parlement européen et de la Commission. Menées dans un cadre national, ces élections risquent comme par le passé de porter sur des thèmes bien peu européens. Le risque est considérable : à vouloir dépolitiser l’Europe, on court vers l’abstention.
Or les sujets ne manquent pas. Certes le Conseil européen a permis de trancher certains d’entre eux : adoption d’un plan d’action concertée pour faire face à la crise économique et financière, adoption du pacte européen sur l’immigration et l’asile. Mais plusieurs restent en suspens : traité de Lisbonne, paquet énergie climat. D’autres n’ont pas même été abordés, dont les mesures en faveur d’une Europe sociale, à l’heure où des millions de salariés se préparent aux conséquences du ralentissement économique. Bref, le débat n’est pas clos.
Dans ce contexte, il reste encore aux partis politiques nationaux et européens à convaincre, à porter des projets, à faire des propositions. Nul ne pourra le faire dans son coin, sans regarder au-delà des frontières de son propre Etat. Le cœur de l’Europe est là, dans le dialogue de ses citoyens et de leurs représentants par delà les frontières.
Ne regardons d’ailleurs pas que les frontières entre les Etats membres, car l’avenir de l’Europe se trouve dans le dialogue avec ses principaux partenaires mondiaux : Etats-Unis, Russie, Japon, Chine, Inde, Brésil, pays du Moyen Orient et d’Afrique. C’est eux qu’il faudra convaincre demain, lorsque l’Europe se sera rassemblée. Les deux défis de notre temps -le changement climatique et l’accroissement des inégalités- appellent certes des réponses locales, mais aussi mondiales : pourquoi l’Europe n’en serait-elle pas le maître d’œuvre ?
Tristan Aureau