L’Europe la timorée, l’inutile, la bureaucrate comme trop souvent elle est perçue, parfois à juste titre, fait entendre sa voix.
En effet, la Commission européenne par l’intervention de Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne se pose en « dame de fer » de la défense des droits fondamentaux inscrits dans le Traité de Lisbonne. Au moins on se rend compte à cette occasion de l’utilité et de l’importance d’avoir obtenu que la charte des droits fondamentaux soit partie prenante du Traité. Doyenne, en ancienneté, du Collège des Commissaires européens avec trois mandats successifs depuis 1999, Viviane Reding connaît bien le droit et la pratique.
Elle a tapé du poing sur la table. Elle a eu raison. Il ne faut pas que ses propos qui peuvent être considérés comme déplacés non pas en comparant les expulsions des Roms de France à la déportation des juifs de France par les nazis, mais en constatant qu’il n’y a pas eu ce type d’actions envers des populations ciblées depuis la seconde guerre mondiale. Ses excuses pour ses propos qui ont pu paraître ambigus ont été acceptées par la France. Mais la France n’est pas l’Europe et l’Europe n’est pas la France. D’ailleurs, le Président de la Commission européenne soutient sa vice-présidente sur le fond et a pris ses distances avec la forme, il en va de même lors du Conseil européen qui s’est tenu à Bruxelles ce 16 septembre. On peut regretter que pas une ligne des conclusions du Conseil européen ne fasse référence au traitement des minorités européennes sur le territoire européen.
Et pourtant c’est cette réalité qui est déterminante. Car toute cette agitation sur la forme ne doit pas cacher le fond des problèmes posés qui a suscité différentes réactions au Parlement européen avec l’adoption d’une résolution lors de sa dernière session plénière de septembre, le Conseil de l’Europe qui s’inquiète tant la voix de son Commissaire aux droits de l’Homme que par sa commission contre le racisme et l’intolérance, à l’ONU par une prise de position de la Haut Commissaire aux droits de l’Homme : «… la nouvelle politique de Paris, ne peut qu’exacerber la stigmatisation des Roms et leur extrême pauvreté… »
Que ces quatre institutions qui sont loin de prôner le Grand Soir prennent des positions convergentes pour rappeler le droit européen et international à la France montre bien la gravité de la manière dont la France aborde le traitement de ces hommes, femmes et enfants pour lesquels des problèmes de vie, de relations, d’intégrations difficiles se posent, mais pour lesquels aussi d’autres réponses que le tout répressif sont à proposer en France et ailleurs, avec une approche européenne en concertation très étroite avec les pays directement concernés comme la Roumanie et/ou la Bulgarie pour ce qui concerne les populations Roms. Car ces populations ne sont pas des immigrés au sens strict du terme, ce sont des citoyennes et citoyens européens, en mal d’intégration, avec les droits et devoirs existants dans les Traités européens, mais le savent-ils eux-mêmes ?
Sur la base de la charte des droits fondamentaux, il est clair qu’une discrimination de quelque nature que ce soit n’a pas de place en Europe. Qui d’autres que la Commission européenne peut rappeler ces valeurs de droits, de libertés et de respect de la dignité humaine qui constituent le socle de nos règles de vie commune ? La Commission est dans son strict rôle quand elle rappelle à l’ordre tel ou tel Etat membre, institution, entreprise ou organisation en cas de dérives car elle est la gardienne de l’application des Traités.
La France a fait savoir qu’elle maintenait, ce qu’elle avait décidé : la suppression des lieux de regroupements quelque puisse être la nationalité ! Il faut voir maintenant comment va évoluer la situation. La Commission n’aura-t-elle pas d’autres choix que d’ouvrir une procédure d’infraction à l’encontre de la France ? Deux motifs peuvent être mis en avant : l’application discriminatoire de la directive sur la libre circulation et sur le défaut de transposition des garanties procédurales et matérielles prévues justement par la directive sur la libre circulation.
Au-delà, n’est-il pas possible de réfléchir rapidement pour aboutir à un traitement européen des populations européennes constituées de minorités ? Pourquoi ne pas tenter de bâtir une charte de droits et devoirs, sur la base de la charte des droits fondamentaux, pour ces populations ? Celle-ci pourrait constituer un socle minimum de libertés et d’obligations à propos de l’accès au logement, à l’emploi, à la formation, à la scolarisation, à la protection sociale, etc. En parallèle, un recensement des besoins d’espaces permettant d’installer, avec un confort minimum ces populations, serait organisé. Une dotation financière européenne interviendrait pour aider les Etats membres concernés, en concertation avec les ONG intervenant auprès de ces populations, à pouvoir se doter de moyens d’installation de ces populations liés à des droits et des obligations permettant une insertion et une intégration positive dans l’objectif du vivre ensemble sur le territoire européen.
Car, comme le dit justement Viviane Reding, « il est important que ce ne soient pas seulement les mots qui changent mais aussi le comportement… »
Jean-Pierre Bobichon,
Ancien fonctionnaire européen
Merci pour cet article et pour avoir utilisé ma photo.
Juste une petite précision : cette image est libre de droits, mais sa licence d’utilisation cc-by-nc (Creative Commons – Paternité – Usage non commercial) demande de citer son auteur. Cela dit vous avez fait un lien vers le site original, donc ne vous embêtez pas pour cette fois, mais juste pour vous indiquer l’usage correct de ces licences libres. (Excusez-moi aussi de vous écrire en commentaire, j’ai pensé que ce serait plus direct, mais pas la peine de le publier, bien sûr.)
Bien cordialement.
Mille pardons, comme vérifier le type exact de licence est toujours compliqué, j’ai tendance à me contenter effectivement de mettre le lien vers l’original. Je vous remercie de vos précisions.
l’analyse et les propositions de Jean Pierre me conviennent tout à fait.
amicalement
Evelyne