Un nouvel espace entre l’Europe et le Royaume-Uni

Le Brexit est une histoire mouvementée. Trois ans après avoir largué les amarres, nos amis britanniques réintègrent les deux programmes de coopération scientifique et spatiale de l’Union, respectivement Horizon Europe et Copernicus, grâce à un accord conclu le 7 septembre entre négociateurs de la Commission et du gouvernement britannique. L’accord doit maintenant être validé par le Conseil européen, après quoi le comité spécialisé chargé de la participation aux programmes de l’Union devrait rapidement concrétiser l’accord sur le plan juridique.

Un accord pour renouer le contact avec l’Europe continentale

Pour le volet Horizon Europe, cet accord signifie que les universités, les étudiants, les chercheurs britanniques pourront renouer le contact avec leurs partenaires d’Europe continentale, monter avec eux des projets soutenus financièrement par Horizon Europe et assumer la direction de certains de ces projets. Le programme Copernicus, lui, fournira au Royaume-Uni des services précieux en matière d’observation de la Terre depuis l’espace (par exemple pour assurer le suivi des dégâts causés par le réchauffement climatique ou une alerte précoce contre les catastrophes naturelles), mais aussi un droit de postuler à certains appels d’offres et marchés publics européens. Un ancien membre qui réadhère partiellement et souhaite participer à nouveau à certaines des activités du club dont il avait claqué la porte… Si ce n’est pas un retour au point de départ, ça y ressemble quand même bizarrement.

D’ailleurs, le Royaume-Uni ayant été absent du programme durant presque trois ans, sa contribution financière sera (temporairement) réduite. Un rabais britannique, cela aussi donne une forte impression de déjà-vu, mais bon… Dans l’absolu, on ne peut que se réjouir que la coopération scientifique reprenne.

D’ailleurs, la déclaration commune de la Commission européenne et du gouvernement de Sa Majesté vante cet accord comme « un moment historique pour la collaboration scientifique et spatiale » entre européens d’Angleterre et européens du continent. On a le droit de voir les choses sous cet angle.

Le Brexit : un échec pour tout le monde

Mais quel temps perdu en trois ans ! Depuis 2020, pas moins de 75% des entreprises britanniques auraient déplacé (ou envisageraient de déplacer) leurs activités de recherche hors du territoire du Royaume-Uni, et ce, vers le territoire européen dans… 63% des cas. Et ce serait une erreur, pour les Européens du continent, de se réjouir de voir arriver ces acteurs sur leur sol en comptant les points : il ne s’agit pas d’un jeu à somme nulle, et les dommages infligés à l’économie ou à la recherche anglaises ne sont un avantage pour personne. Non seulement le Brexit est un échec, mais c’est un échec pour tout le monde. Il fait partie de ces situations délétères, dans lesquelles tout le monde est perdant.

Depuis quelques années, une blague quelque peu politisée circulerait en Angleterre: « Quel est le point commun entre le Brexit et le communisme soviétique ? Tous deux ont échoué au stade de la réalisation pratique. Mais la théorie reste bonne. » L’humour absurde et l’autodérision restent une marque de fabrique outre-Manche, ça fait sincèrement plaisir. Mais aujourd’hui que le sentiment de « Bregret » se développe outre-Manche, on peut aussi imaginer que cela fait rire jaune, ceux qui ont voté pour le Brexit en croyant au mythe de la « Global Britain », comme ceux qui ont voté contre.

La déclaration commune du 7 septembre évoque « la collaboration entre l’UE et le Royaume-Uni […] sur des questions d’intérêt commun », ou encore l’importance de « permettr[e] aux chercheurs de travailler ensemble sur des défis mondiaux ». En lisant cela, on peut légitimement se demander : les questions d’intérêt commun et autres défis mondiaux qui rapprochent les chercheurs seraient limités au domaine universitaire ? Pourquoi coopérer dans ce secteur et pas dans tous les autres ? Cela valait-il bien la peine de « leave » pour ensuite revenir par les fenêtres ?

À toutes ces questions s’en ajoute une autre : comment traduire « tout ça pour ça » en anglais ? Much ado about nothing, peut-être ? Après tout, Shakespeare était visionnaire et la saga du Brexit est si riche en coups de théâtre et en personnages tragiques ou ridicules qu’elle aurait trouvé sa place dans une de ses pièces.

Alexis Le Coutour
Alexis Le Coutour
Passionné par la coopération avec nos amis allemands et par la transition énergétique.

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9 Commentaires

  1. Franchement, je suis atterré. Comment pouvons-nous accepter de faire revenir les Britanniques dans des programmes scientifiques qui sont les nôtres? Il suffit donc de payer pour les réintégrer? Je pensais que l’UE était un projet politique et pas un simple marché. Les Britanniques sont en train de récupérer tous les avantages de l’Europe à la carte sans en subir les aspects négatifs. C’est honteux.

    • Complètement d’accord ! C’est honteux, tout ce temps perdu, cet argent perdu aussi, ces contractations, ces bureaucratie transformées, ces files de camion aux portes de Calais, toute cette politique et ces discussions, tant de salive perdue pour en arriver à ça : ils reviennent vers nous, sans revenir tout en revenant par la grande porte si j’en crois mes yeux au journal d’aujourd’hui : cette grande pompe et la vaisselle d’apparat ce soir à Versailles… Monsieur Macron, vous vous prenez vraiment pour un prince ( ou le roi ?)
      Pauvre France, où tes enfants tirent de plus en plus le diable par la queue…

  2. Encore une fois, la construction européenne n’est pas une fin en soi, mais un moyen pour créer un espace politique plus solidaire, plus respectueux de l’environnement et plus juste économiquement. Donc, pas à n’importe quel prix !

  3. Bonjour.

    C’est affligeant, encore une fois, nous avons la démonstration qu’il y a un très gros problème concernant la gouvernance européenne ?

    On veut continuer à intégrer de nouveaux pays alors que l’Europe est ingouvernable actuellement, maintenant on parle de réintégrer le Royaume Uni dans certains programmes, Ursula VON DER LEYEN si elle n’est pas réélu coiffera s’en doute l’OTAN, de qui se moque t’on ?

    Ne sentez vous pas des manipulations en sous main d’une grande puissance ?

    Arrêtons cette naïveté qui consiste à ne rien vouloir voir, à trouver des excuses là ou elles ne sont pas, en ne dénonçant pas cette situation, vous serez complice de l’implosion future de l’Europe, de la montée des extrêmes.

  4. Je ne suis pas d’accord pour dire que l’UE devient un marché plutôt qu’un projet politique, mais il fallait qu les Anglais comprennent leur erreur, avant de faire machine arrière! ; quant à moi, j’ai souffert de les voir partir, mais sachant qu’ils reviendraient tôt ou tard… c’est seulement dommage d’avoir perdu 3 ans pour se priver réciproquement de la collaboration scientifique réciproque des 2 côtés de la Manche, pour en arriver là! N’en profitons pas pour les humilier, mais plutôt pour leur montrer notre satisfaction des les savoir de retour, en même temps pour dissuader les esprits chagrins, qui veulent faire la même erreur chez nous. Pour cela, restons modestes!

    • Bonjour Monsieur RUHARD.

      Un peu d’histoire, le Royaume uni à adhéré à l’UE en reculant, en demandant des contreparties, en étant toujours le vilain petit canard.
      Une seule personne avait compris leur vision, il s’appelait le Général DE GAULLE.
      Cette naïveté constante est de plus en plus navrante et dommageable, voulez vous vraiment l’implosions de l’Europe ?
      En continuant de raisonner ainsi, elle se produira, comme je vous l’ai déjà écrit, vous en serez complice.

  5. Si l’on part du principe que le Royaume uni n’a que des intérêts et pas d’attrait pour le projet Européen, le retour dans les programmes scientifiques de l’UE fait sens. Pour le reste il faudra d’autres preuves d’amour. Et la démarche actuelle de Keir Starmer est totalement désespérante. Des demandes, voire des exigences et aucune contrepartie tangible pour l’UE. You will have to bend a knee first my « friend ».

  6. Je ne peux que partager le regard critique et sceptique des autres commentateurs.
    D’un côté je me réjouis de voir que le Royaume Uni renoue en quelque sorte avec le continent et que les universités et les chercheurs de l’ autre côté de la Manche vont pouvoir à nouveau échanger avec leurs confrères européens.
    Mais de l’ autre côté, je me demande si ce ne sera pas surtout une façon de profiter des programmes et des subventions européennes sans trop avoir à changer de cap politique.
    Hélas, le Brexit a eu des conséquences néfastes pour tous, mais il faut le dire surtout pour les Anglais.
    Alors on pourrait espérer que la majorité chez eux change d’opinion et reconnaisse son erreur. Or cela ne semble pas le cas.
    Donc finalement le gouvernement actuel peut impunément tirer profit de la nouvelle coopération sans changer leur Dogma.
    Est-ce vraiment un résultat positif ?

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