Un sans-faute social pour la présidence belge de l’UE ?

« La grève est un droit, mais travailler est un devoir. » Cette déclaration du Premier ministre français le 14 février dernier, dans un contexte de grève des contrôleurs de la SNCF en période de vacances scolaires, se retrouve dans la bouche de nombreux dirigeants et patrons européens. Au point de menacer la signature de la déclaration sur le futur de l’Europe sociale qui doit être signée cette semaine, lors de la conférence de haut niveau de La Hulpe.

Le socle européen des droits sociaux comme boussole ?

Cet évènement, qui se tient les 15 et 16 avril à La Hulpe, devrait être l’apogée du volet social de la présidence belge de l’Union européenne, particulièrement volontariste sur le sujet. La déclaration tripartite signée à Val Duchesse fin janvier, 39 ans jour pour jour après les débuts du dialogue social initié au même endroit par Jacques Delors, en était un exemple encourageant.

La conférence de la Hulpe est une nouvelle occasion importante de remettre sur la table la mise en œuvre concrète du socle européen des droits sociaux, trois ans après le sommet social de Porto. S’il n’est qu’un cadre général couvrant des compétences qui ne sont pas du ressort exclusif de l’UE, force est de constater qu’il a permis d’avancer sur de nombreuses dimensions.

Mais, dans un contexte de remise en cause du droit de grève dans différents pays, il risque d’être difficile de concilier les recommandations et autres feuilles de routes de cette fin de mandat. Les discussions prévues lors du Conseil européen des 17 et 18 avril, autour du marché unique et de la compétitivité notamment, s’annoncent intéressantes en la matière. Comment en effet concilier la dimension compétitivité, longtemps synonyme de baisse du « coût du travail », avec les besoins colossaux en investissements à laquelle l’Europe fait face aujourd’hui ? Et quelles implications pour les emplois ?

A quelques mois d’élections européennes qui pourraient voir le bloc progressiste se rétrécir, et de la présidence hongroise qui devrait être moins proactive sur les questions sociales, l’adoption d’une déclaration ambitieuse à la Hulpe, qui permette de consolider les avancées sociales des dernières années, serait un signal fort. Cela semble encore incertain, tant certaines questions semblent ne pas faire consensus.

C’est le cas de la question du droit de grève : une référence a été ajoutée dans la partie faisant rappeler les droits fondamentaux des syndicats et des travailleurs, mentionnant « le respect des droits et obligations réciproques des employeurs et des travailleurs ». Un ajout qui risque de ne pas passer pour les syndicats.

Une remise en cause inquiétante du droit de grève en Europe

Si le sujet est sensible, c’est parce que le droit de grève fait régulièrement l’objet d’attaques ces derniers mois en Europe. Ainsi, en Angleterre, une loi sur le service minimum a été adoptée en juillet 2023, restreignant le droit de grève en introduisant un service minimum dans six secteurs considérés comme essentiels, et cela malgré une mobilisation massive des travailleuses et travailleurs.

En Finlande, depuis la mise en place en juin 2023 d’un gouvernement de coalition droite/extrême-droite, les attaques contre les droits sociaux (dont le droit de grève) ont été crescendo, avec une dénonciation plus fréquente de mouvements de grève « illicites » entrainant sanctions des syndicats de grévistes de 10 000 à 150 000 euros d’amende, assorties d’amendes individuelles pour les grévistes. Cela a donné lieu au plus long mouvement de grève en Finlande depuis la Seconde Guerre mondiale. Le Premier ministre conservateur, M. Orpo, a mentionné l’amélioration de la compétitivité du pays pour justifier une casse du marché du travail sans précédent.

En Belgique, le projet de loi Van Quickenborne, restreignant le droit de manifester et ciblant particulièrement les piquets de grève a finalement été abandonné – mais le débat public continue de se remplir de projets visant à restreindre l’exercice des libertés fondamentales.

En France, le sujet est revenu sur la table récemment avec une proposition de loi examinée au Sénat, restreignant le droit de grève des cheminotes et cheminots sur des périodes allant jusqu’à 30 jours par an – secteur qui doit déjà déposer un préavis de 15 jours. Ce qui serait de facto une atteinte au droit de grève.

De l’importance de la préservation des libertés fondamentales pour le progrès social…

Dans un contexte de retour de l’austérité, de creusement des inégalités qui pèsent de façon importante sur les travailleuses et travailleurs, et alors que les espaces formels de dialogue social sont réduits, la question de la progression des droits sociaux se pose, et avec elle celle de la mobilisation des contre-pouvoirs. Les mobilisations permettant de trouver des compromis sur certaines directives en cette fin de mandat, sur les travailleuses et travailleurs de plateformes numériques ou le devoir de vigilance des multinationales notamment, ont montré à quel point elles étaient nécessaires à notre modèle social.

Chloé Bourguignon
Chloé Bourguignon
Responsable syndicale spécialiste des questions européennes et internationales.

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6 Commentaires

  1. « Restreindre le droit de grève des cheminotes et cheminots sur des périodes allant jusqu’à 30 jours par an – secteur qui doit déjà déposer un préavis de 15 jours. Ce qui serait de facto une atteinte au droit de grève. » Oui, mais menacer les vacances des enfants, les Jeux Olympiques, et ce toujours par les mêmes cheminots, est-ce bien éthique ? Développer le doute sur la fiabilité de la logistique ferroviaire à un moment où les écologistes voudraient, avec raison d’ailleurs, promouvoir les transports les transports en commun, est-ce bien responsable ? Le pouvoir de nuisance ne doit-il avoir aucune limite ? J’ai encore connu la dernière coupure de courant en plein hiver suite à une grève EDF ! Un peu de nuance quand même.

    • Ah ! oui les jeux Ol. les vacances soclaires.. alors que démarre une 3e guerre mondiale ! ?
      Un peu de nuance pour mettre charrue devant boeufs , Mr Raphaël !!

    • Je reconnais que les JO, sur le plan écologique et social, ce sera une réussite, n’en doutons pas. Quant aux vacances des enfants, je n’avais pas pensé que les seuls empêcheurs étaient les cheminots ! Merci de me le rappeler. Et merci pour la SNCF, destinée d’ailleurs à disparaître.
      Quant aux fainéants qui font grève pour rien, pour défendre leur travail seulement, quel cynisme ! Qu’ils deviennent actionnaires et se fichent complètement des services publics, ce machin pour pauvres…

  2. Bonsoir.

    Oui, certains mouvements de grèves peuvent paraître déconcertant, injuste, etc……, mais a qui la faute ?

    Aux cheminots grassement payés, aux contrôleurs quand il y en a, aux manutentionnaires, aux ouvriers de la SNCF, aux retraités, à vous, à moi, nous gagnions trop, 1200, 1400, 2500, 3000€, c’est trop face à un pauvre Tavares qui ne compte pas ses heures de travail, qui plie, sue, qui a des rhumatisme dans les doigts à force de manipuler des liasses de gros billets, à nos députés et sénateurs bien ventrus qui ont laissé filé la dette et qui maintenant osent nous l’imputer, car cet de notre faute, vous ne le saviez pas ?

    Le ferroutage, vous connaissez, la vente de l’ingénierie nucléaire aux américains, etc, etc …

    A cerise sur le gâteau, savez vous que nous avons un ministre de l’économie et des finances qui occupe cette fonction depuis 2017, la dette, il ne connaissait pas, les intérêts de la dette et les agences de notation, il les découvre, c’est quoi ?

    Et que dire de notre président ?????????????????

    Et oui, Monsieur Raphaël, c’est incontestable, mieux vaut le gâchis décrit plus haut que ce malheureux droit de crève, erreur de grève.

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