A quelques jours du Conseil européen qui va se tenir à Sibiu en Roumanie lors de LA journée de l’Europe, le 9 mai prochain, le Président de la Confédération nationale roumaine « Cartel ALFA », une des confédérations syndicales roumaine, livre ses analyses sur la situation de la Roumanie qui assume la Présidence de l’Union européenne jusqu’au 30 juin prochain.
Bogdan Iuliu Hossu est Chercheur et ingénieur en électronique de profession, et s’est consacré à l’activité syndicale au cours des 25 dernières années. De 1996 à 2011, il a été membre suppléant du Conseil d’administration du Bureau international du Travail à Genève. Il est actuellement vice-Président de la Confédération Syndicale Internationale (CSI) et membre du Comité directeur de la Confédération européenne des syndicats (CES), à Bruxelles.
JP Bobichon: Sur la situation politique, sociale, syndicale, économique de ton beau pays, peux-tu me donner quelques analyses et appréciations, y compris à propos de la Présidence semestrielle Roumaine de l’Union européenne
Bogdan Hossu: Nous sommes au milieu de la Présidence Roumaine du Conseil européen et, malgré les doutes exprimés nous pensons que la Roumanie a bien rempli ce rôle qu’elle assume pour la première fois depuis son adhésion en 2007. C’est une période intense au niveau européen, qui marque la fin du cycle législatif au cours duquel de nombreux dossiers restent à finaliser, certains controversés, une période qui coïncide avec la date à laquelle le Brexit devait avoir lieu et les élections européennes qui doivent se tenir.
Cependant, il est regrettable qu’un gouvernement social-démocrate d’un pays exerçant la présidence de l’Union Européenne ne donne pas la priorité au dialogue social. Les mesures prises pour inclure le sujet de la négociation collective à l’ordre du jour de la réunion tripartite en vue d’obtenir une résolution spéciale ne se sont pas concrétisées. Le gouvernement roumain est toujours en train de décliner le sujet, pour justifier qu’il n’y a pas de place à l’ordre du jour.
JPB: Les élections européennes qui vont se dérouler constituent un moment crucial pour l’avenir de la construction européenne. La plus grande crainte est la montée des partis d’extrême droite et la possibilité qu’ils augmentent leur rapport de force au sein du nouveau Parlement. Quelle est la situation en Roumanie?
BH: En raison du fait que cette année et la suivante, nous avons quatre événements de campagne électorale – élections européenne, présidentielle, locales et parlementaires – les tendances avec certaines nuances populistes sont de plus en plus importantes. D’une part, le parti au pouvoir adopte de plus en plus une rhétorique nationaliste et hautaine dans laquelle les multinationales et les exploiteurs étrangers sont le principal ennemi imaginaire, et d’autre part, l’opposition parlementaire est capturée par un autre populisme centré sur la question de la lutte contre la corruption, mais avec de forts accents justiciers et punitifs, dans laquelle la solution principale pour l’élimination de la corruption semble être le démantèlement de l’État et la privatisation du plus grand nombre de biens et services publics.
Entre ces deux extrêmes, des questions importantes, voire vitales, seraient traitées de manière marginale ou totalement ignorées: la durabilité des systèmes publics de protection sociale, la numérisation, l’automatisation ou la transition vers une économie à faibles émissions de carbone ne sont pas sur l’agenda publique, bien qu’il s’agisse de priorités au niveau européen, assumées par la Présidence Roumaine elle-même.
JPB: La Commission européenne et le Parlement européen ont fait part de leurs préoccupations concernant l’état de droit et les modifications apportées au droit de la justice. Estimez-vous que ces préoccupations soient justifiées?
BH: Les modifications successives des lois de la justice ont créé un état de tension et une série de manifestations, y compris parmi les magistrats. Malheureusement, le gouvernement actuel ne dispose ni de légitimité ni de crédibilité pour mener à bien une réforme du système judiciaire et toute législation adoptée suscite des soupçons a priori, étant donné que la voie législative est dans cet ordre: adoption, publication, réactions et discussions, éventuellement retrait et modification de l’acte normatif. Mais l’ordre est complètement faux. Le dialogue avec les partenaires sociaux et toutes les parties prenantes doit avoir lieu AVANT pas APRÈS l’adoption d’un acte normatif. Malheureusement, c’est le style de travail du gouvernement, et la plupart du temps, nous nous réveillons avec des lois normatives qui posent de grandes difficultés d’application et créent plus de problèmes qu’elles ne le résolvent.
Par exemple, nous avons la récente réforme fiscale, par laquelle les cotisations sociales de l’employeur ont été transférées à l’employé, ce qui a permis à l’employeur d’être pratiquement libéré de la responsabilité sociale. Ce qui est particulièrement grave, c’est que l’employé n’a aucun contrôle sur le paiement des cotisations, ce qui incombe à l’employeur. Si l’employeur ne les paye pas, l’employé est pénalisé, à la fois au niveau des pensions et services médicaux.
JPB: Que disent les syndicats?
BH: En Roumanie, nous assistons à un paradoxe, même si en termes de PIB, l’économie a connu une croissance spectaculaire au cours des dernières années, mais ces augmentations sont pratiquement sans incidence sur le bien-être des citoyens. Les inégalités demeurent à un niveau élevé, le risque de pauvreté touche un tiers de la population. De plus, le risque de pauvreté au travail est préoccupant, avec un cinquième des personnes en situation de pauvreté, un double pourcentage de la moyenne européenne.
La migration des Roumains vers d’autres pays de l’UE se poursuit au même rythme, la pénurie de personnel créant des tensions sur le marché du travail. Cela est dû en grande partie à la législation adoptée en 2011. Pendant la crise dans le cadre des mesures d’austérité, une législation a bloqué la négociation collective, éliminant les conventions collectives de travail au niveau sectoriel ou national et rendant la syndicalisation beaucoup plus difficile. L’absence de négociation collective a eu pour conséquence une stagnation des salaires et une concentration autour du salaire minimum.
Malheureusement, le marché du travail n’est pas au centre des préoccupations, il n’y a que les salaires budgétaires et les retraités qui constituent apparemment un élément électoral pour garantir le soutien du parti au pouvoir. On peut dire à juste titre que les salaires du personnel budgétaire ont augmenté, mais la manière de son adoption a créé de nombreux déséquilibres entre les catégories professionnelles et entre les employés du secteur budgétaire et ceux du secteur économique, que nous nous efforçons maintenant à réparer.
La pression sur la croissance des salaires est forte et le modèle économique à faibles coûts, encouragé depuis des années comme un avantage concurrentiel par le gouvernement, montre inévitablement ses limites. Quelle stratégie adopter pour sortir de ce modèle, étant donné le manque chronique d’investissements dans les infrastructures, l’éducation, la recherche, le développement et la santé, est difficile à déterminer et constituera un défi de taille pour tout gouvernement. Malheureusement, la voie populiste semble être la plus facile, mais ne règle en rien les problèmes du monde du travail et plus largement de la population
JPB: La Roumanie va être au centre de l’Europe à l’occasion de la tenue d’un Conseil européen extraordinaire le 9 mai prochain, jour de la ”Fête de l’Europe” à Sibiu, Qu’attendez-vous de cette réunion à haut niveau?
BH: C’est une réunion importante, tant pour la Roumanie que pour l’Europe. A cette occasion, nous souhaitons une rencontre avant la réunion, centrée sur deux questions importantes. D’une part, le thème du dialogue social et sa matérialisation dans les conventions collectives de travail en tant que forme plus équitable de croissance économique et d’instruments de lutte contre la fraude fiscale et le dumping social. Le deuxième problème concerne le manque d’équilibre dans la répartition de la charge fiscale entre l’employeur et les travailleurs à la suite du transfert des cotisations sociales qui, en imposant la presque totalité de la charge fiscale au travailleur, attaque le modèle social européen et les systèmes publics de sécurité sociale.
Nous nous attendons à ce que le pilier social européenne signe à Göteborg, devienne une priorité dans tous les pays européens
Bogdan Iuliu HOSSU Propos recueillis par Jean-Pierre Bobichon
Président CNS « Cartel ALFA » Conseiller auprès de l’Institut Jacques Delors
Comme souvent, c’est avec curiosité que je prends le temps de lire les articles de Sauvons l’Europe.
Voici ce que m’inspire celui-ci…
« Les mesures prises pour inclure le sujet de la négociation collective à l’ordre du jour de la réunion tripartite en vue d’obtenir une résolution spéciale ne se sont pas concrétisées. »
Ce qui, en langage courant signifie : malgré toutes nos démarches, nous n’arrivons même pas à ajouter ce sujet à l’ordre du jour.
« La plus grande crainte est la montée des partis d’extrême droite » ou, plus loin, « populistes »
Il serait plus honnête, intellectuellement, d’écrire « la montée des partis souverainistes », d’autant que la souveraineté n’est rien d’autre que le DROIT des peuples à disposer d’eux-mêmes…
« dans laquelle les multinationales et les exploiteurs étrangers sont le principal ennemi IMAGINAIRE »
Ben voyons !
Les Monsanto, Facebook, Google, General Motors, des fonds de pensions, des banques, (je n’ai pas en tête de noms de multinationales agressives, chinoises par ex. ou autre) etc. ne nous veulent que du bien, c’est évident.
En outre, effectivement, je ne vois pas trop quelles multinationales roumaines pourraient être dans ce cas.
« l’économie a connu une croissance spectaculaire au cours des dernières années, mais ces augmentations sont pratiquement sans incidence sur le bien-être des citoyens. »
Voilà à quoi conduit la mise en place d’une institution supranationale non démocratique, qui se contente de gérer comptablement les pays, de pondre une pléthore de règlements, dispositions et autres directives et de distribuer aux uns ce qu’elle prend aux autres…
Il ne suffit pas de « distribuer des subventions à sa guise » !
Conclusion : étonnant non, le fonctionnement autoritaire de ces institutions ruine le dialogue social et le sujet passe systématiquement « aux calendes grecques » !
Et l’on se désole, ensuite, de voir la montée inexorable des « populismes », des « euro-phobes », des nationalistes, des souverainistes, des extrémistes, des « replis sur soi » et autres sobriquets méprisants pour tenter de retenir la vague.
Comme Ruoma, j’ai bondi à « dans laquelle les multinationales et les exploiteurs étrangers sont le principal ennemi IMAGINAIRE » : on croit rêver en lisant ceci. Les multinationales sont le principal ennemi de la planète : elles accaparent les richesses, polluent, esclavagisent, vendent ce qu’elles veulent, y compris des armes, et sont supérieures aux États qui soit n’ont rien à dire, soit sont leurs chiens de garde. Les prétendus europhobes sont écœurés non par l’Europe (réalité géographique et culturelle) mais par cette UE qui favorisent avant tout les multinationales et la privatisation. Il faudrait peut-être en prendre conscience.
Merci pour votre réaction tellement justifiée. Je me sens moins seul. 😉
Bogdan Hosu ment.Au fil des ans, il a trouvé des bonnes fonctions et des bons titres que pour lui.Il n’a rien fait pour les droits des travailleurs en Roumanie.J’ai travaillé dans une multinationale en Roumanie et j’ai été obligé d’accepter toutes les conditions requises par les employeurs car le sindicat est totalement absent.Il y a beacoup d’abus pour les travailleurs.Dans le secteur privé il n’y a pas des syndicats.