Mémoire d’un fils d’immigrés

A l’heure où le sort des immigrés qui rejoignent l’Europe pour vivre se discute à coup de contrôles renforcés et de tri entre vrais réfugiés et immigrés économiques, nous rappelons ici la publication du travail d’André Landesman sur l’histoire de sa propre famille d’Odessa, prise dans les mâchoires du siècle. Si les raisons du départ peuvent différer selon les gens, le trajet est difficile pour tout le monde.

Né à Paris, André Landesman est le fils d’un couple d’immigrés juifs russes arrivés en France en 1924. Ses recherches, dont cette « chronique familiale » est le fruit, nous emmènent sur les traces de ses ancêtres, principalement à Irkoutsk, en Sibérie, et à Odessa, sur la mer Noire. Appartenant à des milieux relativement privilégiés – son arrière-grand-père, Isaïe Matveevich Feinberg, fut un riche homme d’affaires d’Irkoutsk à l’époque tsariste – les personnages évoqués ici, commerçants, architectes, médecins, musiciens, ont traversé les secousses de la Russie au 20e siècle. Deux grands-oncles de l’auteur participèrent à l’agitation révolutionnaire contre le régime tsariste ; beaucoup de membres de cette famille émigrèrent après la révolution de 1917, les uns en Allemagne, d’où le nazisme les chassa vers la Suède, d’autres en France, comme les parents de l’auteur, d’autres enfin dans la Palestine mandataire, en Italie, aux États-Unis ; quant à ceux qui demeurèrent en Russie, ils furent confrontés à la terreur stalinienne, à la Seconde guerre mondiale, à l’occupation nazie et à la Shoah, qui anéantit la communauté juive restée à Odessa. Au cours de différents voyages dans l’ancienne URSS (le premier effectué en 1966), André Landesman a retrouvé plusieurs de leurs descendants, dont les récits ont enrichi la mémoire familiale et permis de reconstituer bien des itinéraires biographiques.

Cette « chronique » est complétée par les souvenirs personnels de l’auteur, remontant aux années 1930. Sous l’occupation allemande, sa famille fut cachée par des « Justes » à Verneuil-sur-Avre, dans l’Eure. Elle échappa ainsi aux rafles, à l’exception d’une de ses deux sœurs, Irène, arrêtée en 1942 par la police de Vichy et déportée sans retour à Auschwitz. L’histoire de cette famille d’immigrés juifs russes est aussi celle d’un long parcours, commencé en 1929, pour obtenir la naturalisation française, enfin acquise par les parents de l’auteur en 1947.

Composée à la fois à partir de souvenirs familiaux et de recherches d’archives, cette « chronique » ajoute une pierre au patrimoine mémoriel des Juifs de Russie et de leur diaspora.

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5 Commentaires

  1. Ma famille paternelle est venue de TURQUIE EN 1910 et obtint la nationalité française en 1930, révoquée ensuite par Vichy et rétablie après la seconde guerre mondiale.

    Mon père était né français en 1922.

    Réfugié en Normandie, il rejoint la Résistance dés 1941, DMR de cette région M (délégué militaire régional) le 6 juin 1944 marque le débarquement et ses 22 ans.

    L’immigration a changé depuis 1910, mais la France pourrait parcourir son histoire.

  2. modestement,
    Du côté paternel grand-mère française de langue maternelle flamand, grand-père picard, camarade de cellule communiste de Maurice Thorez, faisant fonction de maire de Fourmies pendant l’occupation allemande de 14-18, mais emprisonné, puis libéré par la Croix-Rouge, accueilli à Marseille puis entre deux guerres…..
    Moi-même né en 33, en vacances en Loire-Inférieure en 39, resté là avec ma mère (sans mari) et mon frère. Y ai fondé ma famille. De mes 11 petits-enfants une vit à Bruxelles, et son fils ira à la crèche flamande….
    La vie continue

  3. Née à Paris en 47, mon père arriva en France en 1937, comme réfugié politique de la guerre civile espagnole. Il obtint sa naturalisation française en 1967. À l’âge adulte, mes deux soeurs et moi-même, sommes retournées vivre au Pays Basque espagnole où notre père était né, animées par une grande nécessité de retrouver nos racines basque-espagnole. Nous sommes toutes et tous « quelque part », filles et fils d’immigrés…

  4. Nous sommes des millions en France à être des enfants d’immigrés. Mon histoire est moins douloureuse que celle des immigrés ayant échappé à l’extermination nazie. Je suis née en 1945 en France d’un père allemand antinazi et d’une mère née en Italie dans une famille de paysans, venus en France pour y trouver du travail. Vies tragiques qu’il faudrait résumer. J’ai pu faire des études universitaires, vivre de mon travail même modestement. Pourtant je me sens encore et toujours fille d’immigrés. Je porte cela avec élan, détermination et force dans le soutien que j’essaie d’apporter à ceux que l’on appelle maintenant les migrants.

    Anne

  5. Je suis arrivé en France avec ma mère, mon frère et mes deux soeurs à l’âge de 6 mois. Mon père ayant fui la Sicile et sa misère était déjà installé à Lorette dans la région industrielle de la vallée du Gier située entre Lyon et Saint-Etienne. Il avait obtenu son contrat de travail avec la Compagnie des Aciéries et des Forges de la Loire dans sa ville d’origine, Lercara Friddi, près de Palerme. A l’époque la France recrutait beaucoup de main d’oeuvre en Italie, en Espagne, en Pologne et l’on faisait venir des ouvriers par trains entiers pour reconstruire le pays. Je raconte des souvenirs d’enfance dans un livre intitulé « Le cantonnement » publié (et toujours distribué) par le Musée de la Mine de la ville de St Etienne. Un exemplaire de cet ouvrage est disponible au Musée de l’Immigration à Paris. Je m’étonne qu’aujourd’hui les descendants de ces siciliens ayant connu l’exode, la douleur et le déchirement votent en majorité (aux côtés des nationaliste de la Ligue) pour ces politiques d’exclusion et de rejet des réfugiés. Entendre des paroles xénophobes ou racistes prononcées par des immigrés ou des enfants d’immigrés m’a toujours étonné… Dans certaines familles, le récit familial semble avoir été négligé, la langue d’origine,le passé, ont sans doute été rejetés dans un souci d’intégration… L’individualisme et l’égoïsme gagnent chaque jour du terrain. Devoir de vigilance…

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