Jean Lapeyre – Le dialogue social européen de 1985 à 2003

Jean-Lapeyre Le dialogue social européen

Histoire d’une innovation sociale de 1985 à 2003

par Jean Lapeyre un des principaux acteurs de cette belle Histoire, préface de Jacques Delors – Postface de Luca Visentini – Secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats

Comment et pourquoi t’es venue l’idée de rédiger ce livre ?

Comme syndicalistes nous avons toujours du mal à écrire, notre tradition est plutôt orale et je m’apercevais que nous perdions beaucoup de notre mémoire collective de ce moment de l’histoire européenne. Je voulais montrer que ce dialogue social était le fruit d’une volonté commune dans un moment et un contexte donnés où l’intérêt général et la volonté européenne dominaient.

Quelles sont les périodes qui t’ont le plus marqué dans cette grande histoire du dialogue social européen ?

J’ai d’abord été marqué par la diversité des cultures de relations sociales et de négociation, des rapports entre le législatif et le contractuel et ma première priorité a été de comprendre les autres avant de penser à construire un système supranational. Ne pas intégrer dans nos réflexions les cultures nationales interprofessionnelles et/ou professionnelles c’était prendre le risque de faire des erreurs grossières, par exemple les termes conventions collectives ne couvrent pas les mêmes réalités en Italie ou en France et en Allemagne. Il n’était pas évident qu’un employeur grec comprenne un syndicaliste danois ou qu’un syndicaliste irlandais comprenne un syndicaliste espagnol. Cet effort de compréhension préalable nous a fait progresser considérablement pour construire le dialogue social européen.

Après le stade d’initiation il fallait passer au stade d’acteurs de l’espace social européen. L’accord du 31 octobre 1991 a été fondateur du dialogue social dans sa dimension contractuelle. Il créait une obligation pour la Commission européenne de consulter préalablement les partenaires sociaux avant toute initiative sociale et de les laisser négocier si ceux-ci le décidaient en commun mais en permettant au législateur de reprendre la main s’ils échouaient.

Le passage au stade de la négociation a été une période marquante.

Quelles en ont été les plus grandes avancées ?

Il y a les avancées législatives et celles contractuelles. Ce qui est remarquable c’est la dynamique créée par ce que je pourrais appeler la « complicité » avec le président Jacques Delors et une volonté commune de développer un espace de régulation sociale par la négociation. Ce qui était primordial était que l’Union européenne et la Commission créent les conditions, les instruments et les procédures pour que ce dialogue social fonctionne. Cela a été la force du président de la Commission.

C’est ainsi que nous avons pu négocier le congé parental, les contrats à durée déterminée et le travail à temps partiel.

Sur le plan législatif, au-delà des éléments du Traité comme le passage à la majorité qualifiée pour des législations sociales dans l’Acte Unique de 1987 et le Protocole social du Traité de Maastricht de 1991, je crois que l’un des plus grands acquis est la législation sur les Comités d’entreprises européens qui a créé un droit à l’information/consultation des salariés dans les groupes multinationaux. La législation sociale est plus importante qu’on ne le croit, en particulier sur l’égalité femme/homme et les normes de santé et sécurité au travail.

Sur la base de ton expérience, que préconises-tu pour relancer et consolider la dynamique du dialogue social européen ?

Il y a une phrase de Jacques Delors que je fais je mienne. Dans un livre d’entretiens avec Dominique Wolton « L’unité d’un homme », celui-ci lui demande à la fin : « Quel est le plus grand danger pour l’Europe ? » et Jacques Delors répond « Le manque d’ambition et la nostalgie du passé ». Il ne faut donc pas vouloir penser le dialogue social comme dans les années 90 mais dans le nouveau contexte d’une crise qui n’en finit pas et mettant en place les instruments d’anticipation pour gérer les mutations économiques et industrielles pour qu’elles soient économiquement efficaces et socialement justes, pour assurer un droit à la formation permanente, pour lutter contre les discriminations et la précarité, développer l’emploi qualifié et combattre l’exclusion sociale…Il faut de l’ambition à l’UE pour rendre crédible et attractif le besoin d’Europe qui est notre avenir. Il faut de l’ambition à l’Europe pour développer une nouvelle gouvernance à partir de la zone Euro, relancer une politique sociale qui assure aux citoyens une Europe protectrice et de progrès social. Il faut aussi de l’ambition aux partenaires sociaux pour relancer un dialogue social producteur d’accords.
Propos recueillis par Jean-Pierre Bobichon, membre fondateur de Sauvons l’Europe

 

[author image= »https://www.sauvonsleurope.eu/wp-content/uploads/2015/01/Jean-Lapeyre1.jpg » ]Jean Lapeyre Ancien secrétaire général adjoint de la Confédération européenne des syndicats (CES) Il est titulaire d’un CAP et BEI de souffleur de verre. Il a travaillé à l’usine Thomson CSF de Grenoble de 1966 à fin 1971, où il a milité à la CFDT. Il est élu au secrétariat de la Fédération de la métallurgie CFDT de 1972 à 1981, puis devient rédacteur et rédacteur en chef de Syndicalisme Hebdo à la confédération jusqu’en 1986. Il est élu secrétaire de la Confédération européenne des syndicats (CES) en septembre 1986, puis secrétaire général adjoint en 1991, jusqu’à juin 2003, où il est pendant 17 ans responsable du dialogue social. En juillet 2003, il est nommé conseiller social à l’ambassade de France à Rome, avant de devenir en 2007 conseiller auprès du secrétaire général du Comité économique et social européen. Il a occupé son dernier poste de 2009 à fin 2013, comme responsable de la mise en place du bureau européen de Syndex. Il est aujourd’hui adhérent à la CFDT retraité(e) de Paris Il a publié cet ouvrage composé de 287 pages pour puiser dans l’Histoire, les perspectives à construire pour aujourd’hui et pour demain afin de poursuivre l’Histoire du dialogue social européen jamais achevé .[/author]

 

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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