Elon Musk s’est fendu d’un salut nazi à la cérémonie d’intronisation de Donald Trump. Nombreux sont ceux qui essayent de ne pas le voir, d’interpréter autrement le geste ou de donner le bénéfice du doute quant à l’intention, mais soyons lucides. La main sur le cœur, puis le bras vivement étendu à mi-hauteur, doigts serrés et paume vers le bas n’a pas d’autre signification et se trouve rarement réalisé accidentellement.
L’interprétation charitable est qu’il s’agit d’un geste maladroit de la part d’une personne sous le coup de l’émotion, qui voulait envoyer son cœur à la foule et dont l’autisme peut conduire à des difficultés de communication. Elon Musk serait donc un brave type un peu benêt et mal à l’aise en public.
Pour être réaliste, il faut au contraire considérer un homme élevé dans l’Afrique du sud de l’Apartheid, rompu à la communication provocante dans l’ensemble de ses entreprises, qui soutient et cite l’extrême-droite sur son réseau, s’approprie ses symboles, reprend à son compte la théorie du grand remplacement, diffuse une vision du monde faite d’affrontement entre les races au sens américain du terme et justifie sa dizaine d’enfants par la nécessité de la survie de la civilisation via la diffusion de ses gènes. Il fait campagne pour l’AFD, parti authentiquement néo-nazi qui reprend dans sa propagande électorale officielle des saluts nazis et des slogans nazis. Depuis, loin de s’excuser ou d’expliquer son geste il se moque sur X de l’Anti-Defamation League qui essaye piteusement de le justifier et se lance dans une salve de jeux de mots sur les dirigeants nazis.
Il faut voir ce geste pour ce qu’il est, sans se perdre dans une recherche de sa signification exacte pour Musk. C’est d’abord une preuve de pouvoir de sa part, de ce qu’il peut désormais impunément réaliser un salut nazi à une occasion publique sans que personne n’ose plus même le constater. Mais c’est l’ensemble des premiers jours de l’administration Trump qu’il faut regarder, pour ne pas se laisser obnubiler par ce symbole et comprendre à quoi nous faisons face.
L’un des premiers actes de Trump a été de gracier tous les émeutiers du 6 janvier au Capitole, et en particulier ceux qui ont fait preuve de violence contre des policiers. Dans le même temps, il a privé de leur protection policière plusieurs personnalités comme Anthony Fauci ou John Bolton indiquant qu’il ne se sentirait pas responsable s’il leur arrivait du mal, et multiplié les messages les désignant comme des ennemis de l’Amérique. Il est difficile de ne pas constater que les conditions d’une violence politique contre les opposants à Trump sont mises en place. Et face à l’incendie ravageant Los Angeles, Trump annonce conditionner l’aide fédérale à la modification des règles électorales locales.
Les procédures déontologiques de l’administration ont également été purement et simplement supprimée. Trump lance une cryptomonnaie personnelle qui lui a rapporté en quelques jours 20 milliards de dollars et permet de fait à quiconque de verser de l’argent au Président des Etats-Unis. Depuis l’élection présidentielle, la fortune de Musk a augmenté d’une centaine de milliards de dollars ce qui constitue l’évaluation par le marché de la manière dont il va bénéficier de l’État sous le nouveau régime. Donald Trump a déclaré vouloir ramener l’Amérique au « Gilded Age », période de la seconde moitié du XIXème siècle qui aurait connu la plus grande croissance du pays. C’est inexact, la croissance depuis la seconde guerre mondiale étant un tiers plus élevée, mais c’était en revanche pour les milliardaires une période de domination sans partage sur le pays. Trump et Musk, enfin, sont connus pour leurs prises de positions antisyndicales et leur propension à abuser de leurs employés.
On s’interrogeait enfin si la volonté d’annexer le Groenland était une foucade de langage. Trump l’a personnellement confirmé cette semaine à la première ministre danoise qu’il a menacée de sanctions douanières importantes si elle ne pliait pas. Nous sommes donc confrontés à la situation inconcevable de notre premier allié, garant de la sécurité européenne, devenant une menace pour notre territoire.
Le réflexe naturel est de refuser de voir, de prendre acte que le second mandat de Trump ne ressemblera pas au premier. De faire le gros dos en laissant passer l’orage et en s’imaginant qu’acheter des armes américaines achètera la paix. Ce n’est pas le cas. Trump et Musk se sont lancés dans une campagne de soutien aux droites extrêmes en Europe, et veulent nous inféoder numériquement, industriellement et stratégiquement.
Nous allons devoir faire face. Pour l’heure, les premiers réflexes ne sont pas encourageants. Mais nous n’aurons sans doute pas le choix que de se battre. Nous devons prendre toutes les mesures utiles pour nous protéger et nous préparer à rendre coup pour coup. Il paraît que l’Europe ne se construit que dans les crises. Il est temps de le vérifier.
Je pense qu’helas les constats faits ici sont pertinents et que l’Europe va devoir se défendre contre ce nouvel impérialisme. Isoler les partisans de Trump et regrouper les autres, ceux qui veulent résister.
Je partage entièrement cette analyse… avec regret.
L’Europe va en effet devoir s’unir plus, y compris d’un point de vue fiscal et militaire, se battre sur plusieurs fronts – et trouver des alliés. Pour cela, mieux se comporter vis-à-vis du Sud global, probablement coopérer avec la Chine qui a au moins compris que le changement climatique est une menace réelle et qui agit dessus de façon fiable.
Bonjour, merci pour votre article dont je partage les grandes lignes. Je ne m’attarderai pas trop tout de même sur le salut prétendument Nazi car tout ce qui renvoie à une comparaison avec le passé risque de nous empêcher de mieux comprendre le présent. Comme vous l’avez bien expliqué dans la seconde partie de l’article, nous devons faire face à un impérialisme à travers lequel les Etats-Unis « veulent nous inféoder numériquement, industriellement et stratégiquement ». Cependant, je tiens à vous signaler, en dehors de l’infâme velleité territoriale sur le Groenland, que les Démocrates avec Obama et Biden faisaient la même chose : critiques incessantes sur la presse américaine démocrate (le NYT et le Newsweek) de la laïcité à la française, présentée comme une forme de politique raciste; pression sur les Européens pour l’achat d’armes américaines et pour suivre sans discussion les Etats-Unis dans leur aide à l’Ukraine contre la Russie avec choix forcé qui s’en est suivi d’achat de gaz de schiste américan à 5 fois le prix du gaz que nous achetions aux Russes. J’estime en effet que le soutien à l’Ukraine, légitime, aurait dû faire l’objet d’un choix souverain des Européens qui auraient dû échafauder une statégie pour limiter l’impact de la cessation de fourniture de gaz en provenance de Russie. Au lieu de cela, nous avons été forcés par les Américains de cesser cet approvisionnement, sans avoir de plan B. Enfin, pour lancer le débat sur votre excellente conclusion et résolution : »… nous n’aurons sans doute pas le choix que de se battre. Nous devons prendre toutes les mesures utiles pour nous protéger et nous préparer à rendre coup pour coup ». Je vous suis totalement. Mais alors, au vu de la vassalisation avancée de nombreux Etats européens aux Américains, il faut être pragmatiques et efficaces : nous ne trouverons jamais un point d’entente avec les Pays Baltes ou scandinaves (même pas avec le Danemark, pourtant menacé dans son intégrité territoriale). Il faudra donc rassembler une minorité d’Etats en sortant du cadre institutionnel de l’UE (ce qui interdit une réponse commerciale et douanière) et répondre fermement avec rappel des ambassadeurs, convocation des ambassadeurs américains, coopération militaire excluant toute coopération avec les Américains et achat de matériel américain, augmentation drasrique des budgets militaires, baisse drastique des taxes pour favoriser l’émergence de PME dans la haute technologie et IA etc. Bref, nous devons dès à présent préparer le terrain pour combattre à la fois les Russes et les Américains qui, tous deux, menacent l’intégrité territoriale de l’UE. Cela implique des actions fortes, courageuses et pragmatiques en dehors du cadre institutionnel paralysant de l’UE.
Merci de ce commentaire détaillé. Je partage votre point que les USA ont toujours, dans le cadre de l’alliance, privilégié leur intérêt y compris de manière brutale. Aux exemples que vous citez (je serais moins affirmatif que vous sur le gaz russe toutefois) j’ajoute les procédures pour infraction aux sanctions américaine, qui de manière suspecte tombaient essentiellement et très brutalement sur les entreprises européennes. Nous franchissons néanmoins un seuil. Pour les mécanismes à saisir, il s’agit sans doute d’une double détente avec une avant -garde volontaire et une arrière-garde au rythme des derniers, ou des avant-derniers.
3 commentaires intéressants qui montrent que des choix importants sont devant l’Union européenne. Est-elle capable de les faire ? c’est un des enjeux supplémentaires.
Géraldine Muhlmann, dans son livre « Pour les faits » (Les Belles lettres) pourfend « Le discours » qui supplante « Les faits », notamment sur les réseaux sociaux. Ainsi l’article d’Arthur Colin commence par l’énoncé de quelque chose qui est présenté comme un fait : « Elon Musk s’est fendu d’un salut nazi à la cérémonie d’intronisation de Donald Trump », répétant ainsi ce qu’on entend partout dans les médias français, et qui est manifestement faux ( il suffit de regarder les photos de l’article Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Salut_fasciste pour vérifier que le salut nazi se faisait très calmement, le corps vertical, bras à l’horizontale, rien à voir avec le geste de rage victorieuse de Musk). Face à la polémique, Netanyahou lui même a répondu « “@elonmusk is being falsely smeared. Elon is a great friend of Israel. He visited Israel after the October 7 massacre in which Hamas terrorists committed the worst atrocity against the Jewish people since the Holocaust,”
Pour le reste, l’article de AC, qu’on a connu plus inspiré, reprend l’argumentation qu’on entend et lit partout actuellement… et il reprend aussi le post que Musk a fait sur X !
Je croyais que SLE avait décidé de quitter X. 😉
Bonjour,
De la même manière que nous ne publierions pas sur Minute mais que nous pouvons commenter ce qui s’y trouve, il est bien normal de sourcer directement les déclarations de Musk sur X.
Par ailleurs, merci du partage de votre expertise sur les saluts nazis.
J’ajoute que le fait que Bibi ait défendu Musk ne démontre absolument rien, le Premier Ministre Israélien ayant souvent démontré qu’il n’avait aucun scrupule à s’associer avec des personnes d’extrême droite bien borderline sur l’antisémitisme dès lors que cela servait ses intérêts.
Le caractère éminemment nazi du salut de Musk ne dépend pas de l’angle que fait le bras avec le sol !! Il suffit de connaître ses prises de positions en politique nationale et internationale pour être fixés. On pourrait à cette occasion s’interroger sur l’accession au pouvoir d’individus d’extrême droite et se poser la question de son rapport avec le déclin de l’empire américain. Comme pour une étoile en fin de vie, ce déclin sera l’occasion de soubresauts terribles dont on a un avant goût avec trump. Je rejoins le commentaire ci-dessus en disant qu’il est urgent que l’Europe tisse des liens avec les BRICs pour ne pas faire de la Chine le nouvel impérialisme du XXIème siècle.
Mais Ursula VDL semble bien loin de ces considérations et je ne donne pas cher de l’Europe, à moins que la crise qui s’annonce ne donne lieu à un complet remaniement.