L’Europe suffoque de Paris à Athènes en passant par Tenerife. Les températures enregistrées en juin sont les plus élevées de l’histoire du continent et les mois de juillet et août sont à nouveau marqués par des canicules et incendies. Chaque année, les mêmes titres à la une ne font que souligner l’évidence. L’urgence climatique est désormais incontestable et il est plus que temps de réagir en mobilisant des moyens importants. L’Union européenne a fait de son Pacte vert l’une de ses grandes priorités. Elle se fixe des objectifs ambitieux comme la neutralité carbone en 2050. Pourtant, le chemin à parcourir reste immense.
Si on ne peut que saluer le volontarisme européen, quasi inédit sur la planète, le succès de sa politique climatique nécessite des évolutions. Le récent rapport de Jean Pisani–Ferry et Selma Mahfouz (Les incidences économiques de l’action pour le climat, rapport à la Première ministre, France Stratégie, mai 2023, p.139) a pointé la nécessité d’une évolution de la gouvernance européenne en matière de stratégie climat : « L’Europe ne peut pas se permettre d’afficher une grande stratégie climatique tout en restant dans le flou quant à sa mise en œuvre effective. Il importe qu’elle définisse et mette en place une nouvelle gouvernance climatique à la mesure de son ambition ».
Stop au « solutionnisme » technologique des géants de la tech
Mais comment mettre en place cette gouvernance nouvelle et qui place l’environnement au cœur de toutes ses politiques ? Les Etats doivent certes rester à une place centrale mais elle doit aussi intégrer pleinement les territoires et leurs acteurs, sous peine de ne pas parvenir à atteindre les objectifs fixés. Stop au « solutionnisme » technologique des géants de la tech, le défi de la transition environnementale ne pourra être relevé sans la mise en place de dynamiques collectives, entraînant l’ensemble des acteurs : entreprises, chercheurs, associations, citoyens, et bien évidemment collectivités locales. Pour provoquer un véritable changement des pratiques, du modèle de production au modèle de consommation, la stratégie globale, décidée à Bruxelles, doit se nourrir et surtout venir appuyer les initiatives locales.
Si l’Union européenne a souvent été précurseur en matière de législation environnementale comme avec ses normes antipollution pour les véhicules ou les programmes de protection des eaux, l’une des clés de la transition se trouve bien souvent aussi au niveau des collectivités.
Par exemple, réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le domaine des transports, l’un des principaux émetteurs avec plus de 30% des émissions françaises, ne peut reposer que sur les changements de motorisation du parc privé. Une évolution des usages est nécessaire et le recours à la voiture solo ne peut être réduit que si le développement des transports en commun comme des mobilités actives et du covoiturage sont au cœur des politiques publiques. Or, ce sont aujourd’hui les métropoles, les agglomérations, les communautés de communes et les conseils régionaux qui détiennent cette compétence. Au-delà des grands projets de transports transfrontaliers, l’UE doit venir appuyer ces politiques locales qui se situent au cœur de la transition environnementale. Elle doit intégrer pleinement les enjeux de mobilités du quotidien, par exemple en soutenant la structuration de réseaux de transport performants et adaptés aux trajets du quotidien, ou d’intermodalité.
Miser sur des dynamiques collectives de changement
L’agriculture et l’alimentation en sont un autre exemple. Un consensus de plus en plus large existe aujourd’hui autour de la nécessaire évolution des modèles de production et de consommation. Là aussi, et les dynamiques collectives de changement vers des modèles plus résilients et durables enclenchées avec les projets alimentaires territoriaux le montre, l’échelle locale est la bonne. Les plans alimentaires territoriaux (PAT) doivent aujourd’hui être consolidés et déclinés en plans opérationnels. Ils pourraient servir de base à une refonte des aides agricoles, afin qu’elles soutiennent ces dynamiques collectives et une agriculture ancrée par rapport aux besoins et spécificités des territoires. L’Union européenne est un acteur essentiel par la force de sa politique agricole et ses normes qui doivent être repensées à la mesure des nouveaux enjeux. Les consommateurs sont sensibles aux normes de qualité gustative, de lutte contre les pesticides, de production locale. A l’UE d’en tirer les conclusions en réorientant les aides de la politique agricole.
Faire dialoguer Europe et Territoires
Enfin, l’Europe est aussi ce que ses parties prenantes en font et les acteurs territoriaux ont leur rôle à jouer et une place à prendre. Faire dialoguer Europe et Territoires, sortir d’une vision descendante des dispositifs, incompatible avec la nécessité de faire émerger des dynamiques collectives, peuvent guider le renouveau de la gouvernance climatique à l’échelle européenne. Cela repose aussi sur la volonté des collectivités de se doter de services Europe fournis, aux régions, départements, métropoles et agglomérations de mettre les moyens pour peser auprès de l’Union européenne. Les collectivités territoriales détiennent des compétences clés pour la transition environnementale. Elles ne peuvent rester en-dehors des débats européens vue la nécessité et l’urgence à agir. Elles doivent se réorganiser en ce sens.
Nous avons la conviction que les acteurs territoriaux, publics et privés, ont intérêt à anticiper les législations européennes mais aussi à agir en étant bien préparés, pour se positionner dans les débats et les programmes européens avec des stratégies pluridisciplinaires développées le plus en amont possible, pour élaborer des positionnements réfléchis et mesurés, pour présenter des projets ambitieux qui répondent à l’urgence climatique et qui nourrissent la réflexion européenne. L’intuition que l’Europe doit intégrer dans sa gouvernance, à toutes les étapes de sa réflexion, les initiatives locales. Parce que l’Europe, ce n’est pas un ovni lointain ; l’Europe, c’est nous.
La lutte contre le dérèglement climatique nécessite un alignement de tous les acteurs: à partir du citoyen, la commune, le département, les métropoles, la région, l’Etat, l’Union européenne.
Tout à fait d’accord ! Mais il faut s’y mettre sérieusement… Et vite !!! Ça urge !!!
surprenant : Aucun mot sur l’énergie, point conflictuelle justement entre les pays européens : nucléaire , pétrole, ENR …. et compliqué dans les territoires
surprenant : Aucun mot sur l’énergie, point conflictuel justement entre les pays européens : nucléaire , pétrole, ENR …. et compliqué dans les territoires
Bonjour.
Pour être viable, la politique de transition énergétique doit ‘être réaliste, elle doit se faire avec le citoyen et non contre lui (un exemple parmi d’autres, vignette crit’air).
L’Europe ne s’est pas doté d’une vraie gouvernance, son mode de fonctionnement est opaque, dominé par des pays qui défendent avant tout leurs propres intérêts.
Croire qu’elle pourrait se faire en synergie avec les territoires me semble illusoire quand on voit qu’elle n’est pas capable de mettre en place une véritable structure (flotte de canadairs et autres) pour lutter contre les incendies en Europe, stationner aux endroits sensibles.
Idem pour la défense de notre territoire (véritable armée européenne indépendante des USA).
Quand va t’on arrêter de tourner en rond dans les articles ?
Oui, oui, oui. Je n’arrête pas de prêcher cela autour de moi !!! Je suis souvent d’accord avec vous sur plein de sujets ! Je veux que l’Europe se fortifie, sans aucune sujétion aux États-Unis, et pour faire triompher les idées en place qu’il conviendrait de mieux respecter un peu partout, surtout si l’on veut agrandir encore le cercle des pays européens. Les Brics qui s’organisent pour nous tramer méritent une réponse intelligente de notre part. Non pas pour les combattre mais pour nous maintenir à la hauteur ! Nos dirigeants sauront ils comprendre ce que nous exigeons deux ??? Si les Brics sont si malins, qu’ils entraînent Poutine et Zelinski vers les négociations…
Je continue à souhaiter une Europe intelligente et humaniste. Le restera-t-elle ?
Bonjour Madame FOUCAUT.
Merci pour votre commentaire, nous sommes nombreux a penser la même chose, nous sommes malheureusement impuissant ?
Pour moi, Sauvons l’Europe devrait être notre porte parole, c’est le seul et vrai combat.
Les articles que nous lisons me donnent l’impression de tourner en rond, c’est gentil de prendre certaines positions mais ou nous mènent ‘elles si la base pour les concrétiser est inexistante.
Nos gouvernants nous font croire qu’ils aiment l’Europe, en réalité, il n’en est rien.
Ils ont construit une Europe pour se remplir les poches au détriment de nous tous.
Nous tous, sommes nous des grands naïfs ?
Cher ami,
Une fois de plus, je comprends votre impatience face aux lenteurs – sinon aux lacunes – que l’on peut constater dans la construction européenne.
Cela dit, je nuancerais votre affirmation selon laquelle le fonctionnement de l’UE est opaque.
En fait, à la source, l’information est assez largement disponible (Journal officiel de l’Union, communiqués de presse quotidiens des institutions qui font un effort pédagogique de transparence – au surplus en toute gratuité sur le site « Europa », facilement accessible – pour ne citer que ces deux références parmi quantité d’autres). Mais, plus en aval, il s’agit avant tout d’un problème de relais d’une telle information. Comme vous le savez, je m’efforce, en qualité de « petite fourmi », de pallier, au moins en partie, par des « coups de périscope » périodiques, la méconnaissance, au niveau des citoyens, de ces sources qui inspirent ma prose. Et, bien entendu – serpent de mer – on peut aussi regretter que les grands médias ne jouent qu’insuffisamment le jeu de l’information en la matière. Cela me rappelle une anecdote rapportée par un ancien haut fonctionnaire de la Commission: à Louis Leprince-Ringuet qui, il y a bien des années, s’étonnait déjà des insuffisances en ce domaine, le grand journaliste que fut Pierre Desgraupes (« Cinq colonnes à la une », etc.) répondit par une formule lapidaire: « l’Europe, c’est emmerdant »…
Me permettrez-vous aussi de souhaiter quelques précision au sujet de votre autre affirmation selon laquelle nos gouvernants « ont construit une Europe pour se remplir les poches au détriment de nous tous » ? Je veux bien convenir de l’existence de quelques scandales qui ont défrayé la chronique encore récemment. Mais, toutes proportions gardées, ces dérives restent relativement marginales en regard de ce qui fonctionne correctement dans la vie de l’UE. De rares épineux ne doivent pas cacher – gâcher ? – l’harmonie d’ensemble de la forêt… et ce d’autant plus qu’en général, en plus du Parlement européen qui n’hésite pas à poser souvent des questions embarrassantes à la Commission et au Conseil, tant la Cour de justice de l’UE que la Cour des comptes européenne (mais quelle connaissance, là aussi, a-t-on de ses rapports qui n’épargnent pas la mauvaise gestion tout en développant des considérations qui ne se cantonnent pas au seul terrain financier ?) veillent au grain. Aussi, une fois de plus, j’ose plaider pour la sauvegarde du bébé lorsqu’on se propose jeter l’eau du bain… fût-elle quelque peu polluée.
Bonjour Monsieur VERNIER.
Opacité dans de nombreux domaine dont celui de l’influence des USA sur un grand nombre de décisions ou d’orientations pris par l’UE.
N’y a t’il pas un jeu occulte de cette grande puissance qui risque dans un avenir plus au moins proche de nous affaiblir et nous appauvrir ?
Pour exemple, comment se fait-il qu’avec le risque de l’avènement au pouvoir du parti républicain au USA, rien ne soit fait pour anticiper cette éventualité ?
Le fait qu’on a voulu nous imposer une commissaire européenne de la concurrence de nationalité américaine, que la présidente de la commission européenne soit pressenti pour coiffer l’OTAN, que d’ex responsables Européens se mettent au service d’autres nations concurrentes, comment est ce possible ?
Ou est le pilotage d’une véritable politique européenne indépendante des USA, faîtes pour le citoyen ?
L’exemple du gaz américain et autres ne nous poussent ‘ils pas à réfléchir sur cette politique américaine soi-disante amicale ?
Vous écrivez « L’information est largement disponible », pensez-vous que le citoyen lambda va se donner la peine de fouiner comme nous le faisons nous ?
La vérité , c’est un manque de volonté de la gouvernance européenne pour créer un réseau d’information clair et net, accessible.
Exemple, une chaine Européenne d’information sur le modèle LCP ( ou en utilisant cette chaîne en la faisant évoluer), ou en insèrent dans chaque journal d’information ou autres un créneau horaire consacré à l’information européenne.
L’information, est-elle une chasse gardée pour maintenir le petit peuple dans l’ignorance, il n’est pas capable de comprendre ?
(réponse à Mylord)
L’opacité à laquelle vous faites allusion mérite effectivement une réflexion approfondie – étant donné, au surplus, que l’on pourrait faire état de maints exemples prouvant que l’UE ne se comporte pas toujours en « toutou » obéissant des Etats-Unis. Je me propose d’en recenser les plus emblématiques. (merci de patienter) … même si on peut effectivement vous suivre sur le terrain de quelques dérives en la matière.
Permettez-moi en outre de rectifier une erreur. En effet, ce n’est pas une « commissaire américaine » qu’ « on » aurait voulu nous imposer dans le domaine de la concurrence: d’une part, parce que, fondamentalement, un/une commissaire ne peut juridiquement être qu’une personne ressortissante d’un Etat membre de l’UE; d’autre part, parce que, dans le cas auquel vous faites allusion, il s’agissait plus prosaïquement de nommer un(e) « conseiller(e) » auprès d’une entité administrative de la Commission sous la tutelle politique du/de la commissaire responsable (voire même, au premier degré, d’un Directeur/Directrice général(e) du service concerné). Comme plusieurs d’entre nous à SLE l’avons souligné, cela relevait davantage d’une maladresse plus ou moins involontaire que d’une intention délibérée d’introduire un cheval de Troie dans un des secteurs les plus sensibles des politiques communautaires. Je pense qu’on a retenu la leçon: Eerrare humanum est, sed persevarare diabolicum »…
Quant à l’accès du citoyen lambda à l’information sur l’UE, je crois avoir été assez clair en insistant sur la responsabilité des « relais » à cet égard: rôle des Maisons de l’Europe – déjà très actives, mais dont le nombre mériterait d’être accru (hélas ! comme en d’autres domaines, les choix budgétaires actuels ne vont pas en ce sens: les crédits généreusement octroyés à la FNSEA ne le permettent sans doute pas); mais aussi les initiatives d’information de nombreuses association, comme « Sauvons l’Europe »; et tout cela sur fond de désintérêt des grands médias à l’égard de l’Union, les frasques de quelques vedettes « people » étant sans doute supposées plus attractives auprès du citoyen lambda.
Ces dernières considérations font que je souscris entièrement à vos observations concernant la nécessité d’encourager le développement de réseaux d’information « clairs et accessibles ». Certains existent déjà… mais leur existence reste bien confidentielle.
Bien cordialement !
Bonjour Monsieur VERNIER.
Merci pour cet échange qui est toujours constructif.
Vous avez raison, cela concernait la nomination d’une américaine au poste d’économiste en chef de la direction de la concurrence (fonction que j’estime être très importante, ne pouvant pas être confié à une telle personne).
J’ai déjà répondu dans un précèdent commentaire sur un article concernant cette question, je ne crois pas à une maladresse, si cela était le cas, c’est encore plus grave ?
Mon sentiment est que cette tentative de nomination démontre malheureusement ce manque de clarté que je dénonce régulièrement.