Quelle ambition pour l’Autorité européenne du travail ?

La présentation du paquet de mesures en faveur de l’équité sociale de la Commission européenne, qui inclut une proposition de règlement pour la création d’une Autorité Européenne du Travail – AET – est maintenant d’actualité.

L’Institut Jacques Delors publie une réflexion et des propositions sur la définition de cette future agence européenne.

Pour son auteure, Sofia Fernandes, chercheuse senior à l’Institut Jacques Delors, une Autorité européenne du travail devra servir à renforcer le respect des règles européennes en matière de mobilité, en dotant l’Union Européenne d’un rôle accru pour pallier les difficultés rencontrées par les autorités nationales pour détecter, prévenir et lutter contre les cas d’abus et de fraude qui se vérifient aujourd’hui en particulier dans le cas des travailleurs détachés.

Mais sa mission sera aussi de faciliter la mobilité européenne, notamment en garantissant un meilleur accès à l’information pour les citoyens et les entreprises.

Dans ce document de 16 pages disponible en Français et Anglais, Sofia Fernandes, explique que la future Autorité européenne du travail ne doit pas se borner à n’être qu’une plateforme d’échanges d’informations et de coopération.

Cette option, politiquement la plus facile et économiquement la moins coûteuse, ne répondrait pas aux tensions soulevées par la mobilité et au besoin de renforcer le marché européen du travail. Mais la nouvelle agence ne doit pas pour autant devenir une superbe inspection européenne. La doter d’un rôle contraignant sur les États membres, manque aujourd’hui de base juridique établie.

Entre ces deux écueils, Sofia Fernandes distingue quatre missions à confier à l’Autorité européenne :

  • Faciliter la coopération administrative entre autorités nationales, y compris pour la résolution de litiges
  • Offrir un centre d’expertise et de formation aux autorités nationales compétentes ;
  • Lutter contre les abus à la législation sociale et du travail et soutenir des activités de contrôle conjoint transfrontière ;
  • Fournir un guichet unique aux citoyens et aux entreprises pour l’accès aux informations relatives à la libre circulation des travailleurs et des services.

Après la présentation par la Commission européenne (qui se situe bien dans un de ses rôles, comme force de propositions) créant une Autorité Européenne du Travail (AET) la balle est dans le camp du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen, en espérant qu’un accord puisse se concrétiser d’ici à la fin de l’année, pour une création effective de l’AET dès 2019.

Il faut espérer et surtout agir pour qu’il en soit ainsi.

Cette proposition concrète et dynamique de la Commission va faire ressurgir d’importants clivages parmi les Etats membres comme le souligne Sofia Fernandes, dans les conclusions de ses propositions, à propos de la libre circulation des travailleurs et des services et plus largement sur les compétences de l’Union européenne dans le domaine social.

« Un manque d’enthousiasme est à attendre de certains gouvernements et notamment des pays d’Europe centrale et oriental » qui s’étaient déjà opposés en son temps à la révision de la directive des travailleurs détachés »

Dans ce contexte politique tendu, il n’est pas certain que l’AET voit le jour et, dans cet hypothèse, cette volonté pourrait se limiter à un accord a minima.

Pour éviter ce scénario peu ambitieux pour une nouvelle avancée possible de l’Europe sociale, trois pistes sont à réunir :

Insister sur le double argumentaire en faveur de la création de l’AET : faciliter la mobilité  et la rendre plus juste, et aussi garantir que ceci se traduise dans les missions qui seront fixées à l’AET.

Rappeler le coût de la non-création de l’AET, comme par exemple les défaillances actuelles dans des Etats membres, et notamment à l’Est de l’Europe, qui voient leurs populations exploitées par des employeurs sans scrupules, ou d’autres qui engagent en permanence un concurrence déloyale.

Suivre strictement la mise en place de l’AET avec ses prérogatives spécifiques, qui nécessite, dès que possible, une base juridique pour doter l’AET de pouvoirs contraignants.

Ce projet qui prend forme aujourd’hui, annoncé par le Président de la Commission européenne, lors de son discours sur l’état de l’Union en septembre dernier devant le Parlement européen peut contribuer à respecter un des objectifs de l’Union européenne, inscrit dans les traités pour être une « économie sociale de marché », sans équivalent dans le reste du monde.

« L’Autorité Européenne du Travail, doit avoir pour première ambition de traduire l’attachement des Européens à leur modèle social », conclut Sofia Fernandes.

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