Il y a presque dix ans, l’écroulement des dictatures du Sud de la Méditerranée dans le contexte des « printemps arabes », suivi de la crise syrienne, posait à l’UE un nouveau défi migratoire. La Commission européenne créait alors le fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique (FFU), doté de 5 milliards d’euros. Ce fond se concentre sur 27 pays dans trois régions le Sahel et le lac Tchad, la Corne de l’Afrique et l’Afrique du Nord.
Dans un nouveau rapport publié mercredi 25 septembre, la Cour des comptes européenne (CCE) réitère, à l’égard du fonds, ses critiques déjà adressées dans un premier audit réalisé en 2018. Selon la Cour des comptes : « L’aide est dispersée sans vision stratégique ». La Commission européenne ne sait toujours pas identifier les programmes les plus efficients et efficaces pour réduire la migration irrégulière et les déplacements forcés en Afrique.
Comme le résume bien Mounir Satouri, président de la Sous-commission des Droits de l’Homme du PE : « Avec ce rapport, la Cour des Comptes européenne révèle le fiasco du Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique. Des milliards d’euros disparaissent dans des projets bidon ou complètement inadaptés, et qui peuvent alimenter les violations des droits humains ».
En effet, la Cour des comptes explique que la Commission ne réagit pas vraiment aux abus en matière de Droits de l’Homme à l’encontre des migrants. Cela pour maintenir à tout prix le flux financier du Fonds fiduciaire vers des pays comme la Libye, la Tunisie ou le Maroc. Flux qui est normalement conditionnés par un respect des Droits de l’Homme de la part des pays qui en bénéficient. Mais ce flux récompense en fait le zèle des pays concernés à stopper les migrants, sans autre forme d’exigence. « Aucun dispositif ne permet de déterminer si des cas (de violations des Droits de l’Homme) ont été dûment examinés et pris en compte au moment de décider du maintien ou de la suspension du soutien européen », déclare la Cour des comptes.
L’argent de l’UE, une source de financement des violation des Droits de l’Homme
Plus grave encore, pour la première fois, une institution européenne reconnaît que l’argent de l’UE finit par financer des violations des Droits de l’Homme et, dans certains cas, profite aux trafiquants de migrants. Par exemple, les bateaux et les équipements fournis par l’UE en Libye peuvent servir à des « acteurs autres » que les bénéficiaires. Derrière le terme « acteurs autres », il faut lire des milices, des passeurs et des trafiquants, parfois intégrés dans l’appareil de sécurité libyen.
Dès 2023, les Nations Unies alertaient l’UE, accusant Bruxelles d’encourager l’interception des migrants en mer et de favoriser les trafiquants d’êtres humains affirmant avoir trouvé « de fortes raisons de croire que des hauts responsables des garde-côtes libyens étaient de connivence avec des trafiquants et des passeurs, prétendument liés à des milices, dans le cadre de l’interception et de la privation de liberté des migrants ».
Ce nouveau rapport de la Cour des comptes de l’UE peut-t-il éveiller les consciences ? A ce stade, force est de constater que la politique consistant à financer des régimes qui violent les Droits de l’Homme fondamentaux pour intercepter les migrants est de plus en plus ouvertement assumée par le Conseil européen. Comme le rappelle La Matinale européenne : « Quinze pays ont écrit à Mme von der Leyen pour lui demander des « solutions innovantes », euphémisme derrière lequel se cachent les refoulements ».
Reste naturellement à mesurer l’ écho d’un tel rapport au sein du Parlement européen, traditionnel gardien du temple concernant les valeurs de l’Europe et de la défense des Droits de l’Homme « Urbi et Orbi ». A ce titre, Mounir Satouri a d’ores et déjà confirmé : « En ma qualité de Président de la Sous-Commission des Droits de l’Homme du Parlement européen j’agirai pour que la Commission européenne vienne rendre compte demain devant le Parlement. Avec une exigence de transparence accrue, des contrôles rigoureux lors des suivis des projets et une plus grande implication des ONG et des communautés locales. Notre financement implique une grande responsabilité pour ne pas trahir nos valeurs ».
Merci à Henri Lastenouse pour son commentaire qui me renseigne sur les dangers pour l’Europe de ne pas faire un travail de fond, de surveillance lorsqu’elle distribue de l’argent. Que ce soit aux États de l’UE qui s’assoient sur les règles communautaires ou comme décrit ici sur les fonds attribués aux États du sud pour atténuer les causes de tous ces départs vers l’occident. Je suis d’accord que le Nord doit aider le Sud à se développer surtout, et je suis persuadée que ce n’est pas en versant des sommes d’argent, ou du moins pas seulement, mais en pratiquant avec ces pays des échanges qui ne soient pas que avantageux pour nous, mais qu’ils le soient pour eux. Bien sûr me direz-vous, ces états doivent jouer le jeu de l’honnêteté vis à vis de leurs populations, et nous savons bien que les modèles démocratiques ne règnent pas partout. Mais certaines pressions devraient pouvoir améliorer les choses.
Je crois en l’Europe. Je continue à vouloir y croire, mais parfois le doute s’installe. Et je ne dois pas être là seule.
Que les responsables à Bruxelles, et Madame Von der Leyen s’en souviennent.
Je voudrais ajouter à mon commentaire, la référence à un très bon texte de João Vasconcelos Costa, Du 5 octobre 24, dans un article de fond sur l’Europe. Il s’agit d’un blog « por baixo da espuma » (sous l’écume).
Je n’ai pas plus de références d’adresse à vous donner et ce texte est bien évidemment en portugais, car à destination de gens qu’on veut surtout informer ici au Portugal. Mais je connais des tas de traducteurs qui ont travaillé et/ou travaillent encore à Bruxelkes.
Je vous le recommande vivement !
Bonjour.
Encore et pour une énième fois, nous constatons les dérives de la gouvernance européenne, elles facilitent les détournement de fonds, elles contribuent à financer le banditisme, le terrorisme et la traite des êtres humains.
Surtout, arrêtons de croire qu’ils ne savaient pas, est ce que vous payez un artisan avant que le travail soit bien fait, ne contrôlez vous pas la qualité de ce qu’il produit ?
Nous n’arrêtons pas de » jeter de l’argent par la fenêtre », aussi bien au niveau national qu’Européen.
La conséquence est un appauvrissement qui touche notre pays et l’Europe entière, appauvrissement dont profite les USA qui ne cessent de s’enrichir sur notre dos (énergie, armement, etc, etc ….).
Quand « Sauvons l’Europe » va s’adresser par une lettre à tous les députés européens pour dénoncer cette incompétence et ces dérives, va t’on continuer à discuter de ces sujets s’en agir ?
Voulons nous vraiment Sauver l’Europe ?
Je sais d’avance qu’il n’y aura pas de réponse, la preuve est dans mes précédents commentaires ?
Bonjour
Je trouve un décalage entre le titre « Refoulez, refoulez » et le contenu du texte qui dit » ne financez pas à tort ».
En 2015, l’Allemagne a largement ouvert ses portes. Aujourd’hui, la pression des votes d’extrême-droite conduit le gouvernement allemand à une reprise des contrôles aux frontières.
La question du contrôle de l’immigration n’est donc pas à ignorer.
Comment travailler intelligemment avec les pays d’origine ou de passage ? tel est l’objet de cet article. Dénoncer des sommes versées sans contrôle est normal, d’autant plus quand ces sommes viennent alimenter le contraire de l’objectif refoulé. Rechercher les meilleurs moyens de couper ou réguler le flux de migration au départ est une vraie question, qui mérite mieux que des incantations.
correction » viennent alimenter le contraire de l’objectif recherché ». Désolé pour la faute de frappe