Depuis la seconde guerre mondiale, la crise dans laquelle l’économie mondiale est précipitée est la plus grave que l’Europe ait connue. Il est impossible de prévoir, à ce stade, l’issue et la durée du changement profond qui se déroule sous nos yeux. L’Europe n’est pas à l’abri de la tempête : elle en sortira renforcée ou, au contraire, sérieusement minée par des conflits internes. Comme dans bien des cas, la difficulté constitue autant une opportunité qu’une menace.
Face à cette crise, les atouts dont l’Union européenne dispose sont nombreux. La remarquable croissance du bien-être dans tous les Etats qui se sont joints au projet d’union provient d’un grand marché intérieur, fondé – selon la formule de Jacques Delors – sur « la concurrence qui stimule, la coopération qui renforce et la solidarité qui unit ». Sa conception équilibrée des rôles respectifs joués par les marchés et les pouvoirs publics est renforcée par un modèle social qui permettra d’atténuer les conséquences d’un ralentissement de la croissance. Au sein de la zone euro, la monnaie unique constitue un rempart solide face au désordre financier.
Malgré ces atouts, si la réponse politique à un défi systémique n’est pas elle-même systémique, les chances pour qu’elle soit efficace sont minces. L’Union – et non les Etats membres en ordre dispersé ou au mieux vaguement coordonné – doit développer un ensemble d’actions pour faire face à la crise. Le temps est propice pour relancer la proposition, contenue dans le Livre blanc de 1993 pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, d’un « eurobond » destiné à financer de larges projets d’infrastructure d’intérêt commun européen. La crise doit pousser l’Europe à compléter l’édifice de l’Union économique et monétaire avec le renforcement de son volet économique.
L’ESPRIT COMMUNAUTAIRE
La continuité et la cohérence de l’action de l’Union doivent être assurées par la Commission européenne, l’institution qui a pour mission l’intérêt européen. De sa capacité d’initiative et de préservation de l’esprit communautaire dépend le bon fonctionnement du triangle institutionnel qu’elle constitue avec le conseil des ministres et le Parlement européen.
L’élection du nouveau Parlement en juin 2009 sera l’occasion d’asseoir la légitimité du leadership de la nouvelle Commission. Dans ce contexte, le moment est venu de donner enfin corps à l’idée, avancée par le comité de Notre Europe dès 1998, que chaque famille politique européenne présente, pendant la campagne, un candidat pour le poste de président de la Commission, qui serait amené à se présenter aux électeurs et à débattre avec ses concurrents.
Les citoyens doivent avoir le sentiment d’avoir devant eux, sur les enjeux européens, des choix politiques clairs et des personnalités qui les incarnent. Les élections de juin 2009 sont un rendez-vous qu’il ne faudra pas manquer.
Jean Luc Dehaene, ancien premier ministre belge ;
Jacques Delors, président fondateur de Notre Europe, ancien président de la Commission européenne ;
Joschka Fischer, ancien ministre allemand des affaires étrangères ;
Felipe González, ancien premier ministre espagnol ;
Pascal Lamy, directeur général de l’OMC ;
Paavo Lipponen, ancien premier ministre finlandais ;
Denis Macshane, membre du Parlement britannique ;
Péter Medgyessy, ancien premier ministre hongrois ;
John Monks, secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats ;
Tommaso Padoa-Schioppa, président de Notre Europe, ancien ministre italien de l’économie et des finances ;
Romano Prodi, ancien premier ministre italien, ancien président de la Commission européenne.
Article paru dans l’édition du Monde du 11.12.08